Marrakech au Maroc accueille, du 7 au 18 novembre 2016, la 22e conférence de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la COP 22. Ce rendez-vous annuel, qui doit être celui du passage à l’action, va devoir préparer et organiser la mise en marche du pacte mondial de lutte contre le réchauffement climatique dont les objectifs ont été fixés dans l’Accord de Paris.
A la veille de l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris sur le climat, le 3 novembre, l’ONU a prévenu tous les pays du monde, il faut « de toute urgence et radicalement » réduire les émissions de gaz à effet de serre, qui sont à l’origine du réchauffement climatique, pour éviter « une tragédie humaine ». Erik Solheim, le directeur du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), qui est l’auteur de cette mise en garde, a déclaré dans son rapport annuel sur l’action climatique mondiale : « Si nous ne commençons pas à prendre des mesures supplémentaires dès maintenant, dès la conférence de Marrakech (COP22), nous finirons par pleurer devant une tragédie humaine évitable… Nous avançons dans la bonne direction. Mais ce n’est pas encore assez si nous voulons avoir une chance d’éviter un dérèglement climatique majeur », soulignant qu’à défaut « le nombre croissant de réfugiés climatiques frappés par la faim, la pauvreté, la maladie et les conflits nous rappellera de façon incessante notre échec ». Et d’ajouter : « La science a montré que nous devons agir beaucoup plus vite ».
La nécessité d’agir
Les scientifiques, qui ont pu reconstituer l’histoire climatique de notre planète, en analysant des bulles d’air piégées en Arctique à différentes époques, et qui se sont rendus compte que depuis le début de l’ère industrielle (vers 1850) le climat se réchauffé inexorablement, ont tout de suite compris les conséquences désastreuses que pouvait avoir ce phénomène sur l’équilibre de l’écosystème de la terre.
Cette découverte a immédiatement fait l’objet de nombreuses études scientifiques et sur l’initiative de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) un organisme a été créé pour faire une synthèse mondiale des connaissances dans ce domaine. Ainsi est né en 1988 le Groupe intergouvernemental des experts sur le climat (GIEC) qui publie depuis 1990 un rapport tous les cinq ans. Ces rapports évaluent d’un point de vue scientifique, l’influence de l’homme sur les changements climatiques, mesurent les risques et proposent des stratégies d’adaptation et d’atténuation des gaz à effet de serre responsable de ce réchauffement.
Le constat du GIEC, qui est devenu l’organe de référence scientifique du secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur le réchauffement climatique (CCNUCC), est alarmant. La planète vit un réchauffement climatique sans précédent. Dès leur premier rapport en 1990, intitulé « First Assessment Report », les scientifiques ont démontré que le réchauffement climatique est dû à l’augmentation des émissions dans l’atmosphère de gaz à effet de serre (GES) comme le dioxyde de carbone, le méthane et les chlorofluorocarbones (CFCs), et que c’est le résultat de l’activité humaine.
Chaque année, nous battons de nouveaux records de chaleur. L’année 2015, avec une température moyenne planétaire de 0,74°C supérieur à la moyenne de 1961-1990, se classe parmi les années les plus chaudes depuis 1850. Chacune des trois dernières décennies a été plus chaude que la précédente, et plus chaude que toutes les décennies antérieures. Le GIEC, dans son dernier rapport de 2013 « Assessment Report 5 », précise que « Les vagues de chaleur vont probablement se produire plus fréquemment et durer plus longtemps. Avec le réchauffement de la Terre, nous nous attendons à voir les régions actuellement humides recevoir davantage de précipitations et les régions sèches en recevoir moins ».
Nous assistons déjà à de nombreuses transformations, par exemple l’élévation des océans ou la diminution des calottes glaciaires (au cours des 10 dernières années, la calotte glaciaire au Groenland a diminué de 215 milliards de tonnes par an ; depuis 1979, la surface de la banquise arctique diminue de 3,5 à 4,1% par décennie) et la situation continue à se dégrader. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) a confirmé que la concentration mondiale moyenne dans l’atmosphère du principal gaz à effet de serre, le dioxyde de carbone, a atteint pour la première fois en 2015 la barre symbolique des 400 particules par million et a battu de nouveaux records en 2016.
La réponse internationale
Face à ce constat scientifique, les Nations unies vont rassembler la communauté internationale au Sommet de la Terre de 1992 pour trouver des réponses et ce sera la création de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) qui rassemblera pratiquement tous les pays du monde (197 Etats ou parties à la Convention).
Mais la Convention ne fixe que le cadre général, c’est un engagement pour lutter contre le réchauffement climatique, mais il reste à trouver le mode opératoire. Car le problème est planétaire et la stratégie de lutte doit l’être aussi. Et la CCNUCC va devoir trouver un plan d’action internationale efficace qui convienne à tout le monde et qui prenne en compte les volontés et les spécificités de chaque Etat. Certains étant par exemple de gros émetteurs de GES comme les États-Unis ou la Chine par rapport à d’autres qui sont de faibles émetteurs de GES, mais qui sont en revanche particulièrement exposés aux conséquences des changements climatiques, comme les petits Etats insulaires qui risquent de disparaître avec l’élévation des océans.
Jamais les Nations unies n’ont été confrontées à un problème d’une telle complexité, car la réponse des Etats, déjà difficile à coordonner, implique des changements fondamentaux, pour tous, dans tous les domaines et avec des échéances rapides, car pendant ce temps-là le climat continue à se réchauffer.
L’accord de Paris
Depuis 1992, il y a eu de multiples tentatives pour arriver à trouver une méthode satisfaisante pour tous, il y a eu des traités comme le protocole de Kyoto, des moments d’échecs et d’espoirs comme Copenhague ou Doha , mais il faudra attendre 2016 avant d’arriver pour la première fois à un engagement du monde entier avec des objectifs et des échéances et se sera l’Accord de Paris. Un accord qui entre symboliquement en vigueur moins d’un an après son adoption à la COP21 de Paris, ratifié par plus de 55 pays et couvrant un volume d’émissions suffisant pour être appliqué.
L’objectif principal de l’Accord de Paris est de maintenir la hausse de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2 degrés Celsius au cours de ce siècle et de mener des efforts pour limiter encore plus l’augmentation de la température, soit à 1,5 degré Celsius au-dessus des niveaux préindustriels afin d’éviter un basculement climatique dangereux et irréversible.
A la COP21, lors de la proposition de l’accord de Paris, les gouvernements ont présenté chacun des plans nationaux sur lesquels ils sont prêts à s’engager tout en promettant de relever la barre de leurs ambitions. Pour ce faire des échéances ont été fixées : l’Accord de Paris doit entrer en fonction en 2020 et les objectifs seront affinés tous les 5 ans pour arriver à – 2° à la fin du siècle.De plus les gouvernements se sont également engagés à apporter les technologies adaptées et le soutien financier nécessaire aux pays en développement.
Au plus tard en 2018, les gouvernements et les parties (les pays) devront avoir finalisé les derniers détails et les règles qui permettront de mesurer et évaluer l’action climatique mondiale tout en garantissant la transparence nécessaire pour que tous puissent s’assurer des efforts de chacun.
La mise en marche
La conférence de la COP22 de Marrakech est le point de départ de la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Le chantier est énorme et les travaux qui commencent au Maroc vont devoir préparer cette lutte contre le réchauffement climatique qui rentrera dans sa phase active en 2020. A Marrakech, il faudra faire émerger une feuille de route claire pour être prêt. Il faudra également organiser la mobilisation des 100 milliards de dollars annuels nécessaires au soutien des pays en développement par les pays développés.
Pour la négociatrice française Laurence Toubiana, qui a été une des grandes actrices de l’Accord de Paris « L’enjeu le plus important à Marrakech, c’est de se mettre d’accord sur une date butoir pour décider des règles d’application de l’accord, notamment les règles de transparences ». Les règles de transparence, c’est toutes les informations que les pays devront fournir sur leurs efforts pour limiter leurs émissions, ainsi que la progression des aides financières publiques. Une question essentielle pour que tout le monde agisse de concert.
Marrakech dispose d’un bon plan de bataille, mais de gros efforts devront être faits par tous pour atteindre l’objectif de – 2°, car à l’heure où s’ouvre la COP22, la somme des engagements actuels met la planète sur une trajectoire de + 3°C voire 3°4 selon l’ONU, qui s’inquiète de la hausse ininterrompue des émissions mondiales.
Par:Jeune Afrique