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Candidature à la présidentielle de 2020 pour un troisième mandat : Alassane Ouattara souffle le chaud et le froid

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Si le président Alassane Ouattara a rassuré que les élections de 2020 se passeront bien en Côte d’Ivoire, appelant ses compatriotes à arrêter de se faire peur, il n’a pas pour autant été si rassurant sur son éventuelle candidature pour un troisième mandat, une des grandes sources de crainte de tensions et protestations violentes.

Le président ivoirien Alassane Ouattara rassurait les Ivoiriens, le lundi 7 janvier à Abidjan, que la présidentielle de 2020 “se passera bien”, malgré les “inquiétudes” de nombreux Ivoiriens qui craignent que le pays ne sombre à nouveau dans une crise et des violences post-électorales.

“Les élections de 2020 se passeront très bien, alors arrêtons de nous faire peur ! De dire qu’il y aura des problèmes en 2020… il n’y a rien en 2020 ! Tout ira bien”, affirmait le chef de l’État, lors d’une cérémonie de vœux. Il avait tenu à faire cette digression, en improvisant cette partie de son discours, suite aux interpellations des représentants des différentes confessions religieuses et chefs traditionnels faisant part des inquiétudes des populations.

“Je suis confiant quant aux élections de 2020. J’entends beaucoup d’inquiétudes à ce sujet. Je peux vous dire que 2020 se passera bien, même très bien (..) Je vous en donne l’assurance. Si 2015 s’est bien passé, pourquoi 2020 ne le serait pas ? Je fais confiance aux Ivoiriens, je fais confiance à nos institutions”, déclarait le président Ouattara.

Soit, mais la crainte de troubles reste très forte tant que le président Alassane Ouattara n’aura pas clarifié son jeu car des cadres de la majorité présidentielle ne cachent pas leur désir de le voir se présenter pour la troisième fois en 2020. C’est vrai que la Constitution ivoirienne limite à deux le nombre de mandats, mais le président ivoirien serait autorisé à se présenter une nouvelle fois car un nouveau texte fondamental a été promulgué en 2016. Cet artifice est un juridisme utilisé par maints chefs d’Etat africains pour contourner le dispositif de limitation du mandat présidentiel.

C’est d’ailleurs pourquoi, en Guinée, les opposants ne veulent pas entendre d’une révision constitutionnelle que le président guinéen, Alpha Condé, voudrait initier au crépuscule de son second mandat afin de se donner une virginité légale pour rester à la tête de la Guinée.

Contexte politique

ivoirien très tendu

Il faut noter que le contexte politique ivoirien est actuellement tendu. La coalition présidentielle composée essentiellement de la formation du président de la République et du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci), de l’ancien président Henri Konan Bédié, a explosé, alors que l’éventuelle candidature de l’ancien chef de la rébellion Guillaume Soro se confirme de jour en jour.

De plus, avec l’acquittement de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, ainsi blanchis de toute charge, le Front populaire ivoirien (FPI) de l’ancien président Laurent Gbagbo devrait revenir en force sur la scène politique, après des années de boycott des scrutins.

Le président Alassane Ouattara entretient le suspens

En tout cas, les violences qui ont suivi les dernières élections municipales confirment bien l’existence d’un lit de malaise et des observateurs n’ont pas hésité à les qualifier de prémices d’une crise qui pourrait éclater en 2020.

Mais au lieu de chercher à calmer le jeu d’emblée, en se déclarant déjà hors course pour la présidentielle de 2020, le président Alassane Ouattara entretient un suspens qui ne contribue qu’à élever la tension. En effet, dans une interview accordée à Jeune Afrique, le président Ouattara laisse planer le doute sur son éventuelle candidature pour un troisième mandat. “La nouvelle Constitution m’autorise à faire deux mandats à partir de 2020. Je ne prendrai ma décision définitive qu’à ce moment-là, en fonction de la situation en Côte d’Ivoire. La stabilité et la paix passent avant tout, y compris avant mes principes”, déclarait-il. Une annonce qui fait comprendre qu’avec le changement de Constitution dont il est l’initiateur, les compteurs sont comme remis à zéro et que ses élections de 2010 et 2015 ne comptent pas. Là gît un énorme doute sur son départ du pouvoir.

“Le job de président, ça fait huit ans que je le fais. Je n’ai jamais occupé de fonction plus de six ans” dixit Alassane Ouattara

Pourtant, dans une autre sortie récente, il a donné plus l’image d’un président proche de la sortie. En effet, lors d’une conférence de la fondation Mo Ibrahim organisée à Abidjan, les 5 et 6 avril, il répondait ainsi à une question sur l’éventualité de sa candidature pour un troisième mandat : “Le job de président, ça fait huit ans que je le fais. Je n’ai jamais occupé de fonction plus de six ans. J’ai toujours cru qu’il faut un renouvellement de génération en Afrique. 75 % des Africains ont moins de 35 ans. Le président français à 40 ans, mon fils aîné à 52 ans. Il est clair que pour moi, la voie va vers un transfert à une nouvelle génération. Ça me paraît tellement évident. Maintenant, à cause de Linas-Marcousis (ndlr : les accords de paix signés en 2003), des arrangements, nous n’avons pas mis de limite d’âge dans notre Constitution. Mais la morale voudrait que l’on soit raisonnable”.

Si l’on s’en tenait à cette déclaration, les choses allaient être claires : Alassane Ouattara ne se présenterait pas pour un troisième mandat, celui qui semble être de trop. Mais comme il sait le faire depuis plus d’un an, notamment à chaque fois qu’on lui donne l’occasion de s’exprimer sur cette question, il maintient le flou par des nuances. En effet, à cette réponse qui pouvait faire jubiler ses opposants, Alassane Dramane Ouattara de jouer le rabat-joie : “Alors, je ne vous dis pas que je m’en vais, attention. Félix Houphoüet-Boigny disait qu’un homme d’État doit se référer à trois choses : Dieu, le peuple et votre propre conscience”, a poursuivi Alassane Ouattara.

Et le président ivoirien d’ajouter, péremptoire : “Je suis très croyant, j’espère que Dieu me donnera la santé et la longévité. Le peuple ivoirien m’a élu à 83 % en 2015. Il ne peut pas y avoir de plus bel hommage. Et puis, il y a votre conscience. Il faut se demander : est-ce que votre pays a atteint les objectifs que vous êtes fixé en venant dans cette fonction ? Est-il suffisamment stable, en sécurité ? Avez-vous une équipe qui peut faire la suite ? Une fois que vous avez répondu à ces questions, le reste devient facile. Donc, je prendrai ma décision l’année prochaine. J’ai un certain nombre d’amis que je consulterai avant de prendre ma décision définitive, mais elle est presque prise.”

“À l’occasion de mes 75 ans, ceci m’amène à réaffirmer que les institutions de la République qui seront mises en place très prochainement me permettront de prendre congé en 2020” disait Alassane Dramane Ouattara

Pourtant, au début de janvier 2017, il avait rassuré les Ivoiriens de son désir de quitter le pouvoir après son second mandat : “À l’occasion de mes 75 ans, ceci m’amène à réaffirmer que les institutions de la République qui seront mises en place très prochainement me permettront de prendre congé en 2020”, déclarait-il lors de la cérémonie d’échange de vœux face au corps diplomatique.

Volte-face neuf mois plus tard

Mais neuf mois plus tard, volte-face car en novembre 2017 il émettra publiquement et pour la première fois, l’hypothèse de se présenter à la présidentielle de 2020, en vue d’un troisième mandat. “A priori, je ne me présenterai pas [en 2020]. […] En politique, on ne dit jamais non. Attendez 2020 pour connaître ma réponse”, faisait-il comprendre à France 24, en marge du sommet Union africaine-Union européenne.

Comme on le voit, les Ivoiriens restent pour le moment floués et devront donc attendre la déclaration officielle que leur actuel président de la République a promise en 2020. En effet, le suspense devrait prendre fin début 2020, date à laquelle le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) désignera son candidat lors d’une convention et c’est sûr que si Ouattara ne lâche pas, il sera le candidat investi par cette formation politique. C’est d’autant plus plausible que le Rhdp vient de se doter, le 7 avril dernier, d’un conseil politique composé de 112 membres, parmi lesquels on retrouve l’intégralité du gouvernement, des députés et sénateurs ainsi que quelques personnalités proches du pouvoir comme Masséré Touré, la nièce d’Alassane Dramane Ouattara et directrice de la Communication à la présidence. Un directoire plus réduit sera mis en place dans les prochains jours.

Partira, partira pas ?

Il faudra donc attendre encore un an pour résoudre enfin cette énigme : “Partira, partira pas ?” Mais comme on le dit souvent, lorsqu’on est piqué par le virus du pouvoir, c’est peu probable d’en guérir sans une thérapie de choc que seul le peuple sait administrer.   

Amadou Bamba NIANG

Aujourd’hui-Mali


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