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GAMBIE : l’alternance en confiscation

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Imprévisible, Yahya Jammeh l’est à coup sûr. En sorte qu’outre ses hilarantes et fantasques initiatives et sorties médiatiques, on se souviendra désormais de sa comédie du 2 décembre dernier. Après 22 ans de dictature à la tête de ce petit pays de l’Afrique de l’ouest, il faisait mine de se soumettre au verdict des urnes, en reconnaissant sa défaite et félicitant son challenger. Coup de tonnerre, s’était exclamé le monde, incrédule. Mais une semaine après, le même Jammeh, visiblement sorti de son sommeil, revient sur ses propos et conteste les résultats. Et s’y  prend si bien qu’une bonne partie de l’opinion publique lui trouve des circonstances atténuantes, en accusant  Adama Barrow, de s’être rendu coupable de menaces prématurées à l’encontre du dictateur détrôné.

Imaginaire symptomatique

Ce qu’il est donné d’entendre de la part d’une certaine catégorie d’Africains, depuis la rebuffade de Yahya Jammeh, est symptomatique de l’emprise que les dictateurs peuvent avoir sur les peuples et leurs consciences. Cette emprise est d’une si grande ampleur dans l’imaginaire des Africains qu’ils en sont à préconiser le mensonge, la lâcheté et l’hypocrisie pour se débarrasser des autocrates.  Ainsi, dans le cas de la Gambie, ce n’est pas le président sortant que l’on blâme pour sa tentative de confiscation d’un pouvoir dont il est clairement établi qu’il n’est plus le sien. Mais à c’est à Adama Barrow et à la communauté internationale que l’on reproche d’avoir trop tôt proféré des menaces à l’encontre  de Jammeh. Il aurait fallu, semble-t-il, que le président élu caresse son prédécesseur dans le sens du poil de la bête jusqu’à ce qu’il récupère le pouvoir. Quitte ensuite à en faire ce que bon lui semblera. Ce serait là un réalisme politique à l’africaine.

Prétexte et non cause

Sauf qu’en voyant les choses ainsi, on  cède à la logique manipulatrice de Yahya Jammeh. Les menaces et les prétendues insultes dont il aurait fait l’objet ne sont en rien la cause de la rétractation de celui dont on ne sait même plus s’il est ancien ou encore président de la Gambie. Dans le meilleur cas, elles ne peuvent en être qu’un prétexte. Car dans les faits, cette marche-arrière, on l’a senti venir dans la foulée de la reconnaissance de la défaite par Yahya Jammeh. Elle était déjà dans le très grand décalage qu’il y a eu entre l’annonce de cette reconnaissance par le président de la Commission électorale, et la diffusion effective de l’adresse du président sortant, ce vendredi 2 décembre 2016. D’ailleurs, beaucoup avaient redouté que la rétractation n’intervienne dans l’intervalle de temps qui s’est écoulé entre ces deux moments symboliques. Ensuite, après la diffusion de son message, le président sortant est entré dans un mutisme doublé d’une absence totale de la scène publique, qu’il semble avoir mis à profit pour réorganiser son dispositif, les manifestations festives de ses compatriotes l’ayant convaincu de son impopularité.

Fâcheux précédent

Dans un tel contexte, les menaces de poursuites judiciaires à son encontre ne sont qu’un prétexte que Jammeh récupère. En fait, il y a des raisons de penser que d’autres dictateurs sur le continent qui redoutaient le fâcheux précédent gambien, aient convaincu leur homologue de ne pas aller au bout de la logique qu’il a avait entreprise.  Autrement, les menaces invoquées n’étaient ni illégitimes, ni infondées. Quand, comme lui, on a régné sur son pays et ses compatriotes, en confisquant les libertés d’opinions et d’expression, en emprisonnant les vrais opposants et en tuant les journalistes qui s’autorisent une certaine audace, on n’a droit à aucune clémence, encore moins à de l’indulgence. La reddition des comptes, les dictateurs ne peuvent pas en être exempts. Eux encore moins que les autres. Cela, il faut le marteler avec tout le courage requis. Pour que l’implacable vérité inspire d’autres apprentis-autocrates.

Source: DJLY

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