Un dernier recours cependant :
La commission arbitrale de la même convention !
«Un accord international peut prendre des formes variées et se présenter sous des dénominations diverses» et «il n’existe pas de règle de droit international interdisant qu’un communiqué conjoint constitue un accord international…». Ce sont des précisions émanant de la Convention de Vienne sur laquelle se fonde l’Union Européenne pour justifier la signature par le Mali, de l’accord de réadmission dont l’exécution a d’ores et déjà commencé. Bamako dispose cependant d’un dernier recours pour se faire entendre aussi bien de ses compatriotes que de ses interlocuteurs de l’U.E. Mais il y a un préalable.
Pour soigner ses blessures, dit-on, il faut d’abord avoir le courage de les regarder en face. Autrement dit, un patient a peu de chance de guérir en s’ignorant. Et les marges de manœuvres du médecin traitant s’avèrent alors très étroites. Pour faire court, l’Etat malien file du mauvais coton en se focalisant sur le superflu consistant à montrer pattes blanches à propos de la non-signature d’un quelconque document ayant une valeur juridique ou non. Et pour cause. Au regard du droit international, rien n’interdit à l’une des parties d’attribuer une valeur juridique à un communiqué. Faut-il le dire : l’Etat malien, à travers son ministre des affaires étrangères a bien signé un communiqué qu’il estime dépourvu de toute valeur juridique. Hélas, non ! En tout cas, vu du côté d’en face, l’on s’estime heureux d’avoir enfin accédé au fameux sésame !
Naïveté ou ignorance ?
Bamako ne nie guère avoir signé. Mais quoi ? Un banal communiqué, de son point de vue et portant sur les points ci-après :
«La lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière et du phénomène des personnes déplacées ;
– La coopération concernant la mobilité légale ;
– La Protection des migrants et refugiés;
– La prévention et la lutte contre la migration irrégulière, y compris le trafic des êtres humains ;
– Le retour, la réadmission et réintégration des migrants en situation irrégulière, le tout en respect des engagements internationaux».
On le sait : il est de notoriété que c’est un communiqué conjoint qui sanctionne les rencontres de ce type. Alors peut-il servir de facto de traité et/ou d’accord ?
Voilà, en substance, ce que dit la Convention de Vienne que notre pays a signé : «L’expression «traité» s’entend d’un accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière» (lire extrait de ladite convention).
Précision : «quelle que soit sa dénomination particulière» ! C’est dire que chacun des parties est susceptible de donner l’appellation à sa convenance comme le stipule le point 2 du document que voici : « Les dispositions du paragraphe 1 concernant les expressions employées dans la présente Convention ne préjudicient pas à l’emploi de ces expressions ni au sens qui peut leur être donné dans le droit interne d’un Etat».
Autrement dit, il s’agit d’un «simple communiqué » pour Bamako. Mais d’un «Accord» pour Bruxelles (U.E). Et nulle partie n’est blâmable.
Il y a cependant lieu de s’interroger sur certains préalables.
Au mois de Novembre 2015 à Valette (Etat de Malte), le Président malien Ibrahim Boubacar Keïta a paraphé le document devant servir de point focal d’un futur «accord» ou «traité». Il a paraphé, disions-nous. Mais quelle est donc la valeur juridique d’un paraphe ?
Voilà ce qu’en dit la Convention de Vienne à propos: «les expressions «ratification», «acceptation», «approbation» et «adhésion» s’entendent, selon le cas, de l’acte international ainsi dénommé par lequel un Etat établit sur le plan international son consentement à être lié par un traité» [alinéa b].
Comme pour dire que le paraphe de la résolution de Valette ne milite nullement en faveur du Mali dans la mesure où le parapheur avait la latitude de faire appel à l’une des dispositions de la Convention de Vienne, à savoir, la «réserve».
Une ordonnance qui se définit ainsi selon le droit international : «L’expression «réserve» s’entend d’une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un Etat quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet Etat» [alinéa d].
Puisque n’ayant émis la moindre réserve à Valette, l’Etat du Mali adhère donc à toutes les dispositions y afférentes. Et cerise sur le gâteau, il signe un communiqué inspiré dudit Sommet (Valette).
Pis ! Ledit communiqué stipule que «Les deux Parties se sont mis d’accord de mener le prochain dialogue de Haut Niveau, permettant d’évaluer le progrès enregistré, avant le mois de Septembre 2017». C’est dire tout bêtement que l’accord ainsi signé convient parfaitement aux deux parties lesquelles donnent leur consentement à le mettre en œuvre et procéder à une évaluation à mi-parcours. Nul besoin de fréquenter la Sorbonne pour s’en rendre compte ! Qu’à cela ne tienne cependant !
L’U.E n’a pas respecté les termes de son «Accord»
Dans le fameux communiqué conjoint appelé «Accord», il est question, à tous les niveaux, d’une implication effective des deux parties dans la mise en œuvre de toutes les décisions (lire communiqué). L’on constate malheureusement, au regard d’un début d’exécution du communiqué, pardon de l’Accord, que la partie européenne ne se soucie guère de l’implication de l’autre. Par ailleurs, elle n’a daigné mettre en œuvre aucun de ses propres engagements. En somme, elle voulait son accord et l’a obtenu. La suite ne l’intéresse guère ! Une aubaine pour le Mali ! Et pour cause.
Bamako est dès lors en droit d’exiger et d’obtenir l’annulation pure et simple dudit accord auprès de la Commission d’arbitrage de Vienne pour cause de mauvaise foi de l’autre partie et travers la violation de ses propres engagements.
Autre point de contestation : les dispositions de Vienne laissent libre chaque partie signataire de donner la dénomination qui convient à un accord, certes. Elles les autorisent aussi à contester le sens que l’une ou l’autre partie donne à un engagement surtout lorsque les décisions concernées portent préjudices à la stabilité du pays. Pour qu’un accord soit exécuté, il faut bien que l’Etat signataire existe. Bref, Bamako a aujourd’hui les cartes en main pour contre-attaquer et obtenir un arrêt immédiat des opérations d’expulsions en se prévalant de l’Accord de réadmission. Mais encore, lui faudra-t-il une once de courage politique !
Communiqué conjoint Mali-Union Européenne à la suite du Dialogue de Haut Niveau sur la Migration.
À l’invitation de S.E.M Abdoulaye DIOP, Ministre des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et de l’Intégration africaine, S.E. M. Bert KOENDERS, Ministre des Affaires Étrangères du Royaume des Pays-Bas, a visité le Mali au nom de S.E Mme Federica MOGHERINI, Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et Vice-présidente de la Commission européenne, dans le cadre du dialogue de Haut Niveau sur les questions migratoires.
Cette visite s’inscrit dans le cadre du dialogue de Haut Niveau sur les questions migratoires initié entre le Mali et l’Union Européenne depuis le Sommet de La Valette (11 et 12 Novembre 2015) sur la migration. Cette visite intervient deux mois après celle du Commissaire européen pour la coopération internationale et le développement, S.E. M. Neven MIMICA au Mali.
Le Ministre Koenders a été reçu par S.E.M. Diop, Ministre des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et de l’Intégration africaine de la République du Mali, M. Mamadou Konate, Ministre de la Justice, des Droits de l’Homme et Garde des Sceaux, ainsi que des représentants des Ministres des Maliens de l’Extérieur, de la Sécurité et de la Protection Civile.
Les deux Parties ont rappelé la qualité des relations et les liens étroits de partenariat entre le Mali et l’Union européenne et les Etats Membres, qui se manifestent par ailleurs par une coopération englobant une multitude de domaines, y compris ceux du développement, des Droits de l’Homme, de la Sécurité, de la lutte contre le terrorisme, de la culture et des sciences.
Concernant plus spécifiquement les questions migratoires, guidés par l’esprit et les principes de coopération qui ont prévalu au Sommet de La Valette sur la migration, les deux Parties ont eu des échanges sur l’ensemble des aspects de la migration et leur coopération dans ce domaine.
En se référant au Communiqué commun Mali – Union Européenne du premier dialogue de Haut Niveau de 14 Avril 2016, les discussions ont rappelé leur détermination de renforcer leur coopération dans l’ensemble des domaines retenus lors du Sommet de La Valette, notamment:
– La lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière et du phénomène des personnes déplacées ;
– La coopération concernant la mobilité légale ;
– La Protection des migrants et refugiés;
– La prévention et la lutte contre la migration irrégulière, y compris le trafic des êtres humains ;
– Le retour, la réadmission et réintégration des migrants en situation irrégulière, le tout en respect des engagements internationaux.
Lors de leur rencontre en avril 2016, les autorités maliennes et européennes ont souligné la convergence entre le Plan d’Action de la Valette et la Politique Nationale de Migration du Mali (PONAM) et ont convenu qu’ils constituent une base solide pour déterminer des mesures concrètes de coopération en la matière. Ainsi, les échanges ont permis d’approfondir l’analyse des défis et potentialités de la migration, en tenant compte des intérêts et priorités partagés.
Les deux Parties se sont félicitées de l’intensification de la coopération en matière de migration depuis le dialogue de Haut Niveau de 14 Avril 2016, tout en constatant des initiatives concrètes, une mobilisation de ressources importante et des premiers résultats encourageants. A travers le « Fonds fiduciaire d’urgence en faveur de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière », neuf projets ont été approuvé pour un montant total de 145.1 millions d’euros, dont trois initiatives régionaux (pour 53.6 millions d’euros) et six projets qui ciblent le Mali (91.5 millions d’euros). Il s’agit notamment des initiatives de création d’emploi, d’appui aux investissements en faveur de la diaspora malienne, de sécurité et développement au Nord du Mali et du renforcement de la résilience et l’accès aux services de base.
Comme résultat concret du Dialogue de Haut Niveau sur la Migration de 11 décembre 2016, les deux parties ont marqué leur accord sur les domaines d’une coopération renforcée, en prévoyant des actions prioritaires dans des domaines d’intérêts partagés, à intégrer dans une Feuille de Route conjointe.
Les domaines prioritaires sur lesquels les deux parties envisagent de renforcer leur collaboration sont la création d’emploi pour les jeunes dans les régions de départ et d’origine des migrants ; le renforcement des systèmes cohérents et robustes de registres de l’état civil, ainsi que la délivrance des cartes d’identité et passeports sécurisés et l’utilisation des passeports biométriques; la gestion des frontières et un meilleur contrôle du territoire ; la protection des migrants en transit au Mali et la lutte contre la traite des êtres humains et les “passeurs” ; l’accompagnement des retours d’Europe des personnes en situation irrégulières, sur base des procédures standard, conclus entre les deux parties tout en respectant leurs obligations mutuelles. Les deux Parties ont également mis un accent particulier sur le respect des droits de l’homme des personnes concernées.
Les deux Parties ont convenu de mettre en place une structure appropriée de concertation locale, sous l’égide du gouvernement du Mali et avec la pleine participation de la partie européenne, pour permettre de coordonner les différentes actions et programmes dans le cadre de la coopération sur les questions migratoires et pour en assurer la cohérence avec les orientations stratégiques nationales.
Les deux Parties se sont mis d’accord de mener le prochain dialogue de Haut Niveau, permettant d’évaluer le progrès enregistré, avant le mois de Septembre 2017.
Bamako, 11 Décembre 2016
CONVENTION DE VIENNE SUR LE DROIT DES TRAITÉS
Les Etats Parties à la présente Convention,
Considérant le rôle fondamental des traités dans l’histoire des relations internationales,
Reconnaissant l’importance de plus en plus grande des traités en tant que source du droit international et en tant que moyen de développer la coopération pacifique entre les nations, quels que soient leurs régimes constitutionnels et sociaux, Constatant que les principes du libre consentement et de la bonne foi et la règle pacta sunt Servan da sont universellement reconnus,
Affirmant que les différends concernant les traités doivent, comme les autres différends internationaux, être réglés par des moyens pacifiques et conformément aux principes de la justice et du droit international,
Rappelant la résolution des peuples des Nations Unies de créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités,
Conscients des principes de droit international incorporés dans la Charte des Nations Unies, tels que les principes concernant l’égalité des droits des peuples et leur droit de disposer d’eux-mêmes, l’égalité souveraine et l’indépendance de tous les Etats, la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force et le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous,
Convaincus que la codification et le développement progressif du droit des traités réalisés dans la présente Convention serviront les buts des Nations Unies énoncés dans la Charte, qui sont de maintenir la paix et la sécurité internationales, de développer entre les nations des relations amicales et de réaliser la coopération internationale,
Affirmant que les règles du droit international coutumier continueront à régir les questions non réglées dans les dispositions de la présente Convention,
Sont convenus de ce qui suit:
PARTIE I.
INTRODUCTION
Article 1er.
Portée de la présente Convention
La présente Convention s’applique aux traités entre Etats.
Art. 2. – Expressions employées
- Aux fins de la présente Convention:
a). L’expression «traité» s’entend d’un accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière;
- b) Les expressions «ratification», «acceptation», «approbation» et «adhésion» s’entendent, selon le cas, de l’acte international ainsi dénommé par lequel un Etat établit sur le plan international son consentement à être lié par un traité;
- c) L’expression «pleins pouvoirs» s’entend d’un document émanant de l’autorité compétente d’un Etat et désignant une ou plusieurs personnes pour représenter l’Etat pour la négociation, l’adoption ou l’authentification du texte d’un traité, pour exprimer le consentement de l’Etat à être lié par un traité ou pour accomplir tout autre acte à l’égard du traité;
- d) L’expression «réserve» s’entend d’une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un Etat quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet Etat;
- e) L’expression «Etat ayant participé à la négociation» s’entend d’un Etat ayant participé à l’élaboration et à l’adoption du texte du traité;
- f) L’expression «Etat contractant» s’entend d’un Etat qui a consenti à être lié par le traité, que le traité soit entré en vigueur ou non;
- g) L’expression «partie» s’entend d’un Etat qui a consenti à être lié par le traité et à l’égard duquel le traité est en vigueur;
- h) L’expression «Etat tiers» s’entend d’un Etat qui n’est pas partie au traité;
- i) L’expression «organisation internationale» s’entend d’une organisation intergouvernementale.
- Les dispositions du paragraphe 1 concernant les expressions employées dans la présente Convention ne préjudicient pas à l’emploi de ces expressions ni au sens qui peut leur être donné dans le droit interne d’un Etat.
[…] un accord international peut prendre des formes variées et se présenter sous des dénominations diverses (CIJ, 1er juillet 1994…)
[…] il n’existe pas de règle de droit international interdisant qu’un communiqué conjoint constitue un accord international destiné à soumettre un différend à l’arbitrage ou au règlement judiciaire (voir les art. 2,
3 et 11 de la Convention de Vienne sur le droit des traités) (CIJ, 19 déc. 1978, arrêt, Plateau continental de la mer Egée Rec. 1978, 39).
Tout compromis d’arbitrage constitue un accord entre Etats qui doit être interprété selon les règles du droit international général régissant l’interprétation des traités (CIJ, 12 nov. 1991, arrêt, Sentence arbitrale du 31 juillet 1989, Rec. 1991, 69).
Source: La Sentinelle