Accueil Opinions Entretien avec Badra Alou Sissoko dit “Amion” dans le film Walaha, artiste...

Entretien avec Badra Alou Sissoko dit “Amion” dans le film Walaha, artiste comédien : – “Au Mali, les comédiens sont comme des mendiants”

400
0
PARTAGER

– ” Aujourd’hui, le cinéma malien est plat. Il manque de professionnalisme”

Il s’appelle Badra Alou Sissoko, plus connu sous le nom de “Amion”, artiste comédien, photographe. Il a joué dans plusieurs films dont Walaha, dans lequel il porte le nom “Amion”. Nous l’avons rencontré pour en savoir davantage sur sa vie d’artiste et de photographe. Entretien !

Aujourd’hui : Vous êtes connu sous le nom “Amion” dans le film Walaha. Comment êtes-vous préparé à celà?

Badra Alou Sissoko : Au départ, je ne savais pas que j’allais jouer ou si bien jouer un rôle d’acteur dans le film Walaha. Mais, il ne m’a pas paru aussi difficile que ça parce que j’étais derrière la caméra pour filmer les comédiens à tout moment. De derrière la caméra, je me retrouve devant la caméra. Cela a trouvé donc que je m’étais auto-formé pour en arriver aujourd’hui là où nous sommes.

 Pouvez-vous nous parlez un peu de votre carrière cinématographique ?

Aujourd’hui, j’ai au moins 20 ans de carrière dans le cinéma. J’ai joué dans plus de 20 films dont  “Kabala”, “Miyé”, “Walaha”, “Toile d’araignée “, ” Sidagamie“, etc. J’ai même été festivalier à Cannes en 2009 avec “ Miyé” (dis-moi qui tu es, je te dirai qui je suis), le film de Souleymane Cissé. Avec ce film, j’ai eu la chance de monter le tapis rouge au festival de Cannes avec Souleymane Cissé. Ce qui a été une très belle expérience pour moi.

 Avez-vous tiré des avantages de cette vie cinématographique ?

Je remercie le Bon Dieu parce que ces rôles m’ont permis d’être connu dans tout le Mali. Comme les autres boulots dans le cinéma, il y a beaucoup d’avantages comme il y a des inconvénients.  Le cinéma m’a ouvert beaucoup de portes au Mali. Je remercie tous mes fans.

Après Walaha, vous avez disparu de la scène. Que devient Amion ?

Avant d’être Amion, Badra Alou Sissoko est journaliste, reporter photographe, cameraman de formation. C’est de ce métier que je vis toujours. Le cinéma est venu après ma carrière de journaliste, reporter photographe, cameraman. Donc, je vis de reportage photos.

  Le métier d’acteur fait-il vivre son homme au Mali ?

Non, je ne pense pas. Parce qu’au Mali, les comédiens ne bénéficient pas de ce que l’on leur doit. Pour jouer dans des films de cinéma, on ne leur offre que 20 % de leur revenu. C’est pour dire aux réalisateurs de penser à eux, de penser à l’avenir des comédiens qui sont comme des mendiants au Mali. Un film dans lequel tu as droit à 5 millions Fcfa, les réalisateurs te proposent entre 100 000 et 200 000 Fcfa pour trois ou six mois de tournage.

Ensuite, un acteur peut faire trois à quatre ans sans tourner dans un film. Et s’il faut qu’il vive de ce produit, il faut voir ce que cela peut faire. Donc, cela est impossible. Et si le comédien ne fait pas d’autres métiers, il ne peut pas vivre du cinéma.  Mais si dans un film, un comédien parvenait à 15 à 20 millions Fcfa, même s’il faisait cinq ans sans tourner, il pourrait vivre de son art. Malheureusement, cela n’est pas le cas au Mali.

Le comédien n’a que des miettes qui ne peuvent même pas lui permettre de vivre pendant un mois. Qu’est-ce qu’il peut faire ? Autre chose, comme je le fais après le cinéma. C’est pour te dire que le comédien malien ne peut pas vivre de son art au Mali. Je supplie les réalisateurs maliens de penser à l’avenir des comédiens. Parce que quand on parle d’un bon film, c’est d’abord de bons comédiens. Malheureusement, les comédiens maliens ne sont pas dans de bonnes conditions  par rapport aux comédiens burkinabés, sénégalais, ivoiriens, togolais, qui vivent de leur métier sans parler des comédiens nigérians qui sont des super stars et qui ont droit à manger dans tous les restaurants sans débourser un centime. Ils sont habillés, logés, véhiculés gratuitement par leurs structures et leurs réalisateurs. Ils sont respectés chez eux et sont dans de bonnes conditions. Les comédiens doivent être bien entretenus pour qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes. Sinon, il ne manque pas de bons comédiens au Mali. Au contraire, il y en a beaucoup au Mali.

 S’agissant des perspectives, qu’avez-vous comme projet ?

Comme projet, j’ai l’intention d’ouvrir une école de formation de comédiens et réalisateurs. Ce qui n’existe pas pour le moment au Mali. Sur le plan cinématographique, j’ai beaucoup écrit. J’ai au moins une dizaine de films déjà écrits et qui sont sous ma main. Je suis en train de chercher des bailleurs qui pourront me financer pour réaliser ces films qui sont d’actualité. Ce qui me permettra de montrer au public malien ce qu’Amion est capable de faire après la comédie. Je dois pouvoir être un très bon réalisateur.

Cela veut-il dire qu’il n’est pas facile de financer un film au Mali ?

Pour vite vieillir au Mali, il faut devenir réalisateur. Les soucis te feront vieillir car les cheveux vont blanchir vite (rire !). Parce qu’il n’est pas facile d’avoir le financement d’un film au Mali.  C’est pourquoi les réalisateurs maliens vieillissent plus vite que prévu. Ils ont tous des cheveux blancs. Cela n’est pas dû à la vieillesse, mais aux soucis qui les font vieillir. Et s’il plaît au Bon Dieu, je vais les rejoindre sous peu (rire !).

Qu’est-ce qui vous a donc poussé à faire du cinéma ?

Je suis artiste comédien de naissance parce que mon père était un artiste. Donc, j’ai la vie d’artiste dans le sang et je n’apprécie que l’art, dont la photographie qui en est un. J’étais très souvent derrière la caméra en train de filmer les comédiens ou les photographier. Etant derrière les appareils, je me suis auto formé car j’ai vu, j’ai entendu, comment devait se comporter un comédien sur le plateau. Donc, feu Djibril Kouyaté (paix à son âme) m’a supplié un jour de jouer le rôle d’Amion dans Walaha. Au départ, j’avais refusé. Mais il m’a convaincu en me disant que j’avais du charisme. Il m’a dit de jouer naturellement et que ça va venir un jour. J’ai dit qu’on va tenter. Et mon essai a été un coup de maître dans Walaha. Et depuis lors, je n’ai pas cessé de jouer et les réalisateurs ne cessent de me côtoyer, que ce soit au Mali ou ailleurs. En Afrique, j’ai été approché par plusieurs réalisateurs qui veulent que je joue dans leur film. Et j’ai joué dans pas mal de films au Mali, en Afrique. Et j’ai de bons rapports avec des réalisateurs européens.

 Que conseillez-vous à un jeune qui veut devenir acteur ?

D’abord, je dirai aux jeunes qui veulent venir au cinéma d’aimer le métier. S’ils ont l’amour de ce métier, ils pourront persévérer et réussir. Il y a des difficultés dans tous les métiers. Mais quand tu aimes le métier que tu veux faire, tu pourras surmonter toutes les difficultés de ce métier et arriver là où tu veux aller. Sinon, au Mali, la vie d’un comédien n’est pas facile. Ils n’ont pas d’aide, ils n’ont pas de soutien. Mais  les comédiens sont sollicités, encouragés dans les rues et beaucoup de portes leur sont ouvertes.

 Que pensez-vous du cinéma malien ?

Actuellement, sans mentir, le cinéma malien est plat. Il n’y a rien derrière. Il lui manque du professionnalisme. Même si quelqu’un n’a pas fait une étude de cinéma, s’il dure là-dans, il peut faire quelque chose de potable. Actuellement, la plupart des comédiens qu’on voit à l’écran sont des jeunes ramassés dans les rues pour venir jouer dans des films moyennant des miettes. On leur offre le scénario, ils buchent et viennent réciter à tue-tête. Ils ne donnent rien qui puisse attirer le spectateur. C’est donc la raison pour laquelle le cinéma malien est plat actuellement par rapport au cinéma burkinabé, ivoirien, nigérian, etc. Ces jeunes peuvent être de très bons comédiens s’ils sont bien encadrés. Malheureusement, ils n’ont même pas le temps d’être encadrés, briefés. Ils ne font que bucher et réciter. Je n’ai rien contre ces jeunes. Ils peuvent même être de grands acteurs un jour. Mais il leur faut des formations, des encadrements de base.  Le Mali étant un pays d’art, d’artistes, il devait y avoir une école où on peut apprendre la comédie comme il faut pour devenir un bon comédien. Ce qui me surprend. A l’Institut national des arts (Ina), ça va. L’Ina est une très grande école de renommée internationale. J’aimerais voir une école supérieure de formation de réalisateurs  et de comédiens au Mali. Tous les artistes maliens sont nés comédiens. Ils ont l’art dans le sang.

De votre vie d’artiste, quelle a été votre grande satisfaction et votre grande déception ?

Durant ma vie d’artiste, ma grande satisfaction a été pour le moment le fait d’être festivalier à Cannes, d’avoir monté le tapis rouge à Cannes devant le monde entier, devant des milliers de caméras du monde. Pour cela, je remercie infiniment Souleymane Cissé qui a été à l’origine de cette consécration pour moi. Parce que le film “Miyé” dans lequel j’ai joué n’est pas n’importe quel film. Ce film a été apprécié partout dans le monde entier.

Vraiment, je remercie le Bon Dieu. Ce que je regrette et qui est ma grande déception, c’est le fait que le Mali n’ait pas une école de formation de comédien. Il faut que l’Etat s’occupe du cinéma. Il faut que le gouvernement malien pense aux artistes qui sont comme des mendiants. Les artistes maliens n’ont pas de revenus conséquents qui leur permettent de vivre dignement. Aux réalisateurs, je leur dirai d’avoir pitié et de penser aux comédiens. Car sans eau, il n’y a pas de bonnes sauces. L’eau du cinéma, c’est les comédiens.

Les réalisateurs sont des penseurs, mais ceux qui réalisent leurs pensées pour qu’elles deviennent réalités, ce sont les comédiens. Je lance un appel aux réalisateurs afin qu’ils revoient à la hausse les revenus des comédiens sur les plateaux.

Réalisé par Siaka Doumbia

 

Source: Aujourd’hui

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here