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L’impossible paix au centre du Mali : lorsque la médiation ne suffit plus

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Le mardi 28 août 2018, des dignitaires des communautés peuls et Dogons ont signé un accord pour la paix, à Koro, au centre du Mali. Cet accord, facilité par le Centre HD, un des opérateurs de la médiation au Mali, laisse malheureusement entrevoir peu de raisons de garder espoir quant à la cessation des violences dans la zone. Une organisation de médiation ne peut, après tout, pas se substituer à une stratégie étatique intégrée.

L’accord illustre une certaine propension à forcer sans garanties institutionnelles la signature et les engagements pour la fin d’hostilités au Mali. Les ressources injectées dans la réalisation de ce type d’accords ne peuvent pour le moment contenter aucune des communautés menacées par la violence, tant l’injustice et l’insécurité attisent les rancœurs et la paranoïa. Pourtant, des accords comme celui-ci sont salués de toutes parts. Diverses parties y trouvent leur compte, mais les fragilités structurelles ne sont pas résolues.

Les efforts des bailleurs des multiples structures de médiation (dont des États) peuvent s’enorgueillir de contribuer à la paix, et ce sans prendre de risques pour leur image, restant loin de toute implication directe avec les belligérants.

L’État malien gagne du temps lui permettant de penser encore ses stratégies de coopération civilo-institutionnelles. Il reste l’apparence que les situations sont encore relativement sous contrôle. Les agents de l’État participant aux « micro-processus » de paix reçoivent des pécules d’importances diverses.

Les acteurs sur le terrain parviennent à cacher leurs méfaits ou insuffisances derrière le vernis de la bonne volonté dans la coopération pour la paix. Ils reçoivent également des compensations sous forme de per diem permettant de construire des systèmes de loyauté dans leurs milieux, et renforçant leur poids visible, afin de s’assurer de demeurer des interlocuteurs pour les institutions et les organisations non gouvernementales.

Sans propositions transparentes et sur la durée de la part de l’État malien, il y a peu de raisons de penser qu’une paix peut être imposée. L’État ne peut pas déléguer. Il n’a pas, non plus, intérêt à le faire, car les populations civiles victimes de milices, de mouvements djihadistes, existent dans une zone de non-droit dont la réalité continuelle défait le lien avec les institutions et favorise les arrangements ponctuels, dans une logique où les groupes armés, à la manière de l’État, gagnent du temps également, afin de mieux se préparer à imposer, eux, leurs modes de gouvernance. La violence est inhérente à ces modes, jusqu’à présent.

Tant que l’impunité et les transgressions éthiques sont en place, pour les actions des agents de l’État ou des différents groupes armés, et qu’ils peuvent se blanchir par des accords précaires, mais reconnus et célébrés, les civils et les groupes communautaires se rendront toujours justice. Il ne s’agit pas de se rencontrer et de dialoguer encore et encore. Cela a toujours été possible, et ce n’est pas un exploit. Il faut plus d’ambition et d’implication, avec une doctrine claire.

En attendant, les accords ne font pas l’unanimité même à l’intérieur d’un seul groupe armé. C’était déjà le cas fin juin 2018. Aujourd’hui, de nouveau, à l’intérieur de la milice Dan Na Ambassagou, l’accord présent est décrié. Les milices à dominante peule les plus virulentes, comme l’Alliance pour le Salut au Sahel (ASS), sont absentes du processus de signature. TabitalPulaaku, « une importante association peule du Mali, rejette également l’accord».

Depuis la signature, chaque jour apporte un nouveau bilan en morts à cause de l’action des groupes armés. Ces meurtres récents ont été particulièrement violents, comme pour exprimer de la défiance.

Comment, donc, avoir espoir ?

Dr. Dougoukolo Alpha Oumar BA-KONARÉ

 « L’impossible paix au centre du Mali : lorsque la médiation ne suffit plus », Les Carnets du Sahel, 5 septembre 2018.

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Source: Le Républicain

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