Quelle mouche a piqué BocaryTréta, le noyau du scandale des engrais frelatés et des 1000 tracteurs pour les paysans achetés dans les conditions douteuses. Dans une sortie médiatique, en fin de semaine, il a tenu un discours va-t-en-guerre. « A court d’arguments, les menaces sont la seule alternative. », a-t-on coutume de dire. Le président du principal parti de la majorité au lieu de passer son temps à menacer l’opposition ferait mieux de se préoccuper du bien-être de la population malienne qui souffre le martyr sur plusieurs plans. Selon un analyste de la scène politique, à y voir de près, la réaction du président du RPM, Bocary Tréta, c’est celle d’un homme politique en perte de vitesse et de confiance ayant la peur au ventre qui au lieu d’éteindre le feu il l’active.
Tréta a eu des mots très durs à l’égard de l’opposition. Morceaux choisis : « Le RPM n’accepte plus que son président-fondateur, le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, soit offensé et outragé comme ce qui vient de se passer avec cette campagne de méchanceté instaurée pour chercher à briser un homme » ; « c’est une opposition putschiste » ; « notre opposition est déstabilisatrice car elle cherche toujours à déstabiliser le président de la République, clé de voûte des institutions » etc. Cette sortie médiatique du Bureau Politique du RPM met de l’huile sur le feu.
Bocary Tréta, le griot d’IBK
En perte de vitesse ces temps-ci, Bocary Tréta, qui a ressuscité à la faveur du quatrième congrès du RPM à l’issu duquel il a été désigné président du parti, veut redorer son blason, son image ternie et écorchée suite à deux scandales : l’affaire des engrais de très mauvaise qualité introduits dans notre pays et celle des 1000 tracteurs destinés aux paysans maliens dont les contours demeurent flous. Suite à ces deux affaires, le président de la République, IBK, très mécontent, s’est débarrassé de lui. Il a été éjecté du gouvernement. En son temps, beaucoup de choses ont été dites : Bocary Tréta va claquer les portes du RPM, Tréta en froid avec IBK, et autres barons du RPM. Ses partisans avaient tenu des propos très durs contre IBK. La direction du parti a eu à faire des communiqués pour recoller les morceaux. Le parti présidentiel a ainsi frôlé la scission. Le docteur a connu une longue traversée du désert avant d’être repêché. Il se retrouve PCA de la BMS-SA, quelques mois après. Ensuite, le quatrième congrès arrive, il est devenu président du parti. Son discours en faveur d’IBK se comprend. Puisque un baron du parti en dégringolade se retrouve à ce niveau, il ne peut que faire l’éloge de celui qui lui a donné une seconde chance. D’où son ire contre ceux qui mettent à nu les tares du régime.
Quelques morceaux choisis de l’apologie d’IBK : « Et tous savaient déjà que le président IBK est l’un des meilleurs, sinon le meilleur d’entre nous “, a-t-il soutenu avant de continuer : «Les hommes et les femmes que le président IBK dirigeait déjà en ce temps-là savaient qu’ils étaient sous l’autorité d’un homme d’honneur, d’un homme de dignité ».Et de se demander pourquoi cette campagne médiatique qui a précédé le dépôt de la motion de censure. « Pour tenter de détruire un homme ? ».
Pour le président du RPM, à propos de la motion de censure, elle rentre dans le cadre d’une stratégie de tentative de déstabilisation du pouvoir du Président IBK.
Selon lui au moment où les forces du mal cherchent à détruire le président de la République, IBK et son camp gagnent en légitimité pour leurs résultats…. « IBK sera en 2018 le candidat du RPM et de la majorité. Il sera réélu, Incha Allah », a-t-il lancé comme défi. « Attendons donc de voir. », disent les observateurs politiques. Les récents cas de la Gambie et du Ghana sont là. Dans ces deux pays, les présidents sortants ont été battus par les candidats de l’opposition. Aussi aux USA, très loin de nous, la candidate favorite, Hillary Clinton a été battue par Donald Trump qui n’était pas du tout attendu. Donc, dans une élection rien n’est sûre. Rien n’est donné d’avance. Ce ne sont pas les mots qui élisent un président de la République, c’est sa vision pour le pays, son bilan quand il brigue un second mandat, ses capacités à mettre en œuvre des actions qui vont dans le sens de l’amélioration des conditions de vie de ses concitoyens. Or à mi-parcours, le bilan d’IBK est mitigé. Beaucoup de promesses ont été faites pour peu de satisfaction. On peut citer : l’insécurité grandissante, l’impossibilité pour l’armée malienne d’assurer la sécurité du territoire national, des maliens et de leurs biens, la multiplication des attaques et des menaces djihadistes, la cherté de la vie, l’accès à l’électricité, à l’eau, aux services de sante demeure de la croix et la bannière. La lutte contre la corruption n’a pas produit des effets escomptés. Puisque les grands voleurs sont protégés par les plus hautes autorités. Donc, à l’analyse, le Mali sous IBK ploie.
En clair le régime n’a rien fait pour le moment pour le développement du Mali (ni routes, ni autoroutes, ni électrification, ni écoles, ni universités, ni usines, ni hôpitaux, ni système d’adduction d’eau potable, ni développement des télécommunications et des technologies de l’information…).
La majorité doit accepter la critique et rectifier le tir
Les responsables du RPM doivent accepter les critiques et de rectifier le tir pendant qu’il est temps. Si l’opposition critique c’est parce qu’il a de quoi. Tous les maliens savent aujourd’hui, ce pays est mal géré. La situation dans son ensemble se dégrade tous les jours, la cherté de la vie est une réalité palpable, le chômage des jeunes est criard. Les hôpitaux maliens sont des mouroirs à cause de la très mauvaise qualité des soins, du manque d’équipements et matériels médicaux, et surtout du manque de personnel médical qualifié. La corruption, la mauvaise gestion de l’argent public sont érigés en système. Les scandales à répétions se suivent mais ne se ressemblent pas.L’accord pour la réconciliation et la paix issu du processus d’Alger qui était censé ramener la paix connaît de très sérieuses difficultés dans sa mise en œuvre. C’est pratiquement le blocage. La mise en place des autorités intérimaires, un des points de l’accord, a créé plus de problèmes que de solutions. Elle a divisé les communautés déjà en froid, des communautés qui se regardaient en chiens de faïence. En plus des contestations à Gao, à Tombouctou, le vendredi dernier, au cours d’une conférence internationale tenue à la Maison de la Presse, se prononçant sur l’installation des autorités intérimaires, la communauté noire Kel-Tamasheq s’insurge contre les manœuvres tendant à confier le pouvoir transitionnel à la minorité blanche. Un autre point de blocage en vue.
Les responsables de la communauté noire Kel-Tamasheq estiment qu’ils sont victimes d’exclusion, de marginalisation et de stéréotypes et exigent les mêmes droits que toutes les autres communautés. Ils exigent aussi de l’Etat et des autres partenaires l’obtention d’une place dans la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation. Nous savons toutes les combines qui sont actuellement en cours pour confier la gestion du nord à la communauté blanche minoritaire. C’est une chose que nous ne pouvons accepter. Une chose doit être claire pour tous : il n’y aura pas de paix, si la communauté noire Kel-Tamasheq reste exclue… », a fulminé le président, Aboubacrine Mahamane Cissé. Donc pour la mise en œuvre de l’accord le bout du tunnel semble très loin.
La liste des difficultés n’est donc pas exhaustive, l’opposition a de la matière, une base logique pour critiquer la gestion du pays, la mauvaise gouvernance. Qui peut dire que les raisons qui ont poussé l’opposition à déposer une motion de censure ne sont pas fondées ? A travers la motion de censure, elle a demandé des explications sur certains problèmes. D’abord, l’insécurité grandissante donc l’incapacité du gouvernement à assurer la sécurité des maliens et de leurs biens. Ensuite, les mauvaises conditions dans lesquelles les récentes élections communales ont été préparées et organisées. Enfin, le fameux accord entre le Mali et l’Union Européenne (UE) sur la réadmission et la réintégration des maliens en situation irrégulière en Europe. Quel est le malien qui peut dire aujourd’hui que ces problèmes évoqués par l’opposition républicaine ne méritent pas des explications de la part des autorités ? D’ailleurs, précisément en ce qui concerne l’accord entre notre pays et l’UE, le flou demeure toujours. Le gouvernement n’a pas pu donner des explications convaincantes, malgré les différentes sorties médiatiques de certains ministres.
En somme, en démocratie, la critique a son sens. La majorité doit l’accepter et corriger les erreurs au lieu de faire tourner le peuple en rond. Les maliens savent aujourd’hui la réalité. Ils savent très bien que le pays est mal géré, que les problèmes demeurent et que les difficultés s’enchaînent.
La sortie ratée de Bocary Tréta a suscité beaucoup de réactions au sein de la classe politique et sur les réseaux sociaux.Est-ce que l’ancien ministre de l’agriculture a réfléchi avant de parler ?A y voir de près, c’est la réaction d’un homme politique en perte de vitesse et de confiance qui au lieu d’éteindre le feu il l’active.
Selon un analyste de la scène politique, on peut comprendre le semblant appel à la cohésion et au respect des idéaux du parti qui n´en a jamais eu en réalité ou d´une union sacrée derrière un président qui n´avait en face pendant tout son mandat, du moins jusqu’au congrès, qu’un bicéphalisme au sein de son propre parti. « De quoi se plaint-on maintenant? », s’est-il interrogé.Et de poursuivre : « A l´aube de nouvelles échéances, il est aussi simple de trouver, à l´absence de tout programme politique, une forme à l´adversaire pour se profiler… »
« Les responsables du RPM qui étaient face à la presse, la semaine dernière, ne sont pas des modèles de sérieux. Dans une situation normale, dans un pays sérieux, ils devraient se trouver derrière les barreaux. A regarder de près,Mahamadou Camara est un spécialiste en surfacturation des armements, il a été relevé de ses fonctions en plein midi et Bocary Tréta a surfacturé les engrais et les tracteurs. Quelle honte pour le RPM et c’est eux qui parlent au nom de ce parti. », a soutenu un avocat sous le couvert de l’anonymat.
« Si Bocary Tréta pense qu’il peut impressionner les maliens, il a tiré à terre. On l’a vu à l’œuvre. Les maliens n’ont pas oublié sa gestion minable et scandaleuse au ministère de l’Agriculture. C’est un bidon vide et nous qui avons voté pour IBK en 2013 nous le ferons partir en 2018. », nous a confié pour sa part un étudiant.
En cette période de réconciliation dans un pays qui vient de loin. Les propos de Bocary Tréta n’aident pas en cela. On attend donc les réactions les leaders de l’opposition républicaine qui ne manqueront pas sûrement d’arguments pour démonter en pièces détachées les propos « un peu déplacé » du président du RPM, Bocary Tréta. L’année 2017 sera riche en rebondissement sur l’échiquier politique parce qu’elle précède la période préélectorale. Les joutes sont désormais engagées. A condition de ne pas mettre de l’huile sur le feu avec des paroles désobligeantes dont la démocratie n’a pas besoin. En démocratie c’est le combat des idées, des opinions mais pas la virulence dans les propos.
Moussa Mamadou Bagayoko
L’Humanité