Drissa Coulibaly, capitaine de l’armée libérienne qui a été emprisonné durant deux ans dans l’affaire des bérets rouges disparus, dans cet entretien exclusif, nous parle de sa relation tumultueuse avec son ancien ami Amadou Haya Sanogo, l’auteur du coup d’Etat du 22 mars 2012. Quel rôle a-t-il joué dans la dite affaire ? Qu’est ce qui le liait réellement avec Amadou Haya Sanogo qui doit comparaitre demain mercredi 30 novembre devant le juge à Sikasso ? Lisez !
Le Républicain : quel est le parcours du capitaine Drissa Coulibaly ?
Drissa Coulibaly : je suis né ici à Bamako ?plus précisément à Faladiè. J’ai fais beaucoup de choses. J’ai immigré un moment au Libéria où j’ai intégré l’armée libérienne. Puis, ils m’ont envoyé en Israël pour une formation sur les engins lourds (BRDM et Chars). Je me suis spécialisé dans ce domaine pendant deux ans. Mais chaque six mois je venais à Monrovia (Libéria) pour un mois de congé. A la fin de la formation, j’ai été gradé comme capitaine. Quand la rébellion éclatait, j’étais commandant. J’ai même intégré beaucoup de maliens dans l’armée libérienne.
Quand avez-vous fait la connaissance de Amadou Haya Sanogo ?
Sanogo a fait le coup d’Etat pendant que nous étions en Côte d’Ivoire. Et à la suite du coup d’Etat, le nord du Mali a été annexé. Voyant cet état de fait, j’ai décidé avec mon contingent de 212 éléments de venir appuyer l’armée malienne dans la libération du nord du Mali. Étant général trois étoiles de l’armée Libérienne, j’ai montré mon ordre de mission à Didier Dacko de l’armée malienne à Sévaré. Le jour où je suis arrivé à Sévaré, les banques et hôpitaux étaient tous fermés. Et les gens avaient fuit. Je n’ai pas eu les armes facilement, car il a fallut que Didier Dacko demande l’autorisation à Yamoussa Camara pour que je puisse avoir les armes. Entretemps, pendant que je m’entrainais à Sévaré avec mes éléments, j’ai vu un élément de Boko Haram, une preuve qui montre que Sévaré était déjà infiltré par les terroristes. Le commandant de Savaré pensait que c’était un fou, mais en réalité c’était un membre de Boko Haram. Le commandant m’a dit ce jour que je les ai sauvés. Aussitôt, le commandant a dit de faire les patrouilles car Sévaré était déjà infiltré. On a libéré Sévaré et nettoyé complètement la zone. A Dounankourouni, les bergers ont été dépossédés de 25 millions FCFA par les rebelles et ils ont également tué une personne. Didier Dacko m’a envoyé spécialement pour aller nettoyer cette zone. A la suite de cela, Didier Dacko m’a donné un laisser passer affirmant que je suis un partenaire important dans le cadre de l’opération Badenko (le groupe de Didier Dacko). Il n’y avait que quatre groupes à mon arrivée à Sévaré (Badenko, Dami, Gandakoye et Ganda Izo). Ainsi, j’ai créé un poste avancé au niveau de Boré à cinq kilomètres de Konna, parce que nous ne pouvons pas accepter que les soldats maliens meurent sous nos yeux. Les cars venant de Gao étaient assujettis au contrôle. Un jour, mes éléments ont explosé le pneu d’un « SOTRAMA » par balle. A la suite de cela, on nous a demandé de revenir à Sévaré. Là on n’avait rien (sans nourriture ni rien). Didier m’a demandé de cantonner mes éléments, chose que j’ai refusée. C’est ainsi que je suis parti avec mes éléments à la frontière ivoirienne. Arrivé à ce niveau, le colonel Nimaga m’a dit de venir présenter mes papiers à Sanogo. Dès que j’ai présenté mes papiers à Sanogo, il m’a demandé de rester à Bamako car la capitale est en danger. Cela a trouvé que l’affaire béret rouge avait pris fin. Je ne suis donc pas au courant de cette affaire. J’ai dis à Sanogo que je veux aider mon pays à sortir de la crise. Je lui ai demandé de me donner du matériel de guerre pour que je puisse aller libérer le nord avec mes éléments. Sanogo a dit qu’il va m’envoyer au nord dès que les matériels de la Guinée seront là. Le capitaine Amadou Haya Sanogo m’avait logé dans l’ancien appartement de Zakiatou Oualett à Kati Sanafara pour que je pratique ma géomancie. Je sacrifiais des chevaux aux djinns dans cette maison. Un jour, l’adjudant chef Seyba Diarra est venu me voir et m’a demandé de tout faire afin que le capitaine Sanogo devienne un général 4 étoiles. Je lui ai dit que ce travail nécessitait beaucoup de sacrifices aux djinns. On devait tout d’abord offrir un cheval aux djinns. Il a accepté et on a acheté un cheval pour le sacrifice. C’est l’adjudant Seyba Diarra qui a payé le cheval. Comme l’odeur de la carcasse du cheval est nauséabonde, je l’ai enterré dans le puits qui se trouve dans la concession de Zakiatou Oualett. Même après celui de Sanogo, les carcasses d’autres chevaux de mes clients étaient jetées dans ce puits. Un mois plus tard, le capitaine Sanogo a eu son grade de général 4 étoiles. Juste après, un de mes enfants a été victime d’un accident sur la route de Koulouba. Il a eu une fracture crânienne et a été hospitalisé dans les services d’Urgence de l’Hôpital de Kati. J’ai été voir le général Sanogo afin qu’il me remette 2 500 000 FCFA pour ces soins car il ne m’avait rien donné comme récompense après mes sacrifices qui lui ont permis d’avoir le grade de général 4 étoiles. Sanogo m’a dit qu’il n’avait pas d’argent. Même son de cloche quand je suis allé voir l’adjudant Seyba Diarra à qui j’ai dit mon incompréhension face à cette situation. Comment mon enfant peut être dans un tel état critique après les services que je vous ai rendus ? Vous me repoussez tous? Quelques jours seulement après, le général a organisé devant la mairie de Kati une soirée des chasseurs animée par Sékouba Traoré dit Sékoubani, et au cours de cette cérémonie il a remis 9 000 000 FCFA à Sékoubani. Cette action de Sanogo m’a courroucé et j’ai pris le micro pour m’indigner, mais les jeunes de Sékoubani ont arraché les fils du micro et m’ont hué. J’ai quitté la scène sous le brouhaha du public, et comme j’avais encore la tête du cheval qui m’avait permis d’exécuter mon boulot, j’ai entrepris de tout faire pour qu’il soit déchu de son grade. J’ai dis que je me servirais de la tête du cheval pour me venger. Sanogo a mis beaucoup de ses agents à mes trousses afin de récupérer la tête du cheval et me liquider après. J’ai appelé le Colonel Youssouf Traoré pour lui dire que ma vie est en danger et que je vais m’éclipser pour sauver ma tête. Les agents de Sanogo ont fouiné partout où ils pourraient me voir, de ma maison de Sebénikoro en passant par la maison de mon papa à Banakabougou, en vain. Ils ont chargé une certaine Fatoumata Coulibaly de m’appeler pour savoir où je me trouvais afin de pouvoir m’enlever et m’exécuter. Mais malheureusement pour eux j’avais déjà franchi les frontières maliennes et je me trouvais au Sénégal.
Quelle a été la cause de divorce avec Sanogo ?
C’est le refus catégorique de Sanogo de prendre en charge les frais pour les soins de mon enfant qui a été la pomme de discorde. Sinon rien d’autre. J’ai une dent contre le gouvernement malien aussi et je veux qu’on me mette dans mes droits. J’ai passé deux ans en prison sans raison donc je demande qu’on me mette dans mes droits le plutôt possible. C’est le juge Karambé qui a manigancé mon arrestation arguant que j’étais de mèche avec Sanogo lors de l’exécution des bérets rouges alors qu’en ce moment je n’étais même pas à Bamako. J’ai apporté toutes les preuves prouvant que j’étais hors de Bamako au moment des faits et le Procureur Daniel Tessogué m’a donné un non lieu après deux ans de détention arbitraire.
Sanogo doit être jugé le 30 novembre prochain, quelles sont vos attentes à l’issu de ce procès ?
Moi je ne peux rien dire sur ce procès. Si Sanogo sait qu’il a des preuves pour démentir les faits qui lui sont reprochés qu’ils les brandissent afin qu’il soit blanchi. Moi je fais entièrement confiance en la justice malienne. Moi je ne peux pas dire qu’il sera condamné ou relâché. Cette sentence revient aux juges.
Source:Le Républicain