Cela fera trois ans, le 2 novembre, que nos collègues Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été assassinés dans le nord du Mali, à Kidal. Plusieurs sociétés de journalistes ainsi que l’Association des proches des victimes ont dénoncé, ces derniers jours, les lenteurs de la justice française et les nombreuses zones d’ombre que l’enquête n’avait toujours pas permis de lever. Nouvelle information révélée par RFI : la procédure ouverte au Mali n’a pas été confiée au pôle antiterroriste, mais elle est menée par un juge d’instruction relevant du Tribunal de grande instance de Bamako.
La procédure n’a pas été attribuée au Pôle judiciaire spécialisé dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité, habituellement en charge de ces affaires. Ce qui, selon Issa Traoré, président d’honneur du Syndicat autonome de la magistrature du Mali (SAM), prive le juge d’instruction de certains moyens.
« Il s’agit d’une juridiction spécialisée, créée avec l’espoir de la doter d’un certain nombre de moyens tant humains, matériels que financiers, dont le juge ordinaire ne dispose pas. Par exemple, dans le cadre d’une commission rogatoire ou même de ses déplacements, c’est lui qui doit aller enquêter sur un dossier du Nord, explique-t-il. En temps normal, le juge ordinaire a tous les problèmes du monde pour pouvoir faire son travail, mais on suppose qu’au niveau du Pôle spécialisé, les moyens doivent être rapidement dégagés pour lui avoir une place dans les avions entre Bamako et le Nord. Et le Pôle spécialisé a un parquet spécialisé qui dispose d’agences spécialisées. A ce niveau, la célérité n’est pas la même que celle du juge ordinaire. »
Pour Issa Traoré, l’affaire de l’assassinat de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon devrait précisément être traitée par ce pôle antiterroriste. « Le Pôle n’était pas encore opérationnel au moment où cette affaire-là survenait. Mais dès lors que la juridiction spéciale est devenue opérationnelle, à mon sens on devrait immédiatement la saisir. »
Réponse du gouvernement
Mais pour le ministre malien de la Justice, Mamadou Ismaïla Konaté, cette organisation n’a aucun impact négatif sur le déroulement de l’enquête.
« C’est un peu curieux qu’on puisse regarder l’organisation judiciaire interne de la République du Mali pour éventuellement tirer quelques conséquences indiquant comme si ce dossier n’était pas instruit. Monsieur Mahamadou Kassogué n’est pas de ce Pôle judiciaire spécialisé. Monsieur Kassogué est un juge d’instruction réputé et monsieur Kassogué a eu par le passé en charge des dossiers similaires. Il les a conduits de la manière la plus parfaite possible. Je ne pense pas que l’on puisse tirer quelques conséquences de sa non-appartenance au Pôle judiciaire spécialisé pour tirer des conséquences négatives comme j’en ai entendues par-ci, par-là. »
Selon le ministre, le problème central de cette affaire est qu’elle concerne Kidal, un lieu difficile d’accès pour une enquête de terrain. « Ce n’est pas une question de moyens. La difficulté de ce dossier, c’est qu’aujourd’hui le théâtre des opérations se situe à Kidal. Il est parfaitement difficile, et cela peut se concevoir pour un juge, de se déplacer sur le terrain. C’est une situation particulière qui fait que, aujourd’hui, on a l’impression que le dossier traîne. Mais il ne traîne pas. »
Par:RFI