Depuis l’occupation du septentrion malien par les djihadistes, en 2012, la souveraineté du Mali est mise en question. Mais cette occupation fut de courte durée pour ce qui est de Tombouctou et de Gao. Quant à Kidal, la question de sa libération reste entière. Cette région du Mali ne cesse d’échapper au contrôle du gouvernement de la République et cela du fait que la ville de Kidal constitue le siège ou tout au moins le fief de ce qu’il convient d’appeler la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).
C’est au regard de cette triste réalité que Oumar Tatam Ly, le tout Premier ministre de Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a tenté sans succès de s’y rendre. M. Tatam Ly a cédé son fauteuil à plus jeune que lui en la personne de Moussa Mara, fils de cet émérite officier de l’armée malienne le colonel Joseph Mara. Est-ce en sa qualité de fils d’un colonel téméraire que le Premier ministre Moussa Mara a entrepris le voyage de Kidal ?
Tout compte fait, arrivé à la primature, en avril 2014, ce jeune Premier ministre a jugé bon et surtout de son devoir de se rendre à Kidal pour s’enquérir des conditions de vie et de travail des agents de l’Etat malien. Ainsi, le 17 mai 2014, Mousa Mara a entrepris sa toute première visite de terrain sur la ville de Kidal. Depuis la décision de s’y rendre les langues et les plumes ont commencé à se délire, abordant la question dans tous les sens (dessus dessous).
Pendant que certains estiment le voyage sur Kidal prématuré, le jeune Premier ministre a coupé cours à ce débat en montant à bord d’un hélicoptère de la MINUSMA à la tête d’une délégation composée de personnalités comme le ministre de l’Administration territoriale et de la Sécurité, le général Sada Samaké (décédé il ya quelques mois) et Soumeylou Boubèye Maïga, ministre de la Défense et des Anciens combattants au moment du voyage. Une première confusion a infecté la tête de bien d’analystes de la scène politico-sécuritaire en République du Mali.
Selon pratiquement toutes nos sources, lorsque la délégation conduite par Moussa Mara est arrivée à Gao, son ministre de la Défense a trouvé utile d’y rester au motif, disait-on, qu’il avait eu des malaises.
Au-delà de cette raison éventuelle, il est judicieux de se demander plus d’une fois : Boubèye avait-il l’information selon laquelle la délégation de Moussa Mara est perçue à Kidal ‘’Persona non grata’’ ? Savait-il qu’une attaque armée de la délégation était en cours de préparation à Kidal. Si oui, quelles dispositions concrètes avait-il envisagées et prises en sa qualité de ministre de la Défense et membre de la délégation ?
Tout compte fait, Souleymane Boubèye Maïga n’a pas fait l’étape de Kidal. A Kidal, la délégation a été accueillie dans le camp militaire des Nations unies. De là, elle fut conduite dans le camp militaire tenu par les Maliens d’où elle fut escortée par nos soldats jusqu’au gouvernorat. C’est en ce moment que les combattants du MNLA ont ouvert le feu sur le camp malien. Dans les échanges de tirs un de nos soldats est mortellement atteint. Aussi, de notre côté, il y a eu 19 blessés légers.
Au gouvernorat, Mara et sa délégation ont été reçus par nos préfets et bien d’autres agents de l’Etat malien. Là, une réunion de concertation a débuté avant d’être interrompue par des coups de feu retentissants tout autour des locaux dudit gouvernorat. En quelques minutes de combat, nos soldats ont eu raison des rebelles.
Le Premier ministre Mara et sa délégation ont regagné le camp militaire malien où le Premier ministre a rendu hommage au soldat tombé pour la patrie. Il a dit : «Je m’incline ici devant la mémoire du soldat malien qui a perdu la vie, ici à Kidal, parce qu’il défendait le drapeau malien.» Il a ajouté qu’il venait ‘’apporter le message clair du président de la République Ibrahim Boubacar Keïta. Kidal fait partie du Mali. Nous sommes pour la paix avec tous nos frères, mais il n’y aura pas deux Mali.’’ Du camp militaire malien, la délégation a rejoint le camp de la MINUSMA d’où elle s’est envolée pour Bamako.
De 2014 à 2016, tout a été imaginé ou presque. Pour certains, Moussa Mara a mal fait de se rendre à Kidal pendant que le terrain était occupé par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et alliés.
Pour d’autres, il a fait preuve d’un sens élevé de la responsabilité et surtout de sang froid et de courage téméraire.
Pour savoir ce qui s’est réellement passé à Kidal, l’Assemblée nationale du Mali a mis sur pied une commission parlementaire d’enquête. C’est bien cette commission qui souhaite entendre Moussa Mara sur les événements tragiques de Kidal.
A ce stade, il convient encore de s’interroger :
– Pourquoi tout ce temps d’enquête ?
– La commission envisage-t-elle d’interpeler le ministre de la Défense d’alors le sieur Soumeylou Boubèye Maïga ?
– Sinon comment comprendre Boubèye dans cette affaire ?
– Boubèye, la MINUSMA et l’opération ‘’Serval’’ étaient-ils en contact pour dissuader celui- là à effectuer le voyage de Kidal ?
– Peut-on, dans ces conditions, interpeler Moussa Mara tout en épargnant Boubèye ? Dans ces conditions, que veut-on tramer dans le dos de Moussa Mara ?
– Peut-on dire que le Premier ministre Mara a entrepris ce voyage problématique de Kidal de son propre chef sans l’avis ni l’autorisation du président de la République IBK, chef de l’Etat, premier magistrat et chef suprême des armées ?
– Dans le cas invraisemblable, IBK sera-t-il amené à se soumettre aux questions de cette commission d’enquête parlementaire sur la tragédie de Kidal ?
Au temps d’interrogations suffisent aujourd’hui à toutes les lèvres. En tout état de cause, il ne peut être question d’incriminer le seul Moussa Mara dans cette affaire ténébreuse sur laquelle l’on ne cesse de s’interroger, tant il reste clair que notre peuple et son armée suivent de très près la gestion, fut-elle parlementaire, de cette affaire comme le curieux blanchissement de l’ancien président Amadou Toumani Touré par rapport aux soupçons de haute trahison de la nation qui pèsent sur lui, n’en déplaise aux honorables députés.
En tout cas, nul doute que ATT s’expliquera sur l’entrée sur notre territoire, avec armes et munitions, de rebelles dits maliens en provenance de la Libye, étant attendu que nous n’avons pas de frontière commune avec ce pays. Aussi, il est incontournable que ATT édifie notre peuple sur l’avion qui s’est posé dans le désert malien avant d’être incendié bien avant le déclenchement des hostilités ayant conduit à l’occupation de nos trois régions du Nord.
Et comment tout le Nord-Mali a-t-il militarisé par des forces d’occupation à l’insu de ce président- général d’armée, connaisseur du terrain, commando-parachutiste et surtout médiateur dans des conflits sous-régionaux et à l’intérieur des frontières nationales ?
Il convient de rappeler que nul ne peut s’opposer à la manifestation de la vérité dans l’affaire Mara et l’occupation djihadiste de notre pays et surtout par rapport au massacre de nos soldats à Aguel Hoc et la phagocytose de notre armée qui faisait jadis la fierté de notre peuple et qui imposait respect et admiration dus au Mali. La roue de l’histoire tourne !
Source:Inter De Bamako