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La frappe américaine en Syrie ne règle pas le sort d’Assad

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 frappe américaine  Syrie  règle  sort d’Assad

La frappe de missiles américains contre une base aérienne syrienne implique davantage les Etats-Unis dans le sanglant conflit syrien mais ne règle pas le sort du président Bachar al-Assad, qui pourrait être davantage forcé au départ par une action politique.

Le président américain jusqu’à cette semaine était un fervent opposant à toute intervention militaire américaine dans les conflits au Moyen-Orient, estimant que le départ du dirigeant syrien n’était pas une priorité.

Mais l’utilisation d’agents neurotoxiques dans une attaque imputée à Assad qui a fait au moins 80 morts a convaincu Donald Trump d’agir, redonnant espoir à ceux qui comptent sur Washington pour faire partir le dirigeant syrien.

Leurs espoirs pourraient être cependant douchés, le prudent chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson écartant d’emblée l’idée qu’une salve de missiles de croisière puisse représenter un changement de stratégie.

“Je n’essaierais en aucune façon d’extrapoler nos activités militaires en Syrie aujourd’hui à un changement de notre politique ou de notre position. Il n’y a aucun changement”, a déclaré M. Tillerson.

Pour autant, Washington soutiendra les négociations sous l’égide de l’ONU “afin de préparer l’avenir de la Syrie en terme de gouvernance. Ce qui au final, de notre point de vue, conduira à une solution sur le départ de Bachar al-Assad”, a-t-il ajouté.

– Renversement de régime –

James Jeffrey, qui occupé plusieurs postes de sécurité nationale sous la présidence de George W. Bush et a conseillé Rex Tillerson quand il dirigeait le géant pétrolier ExxonMobil, ne voit pas non plus de changement.

“L’administration a clairement changé d’avis sur Assad par rapport à il y a une semaine, mais je ne pense pas que son intention première soit d’utiliser la force militaire pour renverser directement le régime”, estime-t-il.

Mais cette frappe pourrait-elle accélérer la chute d’Assad en le forçant, lui ou ses alliés russes et iraniens, à prendre davantage au sérieux les négociations de Genève sous l’égide de l’ONU?

L’idée n’est pas nouvelle. L’ancien président américain Barack Obama avait finalement renoncé en 2013 à frapper le régime de Damas, acceptant qu’il dépose son arsenal chimique.

Mais il semblerait que l’autocrate syrien ait triché cette fois et conservé des agents neurotoxiques.

En juin, des dizaines de diplomates américains dissidents avaient pressé Barack Obama “d’utiliser judicieusement les missiles de croisière” envers Assad.

Le secrétaire d’Etat de l’époque John Kerry était resté loyal à Obama en public, mais avait laissé entendre qu’il partageait les inquiétudes de ses collègues, jugeant qu’une action militaire pourrait forcer Assad à s’assoir à une table de négociations.

Présence et chiffres clés sur les forces russes et américaines dans le conflit syrien / © AFP / Paz PIZARRO, Thomas SAINT-CRICQ, Valentina BRESCHI

La frappe de jeudi est exactement ce que ces diplomates voulaient. Mais Assad va-t-il désormais considérer les négociations de Genève comme un moyen de sortir du conflit?

– La clé à Moscou –

Selon des observateurs, même si Assad pense qu’il peut rester sans s’engager sérieusement dans le processus de paix, la Russie pourrait perdre patience.

Andrew Tabler, expert et ancien combattant de la région, qui travaille maintenant au Washington Institute for Near East Policy, le pense.

“En un sens, les frappes ne sont pas nécessairement une mauvaise chose pour la Russie”, estime-t-il. Car “la Russie a eu beaucoup de mal à faire assoir le président Assad à la table des négociations de manière significative”.

Et si Washington reste prêt à punir toute autre attaque chimique, Assad pourrait céder.

“La vraie question c’est comment vous arrivez à cela”, note M. Tabler suggérant que le déplacement de Rex Tillerson à Moscou la semaine prochaine pourrait être la clé pour passer des frappes à une stratégie.

Moscou a accusé Washington d’avoir violé le droit international en frappant une base aérienne d’Assad, mais les responsables américains assurent qu’ils sont couverts par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU de 2013.

Par le texte 2118, adopté en septembre 2013, Assad a accepté de déposer ses armes chimiques et de se conformer aux conventions internationales.

Mais “peut-on convaincre Assad d’abandonner l’idée selon laquelle la seule solution est une solution militaire, et lui montrer qu’il y a une solution politique?” se demande M. Tabler.

“C’est possible mais il faudra une stratégie qui inclut la probabilité que le régime utilise encore des armes stratégiques et que la réponse internationale soit rapide”.

Toute nouvelle stratégie nécessitera le soutien de la Russie et la clé sera peut-être les discussions à Moscou entre M. Tillerson et le président russe Vladimir Poutine.

“Si les Russes n’annulent pas la visite, et je l’espère, ce sera le signe qu’ils sont désireux de vivre avec cette frappe”, note M. Jeffrey.

 frappe américaine  Syrie  règle  sort d’Assad

(©AFP / 07 avril 2017 22h05)

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