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Moussa Faki Mahamat, l’homme qui veut «rendre l’UA efficace pour ses citoyens»

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Le Tchadien Moussa Faki Mahamat qui a pris la succession de la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de la puissante Commission de l’Union africaine, est un homme politique pas comme les autres. Juriste de formation, il a été dans une autre vie, professeur d’université et a dirigé des entreprises du service public. Conscient que l’institution panafricaine qu’il co-dirige avec le Rwandais Paul Kagame est à la croisée des chemins, il veut la rendre efficace et indépendante.

Alors que la presse ne parle ces jours-ci que du chef de l’Etat rwandais, Paul Kagame, qui vient de s’installer pour un an à la présidence tournante de l’Union africaine, c’est peut-être à la montée en influence d’un autre dirigeant majeur de l’organisation panafricaine qu’il importe d’être attentif. Il s’agit de l’ancien ministre des Affaires étrangères du Tchad, Moussa Faki Mahamat, qui occupe depuis un an le poste prestigieux du président de la Commission de l’UA (CUA). Avec une discrétion exemplaire.

Elu en janvier 2017 pour un mandat de 4 ans, le Tchadien a pris ses fonctions en avril dernier au terme d’une période de transition de trois mois. Pendant les premiers mois, il s’est fait discret, s’employant à apprendre le métier, si l’on en croit les confidences de ses proches. En réussissant à faire entériner par les chefs d’Etat africains réunis à Addis-Abeba pour le 30e sommet bisannuel de l’UA, une série d’initiatives que Mahamat tente de promouvoir depuis longtemps – telles que l’accord de libre-circulation des biens et des personnes entre les Etats tout comme le projet de libéralisation du transport aérien – alors que les réformes financières et institutionnelles proposées par le président rwandais semblent marquer le pas, l’homme est en train de s’imposer comme le véritable patron du panafricanisme institutionnel.

Un homme du sérail

Il a aussi donné le ton à la nouvelle année africaine qui s’ouvre en appelant la communauté internationale à prendre des mesures punitives contre ceux qui entravent les efforts de paix au Soudan du Sud, pays en guerre depuis 2013. Dénonçant dans son récent discours à Addis-Abeba les « violences insensées » que les belligérants perpètrent dans ce pays, Faki Mahamat a déclaré qu’il serait temps « d’imposer des sanctions à ceux qui font obstacle à la paix ». La phrase a fait mouche et a fait de son auteur le dirigeant qui fixe désormais l’agenda des priorités de l’UA.

Dans cet agenda, la thématique de paix et sécurité est en bonne place. C’est un sujet que l’ancien ministre dIdriss Déby connaît bien. Premier ministre du Tchad entre 2003 et 2005, puis en tant que chef de la diplomatie tchadienne à partir de 2008, il a joué un rôle important dans de nombreux dossiers stratégiques dans lesquels son pays a été engagé : Libye, Mali, Soudan du Sud et Centrafrique, jusqu’à l’intervention dans le Sahel et dans le bassin du lac Tchad.

Succédant, à l’UA, à la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma qui avait été souvent accusée d’avoir négligé pendant son mandat les crises sécuritaires majeures que le continent a connues, le diplomate tchadien s’appuie sur son expérience en tant que ministre d’un pays en première ligne dans la lutte contre le terrorisme, pour repositionner l’organisation continentale sur les questions sécuritaires.

Selon son entourage, l’implication de Moussa Faki Mahamat dans la lutte contre la terreur s’expliquerait aussi par les brutalités dont il fut témoin dans sa jeunesse dans les années 1980, notamment dans sa région natale d’Abéché où sévissait une terrible guerre civile.  dans son propre pays où sévissait la guerre civile. « C’est suite à sa dénonciation de l’acharnement des groupes armés contre des civils innocents et surtout des femmes qu’il fut conduit à quitter le Tchad », confie Ebba Kalondo, porte-parole à la présidence de la commission de l’UA.

Faki Mahamat retournera au Tchad en 1991, suite à la prise de pouvoir  à Ndjamena par Idriss Déby dont il deviendra l’un des compagnons de route les plus fidèles. Issu de la même ethnie Zaghwa, les deux hommes s’estiment. Le soutien de l’autocrate tchadien n’a sans doute pas été étranger à l’élection de cet homme du sérail à la tête de la commission de l’UA au cours du sommet de janvier 2017.

Priorités et déterminaion

L’élection fut pourtant serrée, on s’en souvient. Il fallut pas moins de sept tours de scrutin pour départager les cinq candidats en lice. Le vainqueur avait fait campagne sur l’inscription de la thématique de paix et sécurité dans son programme. Il tiendra sa promesse en se rendant dans les pays en crise, dans la foulée de sa prise de fonction en mars 2017.

Le commissaire à la Paix et à la Sécurité de l’UA, Smaïl Chergui, qui fut du voyage, s’en souvient : « Quatre jours après sa prise de fonction, nous étions à Mogadiscio. Une semaine après, dans le Soudan du Sud, dans une région qui s’appelait Ganyiel qui était alors en proie à la famine. On arrivait dans ce village perdu au bout d’une heure et demie de trajet par hélicoptère… »

Le même sentiment d’urgence anime également les actions entreprises par Moussa Faki Mahamat en faveur des réformes institutionnelles qu’il défend bec et ongles au côté du président rwandais, Paul Kagame. « L’homme se déploie sans compter, avec pragmatisme et détermination pour l’indépendance et la crédibilité de l’UA », commente Chergrui. Et d’ajouter : « Aucun dossier n’est pour lui moins important qu’un autre, qu’il s’agisse de la corruption, de l’éducation, de l’agriculture ou de l’infrastructure ».

Pour sa part, le Camerounais Yann Bedzigui, consultant au think-tank sud-africain, Institute for Security Studies, attire l’attention sur l’accent mis sur la notion de l’efficacité par le président de la Commission de l’UA dans ses discours. « Dans une autre vie, l’homme a été dirigeant d’entreprise, explique le chercheur, contrairement à ses prédécesseurs à ce poste dont l’expérience ne se limite qu’au champ politique. Aussi, ne perçoit-il pas son action politique comme tribunitielle, mais s’intéresse à son impact sur la vie des gens, sur l’évolution des institutions. Comment rendre l’UA efficace pour ses citoyens ?… Telle est sans doute  la question à un million de dollars qui définit l’engagement politique de Moussa Faki Mahamat ».

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