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Rapport sur la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (ESEC) au Mali : L’école malienne pointée du doigt

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Les responsables de l’Ong Ecpat (End child prostitution, child pornography and trafficking of Children for sexual purposes) Luxembourg dont la mission est de lutter par tous les moyens légaux contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (Esec) et ses partenaires dont la Direction nationale de la Promotion de l’enfant et de la famille, étaient devant la presse le vendredi 6 octobre 2017 pour présenter le 1er rapport global de suivi de la mise en œuvre des actions de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. L’objectif de la dissémination du rapport, selon Fabienne Diakité (responsable d’Ecpat), est, entre autres, de contribuer au renforcement de l’environnement protecteur de l’enfant ; d’inciter les acteurs étatiques concernés par la protection de l’enfant à redoubler d’efforts pour renforcer la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (Esec).

Dans le rapport, il est dit que le Mali n’est malheureusement pas épargné par l’exploitation sexuelle de ses enfants qui représentent plus de la moitié (55,6 %) de ses 17 918 000 habitants. « L’étude quantitative et qualitative réalisée au Mali en mars 2013 montre que 28,3 % soit 417 enfants sur 1 472 enfants de l’échantillon (enfants vulnérables) ont été victimes de prostitution et de traite à des fins sexuelles. Plus de 90 % de ces victimes sont des filles de la tranche d’âge 12-15 ans. Elles sont abusées sexuellement en échange d’une protection, d’un bien matériel ou tout simplement d’argent : un billet de 1 000 Fcfa qui est le prix d’un abus sexuel », dit le rapport. Et comme causes principales de cette situation de l’exploitation sexuelle des enfants, le rapport cite la situation familiale et les conditions économiques précaires. Et cette exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales sévit sous différentes formes.

Les formes d’Esec

Il a été prouvé que le Mali est un pays d’origine, de transit et de destination pour les enfants victimes de la traite à des fins sexuelles. Et les enfants victimes d’exploitation sexuelle dans la prostitution sont le plus souvent issus de milieux sociaux défavorisés, analphabètes ou déscolarisés, victimes de mauvais traitements physiques et psychologiques, les rendant plus vulnérables à l’exploitation sexuelle. La prostitution, dans bien des cas, constitue la première source de revenus pour les enfants victimes d’exploitation sexuelle. Il a été révélé dans les études que l’exploitation sexuelle des enfants dans le cadre des voyages et du tourisme est la 2e plus importante forme de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (Esec) au Mali. Et la quasi-totalité des victimes sont des filles. Le mariage précoce très répandue au Mali est aussi une pratique aux enjeux complexes.

L’exploitation sexuelle dans le cadre des conflits armés est également répandue dans le nord du Mal. D’après le rapport du secrétaire général des Nations unies sur le sort des enfants en temps de conflit armé, dans le cadre de l’urgence de la crise au Mali, l’exploitation sexuelle par des groupes armés touche principalement les filles et peut prendre diverses formes : viol, esclavage sexuel, mariage forcé, etc. L’exploitation sexuelle des filles en ligne reste un fait notoire au Mali.

L’école malienne : un lieu d’exploitation sexuelle des enfants

Selon une étude du ministère de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille en 2009 sur les connaissances, attitudes et pratiques en matière de droits de l’enfant et de la femme, l’école arrive en 2e position des principaux lieux de violation des droits de l’enfant. La contrepartie offerte par les enseignants (menace de mauvaises notes, réussite aux examens, etc.) en échange d’actes sexuels fait de cette pratique une forme d’exploitation sexuelle en milieu scolaire. « Le fait de tenir pour responsable la tenue provocante des filles ainsi que les pratiques coutumières, contribuent à l’impunité dont peuvent bénéficier les auteurs de harcèlement ou d’agression sexuels », dénonce le Rapport.

Ecpat Luxembourg : une Ong qui lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales

Pour lutter contre cette exploitation sexuelle des enfants, l’Ong Ecpat Luxembourg (créée en 1995 à Luxembourg et présente au Mali depuis juin 2007 à travers un bureau de coordination), avec ses partenaires, a initié trois projets pour la prévention, la protection, la réhabilitation et la réinsertion socioprofessionnelle des enfants exposés et/ou victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales. L’objectif principal de ces projets est de réduire l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, de rompre le silence autour de ce phénomène et de renforcer le dispositif de protection de l’enfant au Mali. C’est cette Ong et ses partenaires qui étaient devant la presse pour faire le point de leur rapport de suivi de la mise en œuvre des actions de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

Aux dires de Fabienne Diakité (responsable d’Ecpat), le rapport permet de faire un état des lieux de l’action des gouvernements, en partenariat avec les organisations de la société civile visant à protéger les enfants contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (Esec). D’une manière générale, ces actions se concentrent sur les plans d’action nationaux et les politiques de protection des enfants contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

Dans sa conférence, Fabienne Diakité a regretté la culture de non dénonciation des abus sexuels sur les enfants. « Les auteurs des abus doivent être dénoncés et punis. Ce qui, malheureusement, n’est pas le cas. Ce qui favorise l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. Pour lutter contre le fléau, il faut la sensibilisation, l’information de la population sur le phénomène pour le faire connaître et le dénoncer. Nous devons agir pour renverser la tendance. Pour cela, il faut la bonne éducation des enfants au niveau des familles et à l’école. Le mauvais comportement des enseignants envers et sur les enfants doit être dénoncé », a-t-elle suggéré.

La prévention comme solution contre l’exploitation sexuelle des enfants

Dans sa lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants, Ecpat Luxembourg et ses partenaires ont organisé diverses actions de sensibilisation en milieu rural et urbain à destination des acteurs de la protection de l’enfance. Les enfants ont également été les cibles directes d’actions spécifiques telles que des formations à l’autoprotection aux risques de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales en plus des activités interactives. Au niveau national, des campagnes sont organisées annuellement depuis 2011 par le ministère de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille (Mpfef) avec le Fonds des Nations unies pour la population (Unfpa). Des organisations internationales actives au Mali organisent des campagnes pour mettre fin au mariage précoce. Au-delà de ces campagnes, des mesures dissuasives et répressives sont mises en place à Bamako avec des patrouilles de police opérant dans la rue et dans les bars. Au niveau international et transfrontalier, un bureau d’Interpol est présent au Mali à travers le Bureau central national rattaché à la Direction de la Police judiciaire.

Des législations pour la protection des enfants

Pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle, le Mali a ratifié un certain nombre de conventions internationales visage. La Convention des droits des enfants (Cde) a été ratifiée en 1990 et son protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants en 2002. La Cde est directement applicable devant les tribunaux. Malheureusement, aucune affaire ne semble invoquer la Cde depuis 2006. Les professionnels de la justice ont tendance à se référer au Code de protection de l’enfant qui transpose dans le droit national les mesures prévues par la Cde. Le Mali a ratifié également la Convention 182 de l’Organisation internationale du travail (Oit) sur la prohibition des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination en 2000. Enfin, la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée ainsi que son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme) furent ratifiés en 2002.

Malgré la ratification de ces conventions, l’étude d’Ecpat Luxembourg a révélé qu’un très faible nombre d’auteurs de violences sexuelles (seulement 8,7 %) ont été jugés devant les tribunaux maliens. « Si la décision d’une juridiction reconnaît coupable l’auteur de la violence, le droit à l’indemnisation de la victime est automatiquement prononcé. Cependant, les enfants victimes craignent souvent de dénoncer leur exploitation sexuelle de peur de subir des représailles de l’abuseur et préfèrent les arrangements à l’amiable. Le Code de protection de l’enfant prévoit un droit à la protection et à l’assistance sociale et éducative, mais l’accès à ces droits demeure insuffisant voire inexistant dans la pratique. Le niveau de participation des enfants dans la prise de décision les concernant est en dessous de la moyenne au Mali (49,2%). Dans le cadre du projet « Ecole amie des enfants, amie des filles », des gouvernements d’enfants ont été mis en place dans certains établissements scolaires. De même, un Parlement des enfants fut créé en 1996.  Ce qui constitue une tribune de libre expression des enfants au Mali, chargée de toutes actions d’information et de sensibilisation auprès de divers acteurs de la protection de l’enfance. D’autres organisations d’enfants et de jeunes sont opérationnelles. Avec l’appui d’Ecpat Luxembourg, certaines mènent des activités de sensibilisation auprès des enfants sur l’autoprotection aux risques d’exploitation sexuelle ainsi qu’auprès des décideurs. Mais malgré les efforts du gouvernement, la participation des enfants et des jeunes n’est que rarement valorisée et fait face aux barrières socioculturelles », reconnaît le rapport.

Les recommandations du Rapport

En conclusion, le Rapport recommande au Mali, entre autres, d’élaborer un plan stratégique sur l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (Esec) ; d’inclure des actions de prévention à l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (Esec) dans les plans d’actions nationaux des ministères pertinents ; de mettre en place un réseau officiel des acteurs sur la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (Esec) ; d’intégrer dans le plan d’action national du Mpfef des campagnes de sensibilisation sur l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (Esec) dans toutes les régions du Mali ; d’intégrer dans la politique nationale du ministère du Tourisme et de l’Artisanat le Code de conduite pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle dans le tourisme et le voyage ; d’adopter le projet de  loi relatif à la cybercriminalité qui inclut l’utilisation des enfants dans le matériel d’exploitation sexuelle des enfants ; de vulgariser la Loi de 2012 relative à la traite dans tous les tribunaux du Mali.

Ce n’est pas ! Le rapport recommande aussi d’ériger le Code de protection de l’enfant en loi ; d’intégrer dans le curriculum de formation des officiers de police judiciaire et des magistrats l’audition d’un enfant ; d’adopter le projet de loi sur les Violences basées sur le genre en y intégrant toutes les formes d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (Esec) ; de favoriser la participation et les associations d’enfants aux forums internationaux relatifs aux questions de l’enfant ; de renforcer le Parlement national et les parlements régionaux des enfants en allouant un budget pour leur fonctionnement et leurs activités de plaidoyer ; de renforcer et multiplier les gouvernements des enfants, les clubs d’enfants au sein des écoles.

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Siaka DOUMBIA

Source: Aujourd’hui-Mali

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