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Enquête-Mali: Les non-dits de la crise

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Que cherche la France libératrice à Kidal ? Pourquoi après avoir libéré la région, elle ne laissa pas l’armée malienne sécuriser les personnes et leurs biens comme à Tombouctou et à Gao ? Longtemps, ces questions ont taraudé l’esprit des observateurs qui en savent peu des enjeux de cette crise. Mais qu’en est-il exactement ? Enquête.

Si depuis 2013, les Français ont fermé la porte de Kidal à l’armée malienne, c’est parce qu’ils ont pris ailleurs des engagements sans y associer les Maliens. En clair, les puissances occidentales, membres du conseil de sécurité et dont le véto a été sollicité pour une intervention militaire au Mali, se sont dès le départ montrées radicales à toute présence militaire malienne à Kidal. Pour ces puissances décidées à accompagner Paris dans son projet d’intervention dans cette zone, tout acte de violence perpétré contre les Touaregs dits marginalisés au Mali, n’aura de responsable que Paris qui dispose de la plus puissante armée sur le terrain.

LA SITUATION A L’ORIGINE                         

Au-delà de tenir Kidal jusqu’au règlement pacifique de la crise malienne, le plan initial était d’occuper à tout prix le sud algérien avec pour objectif d’affaiblir l’influence manifeste de l’Algérie sur la bande sahélo-saharienne.

Après avoir farouchement combattu les salafistes dans les années 1990, l’Etat algérien s’est donné une certaine notoriété faisant croire à ses voisins du sud qu’il est cet incontournable grand-frère régional chez qui toutes les crises se dénouent.  Pour sa part, Paris veut torpiller  cette hégémonie algérienne grandissante sur ses anciennes colonies à travers la bande saharo-sahélienne.

En 2010, à la suite des prises d’otages à Arlit au Niger, la France de Nicolas Sarkozy est parvenue à installer des unités spéciales en Mauritanie, au Niger et au Burkina. Tel n’a pas été le cas au Mali.

Sur le terrain, puisque Bamako avait refusé le déploiement de forces françaises sur son sol, elle propose une conférence des pays du champ en vue de contrer les narcotrafiquants. Une initiative de Bamako qui donna naissance au Comité d’état-major conjoint (cemoc) basé à Tamanrasset en avril 2010.

Pour le pouvoir malien de l’époque, accepter la présence militaire française sur son territoire équivaut non seulement une à insulte à l’égard des pères de son indépendance, mais aussi à une renonciation à sa souveraineté difficilement acquise en 1960.

Pendant ce temps, les unités spéciales françaises au Niger et en Mauritanie, dotent leurs hôtes de la logistique de guerre pour faire face à AQMI. Ecarté et traité de maillon faible de la chaine, le Mali est dans l’œil du cyclone. C’est dans ces conditions que surviennent les évènements en Libye.

En 2011, après la Libye, la France de Nicolas Sarkozy use de son influence sur l’Algérie pour faire passer les mercenaires de la Libye auxquels elle avait promis un territoire après la libération des otages d’Arlit (enlevés en septembre 2010) et probablement retenus quelque part au Mali. Or en réalité, il n’était pas seulement question d’otages, mais d’abord, de la mise à terre d’un régime malien qui a fait montre d’une farouche résistance face au diktat paternaliste.

Dans l’attitude de l’ancienne métropole qui, hier comme aujourd’hui, ne veut jamais voir ses colonies s’affranchir, il est hors de question que le Mali tienne tête à Paris. ATT devient alors l’homme à abattre avant la fin de son mandat.

 Paris savait qu’une éventuelle fin pacifique du mandat d’ATT(le dernier résistant) inciterait d’autres Chefs d’Etats Africains malléables à l’imiter dans son entêtement.

Pour sauver le Niger et la Mauritanie des revenants de la Libye convoyés jusqu’au sahel et auxquels un territoire a été promis, la France active ses unités aux frontières mauritaniennes à l’Ouest, et constitue avec le Niger l’opération ‘’Mali Béro’’, à l’Est. Cette dernière est une opération de commandos Français au Niger initiée dès début 2011 dans le but de freiner toute tentative de franchir le territoire nigérien par les revenants de la Libye. C’est cette opération qui sauva le Niger à la différence du Mali en ligne de mire.

Janvier 2012, de Bamako, le Général président au bout de son dernier mandat, a résisté jusque-là. Ce dernier sur la sellette, use de ses contacts pour trouver la solution au problème. Mais, de son entêtement à la soumission, viendra s’ajouter son refus de reconnaître le CNT libyen.

En occident, ses armes commandées sont bloquées dès octobre 2011. Le régime acculé, opte pour une intervention militaire purement africaine.

Nous sommes le 20 mars 2012. L’union africaine débarque à Bamako sans y associer Paris car fâchée de la tournure prise de la résolution 1973 adoptée pour une zone d’exclusion aérienne ayant abouti à l’assassinat de Mouammar Kadhafi. L’objectif de Jean Ping (UA) et de ses soutiens à Bamako, était d’adopter au sein d’un conseil purement africain le déploiement rapide des unités sud-africaines afin de vite stopper la rébellion et tenir des élections avant mai de la même année. Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase.

Au nord du Mali, la rébellion obtient un soutien médiatique inédit et sème la panique au sein des forces armées régulières. La volonté de terrasser le régime malien est acquise parce que la panique et l’amalgame orchestrées de toutes pièces ont poussé certains éléments de l’armée à se mutiner pour prendre le pouvoir à Bamako. Des anciens rebelles au sein de l’armée malienne rejoignent le camp ennemi. Le nord est désormais occupé par des terroristes qu’il faut combattre. Ce qui occasionnera et favorisera l’installation effective des forces françaises dans le pays par une résolution du Conseil de Sécurité demandée et présentée par Paris.

LA VOIE EST ENFIN LIBRE…S’INSTALLER DANS LA DUREE

Avril 2012, malgré le départ de Sarko du pouvoir, la France qui crie à l’intervention militaire fait semblant de ne pas vouloir venir au Mali. Elle invite les Africains à y aller tout en se disant prête à assurer la logistique de guerre.

Maintenant que l’ancien régime est renversé en mars 2012, c’est la lune de miel. Paris parvient enfin à s’installer grâce à l’intervention militaire de janvier 2013 qu’elle se savait seule intéressée à diriger. Ce fut contre le gré des Algériens qui se savaient indirectement visés mais sans réelle force diplomatique  à l’ONU où le véto fait roi.

En voilant ses vieilles ambitions de s’installer mordicus au nord du Mali, Paris convainc les puissances détentrices des vétos de n’y aller que pour lutter contre le terrorisme. Contre leur vote pour la résolution autorisant l’action militaire, les puissances exigèrent de la France l’exclusion de tout redéploiement des soldats maliens dans l’Adrar des Ifoghas où l’amalgame d’«une armée malienne hostile aux Touaregs et arabes», est partagée.

L’ARMEE FRANCAISE EST UNE MENACE POUR ALGER

Installée après avoir monté une situation de toutes pièces, Paris invite le régime de la transition malienne, le 30 janvier 2013, à dialoguer avec les communautés du nord du pays. Depuis, le Mali tangue, la France s’installe calmement dans les régions stratégiques du pays. En face, Alger voit son avenir menacé car en cas de frappes françaises dans le nord du Mali, les terroristes ne peuvent se rabattre que vers son sud. De Niamey à Nouakchott en passant par Gao et Tessalit, l’armée française fait la garde des frontières. Le seul subterfuge pour les terroristes en cas de raids français, c’est de se rabattre vers le sud, en Algérie. Ce qui, en janvier 2013 fut à l’origine des attaques terroristes dans les sites gaziers d’In-Amenas et pourrait déstabiliser économiquement l’Algérie qui n’a que l’exploitation pétrolière comme principale source de revenus.

LA PAIX SELON CHACUN

Profitant de la venue d’IBK au pouvoir, l’Algérie qui veut continuer à faire valoir son influence dans la région, capte bec et ongle le processus de dialogue malien alors entamé au Burkina. Entretemps, Paris dont un accord algérien n’arrange pas, fait semblant d’y adhérer. Alors qu’elle soutient toujours d’ailleurs un accord purement ouest-africain (où elle aura sa main mise), sans aucune participation des Algériens. Cette guerre continue d’ailleurs toujours.

EMBARGO D’ARMEMENTS              

Novembre 2014, soumeylou Boubeye Maïga alors démissionnaire, révèle : «nombre de nos partenaires ne souhaitent pas en réalité que nous ayons une armée forte ».

Mieux, « tout a été fait par certaines puissances pour empêcher l’équipement de l’armée malienne », ajoute le Président Ibrahim Boubacar Keïta à Sikasso le 21 août dernier.

Impossible de se doter des hélicoptères ou d’avions de chasse. Le pays est depuis peu, selon des diplomates étrangers, frappé par un embargo d’armements (lire l’encadré).

INTERDIT A TOUTES LES BANQUES LOCALES

Alors qu’une bonne partie des armes et avions de guerre commandés par le Mali sont jusque-là bloqués, la situation du 21 Mai à Kidal a coûté cher au pays dont l’embargo militaire sera encore renforcé, à l’instar de la Côte d’ivoire. Pis, il est interdit à toutes les banques locales d’accorder des prêts financiers à l’Etat malien pour se procurer des armes lourdes. C’est pourquoi, en novembre 2013, le régime IBK s’est vu bouder par la banque atlantique en tentant d’y obtenir un prêt de 108 milliards FCFA. Le premier essai est un échec. L’Etat malien était obligé d’y convier une société particulière (GUO-star) tout en fournissant une garantie autonome (ministère de l’économie et des finances). La suite est connue.

 IBK l’a compris : Actuellement, il ne suffit pas d’avoir des milliards pour se doter des armes au Mali. Le Mali a ses priorités, ses amis la communauté internationale aussi. Quel chaos !

Nous y reviendrons largement…

                                                                                     L’ENCADRE

Encore que des groupes armés continuent de rendre le nord du Mali infréquentable, l’armée malienne a du mal à y faire face. Une situation qui froisse les autorités. Mais, pour y parvenir, « il nous faut des moyens aériens », se lamente un militaire malien dans l’anonymat.

Or, le Mali qui disposait de cinq hélicoptères Gazelle et de 3 MIG21 était en mal de se les faire piloter par des étrangers qui décidèrent de s’en aller pour des raisons inconnues.

En outre, certains de ces appareils de guerre pouvant être pilotés par des militaires maliens, nécessitent d’ailleurs un lifting (révision).

Fin 2011, en plus des pièces de rechange commandées, deux avions chasseurs bombardiers de marque sukoï, étaient en voie d’être livrés au Mali. Les deux appareils avaient été commandés par l’ancien régime renversé en mars 2012 qui s’agaçait sur le retard de la livraison alors que les comptes de la société  européenne ‘’Metallica’’ avaient bien été réglés.  Noter que l’existence de ce contrat a bel et bien été reconnue par le Général Yamoussa Camara alors ministre de la Défense.

Issiaka M Tamboura

Source: Le Soft

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