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Cheick Oumar Cissoko secrétaire général FEPACI : «Et il y a une belle histoire qui se met en place avec l’Union africaine…»

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Lauréat de l’Etalon d’or de Yennenga en 1995 avec son film Guimba, le cinéaste malien, ancien ministre de la Culture de son pays (2002-2007), a bien voulu nous parler des projets phare de la Fédération panafricaine des cinéastes dont il est le secrétaire général depuis le 5 mai 2013. Non sans avoir donné ses appréciations sur le déroulement de la 25e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision.

Comment appréciez-vous le déroulement de cette 25e édition du Fespaco?

Cheick Oumar Cissoko : Le programme se déroule convenablement. En tant que secrétaire général de la Fédération panafricaine des cinéastes (Fepaci), je constate que nous avons de meilleures conditions de projection cette année. Les salles du ciné Burkina, du ciné Neerwaya, de Canal Olympia Yennenga ou encore celle du Cenasa répondent aux normes.

Le Fespaco est vraiment présent à l’aéroport international de Ouagadougou à travers son personnel. Le dispatching est bien fait et tous les cinéastes sont bien accueillis. Je n’ai pas entendu de cinéaste dire qu’il n’a pas été accueilli ou encore d’avoir été renvoyé de son hôtel. Cela m’était personnellement arrivé en 2015. Les programmes sont connus et les projections sont régulières. Pour moi c’est le principal. Il y a également une forte délégation de la Côte d’Ivoire en tant que pays invité d’honneur.

L’innovation cette année aussi, c’est la forte présence des autorités burkinabè avec à leur tête le président du Faso, ainsi que celle des ministres de la Culture de plusieurs pays de la sous-région. Cela veut dire que malgré le terrorisme et la crise sécuritaire, les Africains, la diaspora et les Européens sont venus massivement. Il reste à savoir si les films sont bons et si les cinéastes ont bien tourné, comme les Etalons footballeurs ont mouillé le maillot et porté haut le drapeau burkinabè à la CAN’2017.

Le festival est placé cette année sous haute surveillance policière et militaire. Sentez-vous cette pression sécuritaire ?

Les choses se passent très bien. Il y a vraiment des mesures sécuritaires qui sont prises, mais on ne sent pas vraiment cette pression. Les forces de sécurité sont présentes, mais elles ne bousculent pas les gens. On n’a pas cette anxiété et tout cela est bien organisé.

Après trois jours de projections, y a-t-il un film qui vous a fait frémir ?

Je n’ai pas la chance de voir assez de films à cause de mon poste de secrétaire général. Mon agenda est un peu chargé avec les différentes rencontres avec les autorités burkinabè et aussi avec les cinéastes. Le premier film que je viens de voir, c’est «La forêt du Niolo» du réalisateur burkinabè Adama Rouamba.

Comment vous l’avez trouvé ?

Adama Rouamba ne fait que confirmer ce qu’il a déjà fait avec ses séries télévisées et ses films de courts métrages. Il s’est toujours imposé à chaque festival. Pour l’ambition qu’il a pour ce film, ce garçon fait appel à plusieurs comédiens internationaux comme le grand Gérard Essomba et Rokaya Yang.

Vous qui avez déjà remporté le trophée le plus convoité, pensez-vous que ce film, «La forêt de Niolo», est digne de remporter l’Etalon de Yennenga ?

Absolument ! C’est un travail remarquable avec une très bonne direction des acteurs, une très belle histoire qui raconte les inquiétudes du continent africain.

Quelles sont les activités de la Fepaci à cette édition du Fespaco?

La Fepaci a eu de belles années au Burkina Faso avec Gaston Kaboré de 1985 à 1987. De 1987 à 1991, il y a eu une période de transition avec Pierre Rouamba, puis avec le Béninois Jacques Béhanzin. Malheureusement, la Fepaci est entrée alors dans une période de migration qui a entraîné un désert d’activités de 2001 à 2006. En dépit d’un financement de l’Afrique du Sud par la suite, le bureau n’a absolument pas travaillé de 2006 à 2013. Depuis 2013, nous avons décidé de maintenir notre siège fédéral à Ouagadougou. Et nous sommes partis au Kenya qui nous offre de l’argent.

Aujourd’hui, nous avons opté de travailler sur la structuration de l’économie de la culture. Il faut donc créer des industries culturelles, former les jeunes pour que nous puissions avoir des entreprises culturelles viables, professionnelles afin de produire des œuvres de facture internationale. Nous allons ainsi élargir le marché, vendre, diffuser nos films afin de les porter sur l’échelle internationale.  En effet ! Nous avons pu créer, avec l’Union africaine, une commission africaine pour le cinéma et l’audiovisuel. Avec un business plan dont l’un des projets a reçu l’aval de la Banque africaine de développement (BAD), nous auront un appui financier de 100 milliards de francs CFA sur des infrastructures dans chacune des cinq régions du continent.

La BAD a demandé l’accord de l’UA qui a accepté de nous apporter cette caution politique. Nous allons donc lancer un appel d’offres pour faire un pilote. Ce sont des centres régionaux d’excellence qui comporteront des technologies de haute qualité dans les domaines de la prospection, de la formation, de la production, de la distribution dans chacune des cinq régions. On mettra également à disposition des ressources humaines fiables et qualifiées afin qu’on arrête d’aller en Europe ou en Asie pour finir nos films. Le cinéma africain souffre aussi de la conservation et de la restauration de ses archives…

Cette question fait l’objet d’un autre point important de notre programme. L’Afrique dispose d’archives cinématographiques qui datent de 1901 avec le premier film fait par un Tunisien. Depuis lors, les Européens ont beaucoup fait mais nous, Africains, ne savons pas où sont ces films. Nous avons donc initié un programme de recherche et de sauvegarde des archives sur l’Afrique que nous allons développer en collaboration avec la Fédération internationale des archives de films. Le second volet de ce programme, c’est celui de restauration des films.

Les films que tous les pays africains ont produits depuis les indépendances sont pour la plupart dans des situations difficiles de conservation. Il faut donc les restaurer. Nous avons conclu un partenariat avec l’Unesco et la Film fondation du grand réalisateur Martin Scorsese, et nous signerons ainsi un accord les semaines à venir à Paris. Aux termes de ce partenariat, Martin Scorsese accepte de financer la restauration de 50 de nos films ! C’est un apport inestimable quand on sait qu’il faut au minimum 10 millions de francs CFA pour la restauration d’un film.

Est-ce votre double regard de cinéaste et de politique qui a permis tous ces changements notables sur des questions ?

Le politique dit simplement que l’image est aujourd’hui le médium le plus important de la communication sociale et considère que l’Afrique a besoin de ses propres images. Mais c’est vrai, il manque souvent la volonté parce que les autorités politiques ne comprennent pas l’importance du cinéma, de l’art et de la culture en général.

Il y aussi que depuis 1979, les programmes d’ajustement structurels du Fonds monétaire international ont imposé la diminution des budgets sociaux. Le danger aujourd’hui, c’est que 90% des images qui passent sur nos grands et petits écrans sont des films étrangers dont les contenus principaux portent sur la violence, le sexe, le pouvoir de l’argent, le crime et des valeurs négatives des autres cultures.

Désiré SAWADOGO

 

Source: Le Reporter

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