« Voilà l’un des premiers signes que l’ère Yahya Jammeh appartient au passé et que la transition s’organise en Gambie, s’exclame 24 Heures à Dakar. Un tribunal a en effet ordonné, hier, la libération sous caution du chef du principal parti d’opposition, Ousainou Darboe, et de 18 co-prévenus, condamnés en juillet à trois ans de prison ferme pour participation à une manifestation non autorisée. »
« C’est une seconde victoire hautement symbolique pour l’opposition gambienne », pointe La Tribune, toujours à Dakar.
Le site d’information Guinée Conakry Infos ne cache pas sa joie : « l’ex-président Jammeh sorti par les urnes, porté disparu de la circulation, le peuple gambien continue de fêter sa victoire et ses héros, avec un enthousiasme débordant et émouvant. Adama Barrow, le nouvel élu semble avoir vraiment débridé le goût de la démocratie et de la liberté chez ses concitoyens. Désormais c’est la consommation sans modération ; et la liberté provisoire que la Cour vient d’accorder à Ousainou Darboe, secrétaire général de l’UDP, chef respecté de l’opposition gambienne jusque-là, dans les geôles du pouvoir, est de nature à centupler le sentiment de victoire populaire chez tous les citoyens gambiens. »
Un symbole fort
« On ne pouvait pas trouver symbole plus fort de la déstalinisation tropicalisée qui pourrait avoir bientôt court en Gambie »,renchérit L’Observateur Paalga à Ouagadougou.« La force du symbole tient d’abord du fait que n’eût été son embastillement, c’est sans doute lui, Ousainou Darboe, qui aurait porté les couleurs de l’opposition et donc peut-être battu Jammeh. Et c’est pour pallier cet empêchement qu’Adama Barrow, qui n’est autre que son trésorier, a été mis en selle même si, pour ratisser large, ce dernier a eu l’intelligence politique de se débarrasser de la tunique trop partisane de l’UDP pour revêtir le boubou d’indépendant avec les résultats qu’on sait maintenant.[…] En tout cas, on ne pouvait pas trouver meilleure césure politique pour marquer la nouvelle Gambie, pointe encore L’Observateur Paalga, car dans la délicate entreprise de déminage de l’Etat Jammeh, qui va commencer bientôt, l’institution judiciaire sera avec d’autres corps socioprofessionnels comme l’armée, les services de renseignements et l’économie parmi les grands chantiers de la refondation qui attendent le nouveau président. »
Un exemple à suivre ?
Pour le quotidien togolais Le Forum de la Semaine, cette élection en Gambie est un véritable modèle à suivre… « Les responsables de l’opposition togolaise seront-ils capables, comme leurs collègues gambiens, de taire les égos, le clientélisme ambiant, les petits commérages et les antagonismes de personnes au profit d’une grande cause commune nationale ? Les responsables de l’opposition togolaise accepteraient-ils de passer par la case “primaire” hors des Etats-majors pour la désignation d’un candidat unique de l’opposition ?, s’interroge encore le quotidien togolais. Avant de lancer un appel aux Togolais à “poursuivre la lutte”, l’opposition devrait peut-être commencer par rassurer les populations sur sa capacité à suivre la belle leçon de détermination, de lucidité, de patriotisme et d’humilité que vient de lui administrer l’opposition gambienne. »
Qui plus est, et « c’est capital, relève encore Le Forum de la Semaine, l’opposition unifiée de la Gambie ne donne pas dans les invectives, les incantations puériles et les menaces. Elle a su rassurer le président sortant et ses partisans […] ! »
Et le quotidien togolais de conclure : « au moment où l’opposition togolaise s’apprête à battre le pavé une fois de plus pour les réformes, la victoire d’Adama Barrow vient démontrer que la limitation des mandat ou les deux tours de scrutins sont devenues des revendications secondaires par rapport à l’exigence d’unité qui a permis à l’opposition gambienne de gagner et de se donner ainsi les moyens de réformer le pays en profondeur. »
Méfiance…
Enfin, des voix continuent de s’élever au Sénégal, voisin de la Gambie, pour dire attention à un éventuel coup de force du président battu ou de ses proches… Parmi ces voix, celle du Parti socialiste sénégalais qui « appelle l’Union africaine et la communauté internationale à la vigilance pour assurer une bonne transition du pouvoir en Gambie. » C’est ce que rapporte notamment le quotidien Enquête.
« Attention au fauve blessé ! », prévient également Le Pays au Burkina. « Il faut laisser le temps au temps et le temps au président Adama Barrow d’installer ses pénates au palais présidentiel, avant éventuellement d’engager quoi que ce soit sur le plan judiciaire contre Yahya Jammeh. Autrement, il n’est pas exclu que la joie des Gambiens soit de courte durée si ce dernier s’avisait de confisquer le pouvoir d’une manière ou d’une autre. »
Source: RFI