Le 27ème Sommet Afrique-France s’est déroulé les 13 et 14 janvier dernier en présence d’une trentaine de Chefs d’Etat et de gouvernement avec comme sujets dominants le partenariat, la paix et l’émergence. Une rencontre co-présidée par les Présidents malien, SEM Ibrahim Boubacar Kéïta et son homologue français, SEM François Hollande. En marge de cette rencontre, un mini sommet a réuni les Chefs d’Etat de la CEDEAO sur la crise gambienne. Aux sortir de ce Sommet, l’espoir est permis pour le retour de la paix et de la sécurité dans la bande sahélienne.
Bamako, la capitale du Mali, a vibré les 13 et 14 janvier 2017 aux couleurs du 27ème Sommet Afrique-France. Attendu par les Maliens, en particulier et les pays de la bande sahélienne, en général, cette rencontre a été une occasion pour les Chefs d’Etat et de gouvernements présents à cette rencontre à côté de leur homologue Français François Hollande, de tisser de nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique.
Dans ses mots de bienvenue aux différentes délégations, le Président de la République du Mali a rendu un vibrant hommage au Président François Hollande et au peuple français pour cette confiance placée au Mali pour abriter ce 27ème Sommet.
Le Président IBK a loué les mérites de son homologue français pour avoir pris, le 1er Décembre dernier, une décision qui prouve manifestement que ce sommet sera le dernier auquel François Hollande participera en qualité de Président de la République. Une décision d’ailleurs saluée, commentée et débattue longtemps à travers le monde et surtout en Afrique. Car, a-t-il révélé, cette décision courageuse est unique dans l’histoire politique de la France et très inhabituelle sous toutes les latitudes. Cet hommage a été adressé à l’ensemble de la classe politique française ainsi qu’au peuple français.
La lancinante question sécuritaire a occupé une place importante au cours de cette rencontre. Le Président IBK dans son intervention dira que dans la conjoncture actuelle, le 27ème Sommet ne pouvait trouver un thème plus pertinent que celui qui était proposé à la réflexion, à savoir ”Partenariat, Paix et Emergence”. Les trois exigences s’imbriquent en effet les unes dans les autres. L’Afrique et la France ont la possibilité de les prendre en charge s’appuyant sur leur longue tradition de coopération et sur leur volonté éprouvée de cheminer ensemble. Pour le Président malien, il est urgent d’optimiser ces atouts à l’heure où des enjeux multiples et des défis communs leur imposent un partenariat constant. Partenariat certes tourné vers une réponse solidaire mais aussi partenariat prenant en compte la reconstruction et le renforcement indispensable des capacités nationales de chaque Etat.
En effet, la nature même du terrorisme qui frappe ou menace les Nations contraint à observer en permanence une démarche novatrice en matière de sécurité collective. Cela afin de mieux faire face à l’action asymétrique imposée aux armées et aux forces de sécurité.
Dans le même temps, il convient de ne pas perdre de vue un état de fait malheureusement qui se confirme de plus en plus. La situation sécuritaire dans la quasi-totalité des régions africaines qui est caractérisée par la sédimentation de la menace terroriste. Celle-ci répand plus particulièrement ses métastases dans les zones transfrontalières. Les bandes armées qui s’y installent font preuve d’une inquiétante capacité de reconstitution malgré les coups qui leur sont portés par les forces armées et de sécurité. Le caractère transversal de la menace et la dimension régionale, voire continentale, des enjeux mettent donc la coopération et la mutualisation des capacités de nos Etats au cœur de notre réponse. L’Afrique a déjà fait des pas importants en ce sens avec le CEMOC, le G5 Sahel, le Processus de Nouakchott, la Force Multinationale contre Boko Haram, etc… Elle sait dans ses efforts pouvoir compter sur la France.
”En construisant un espace commun de sécurité, nous devons édifier également un espace commun de développement et de promotion humaine. Nous constatons en effet avec de plus en plus d’évidence les effets ravageurs du terrorisme, de la criminalité transnationale organisée, de l’extrémisme violent et de la piraterie maritime sur la situation socio-économique de vastes zones du continent africain. Ces phénomènes substituent aux activités productrices de richesses une économie criminelle à grande échelle. Elles détruisent le tissu social traditionnel et ne laissent souvent aux populations d’autre choix que celui de la conversion au pire. Pour sauvegarder l’émergence du continent africain, il est de notre devoir d’enrayer ensemble une gangrène qui menace de larges portions de nos territoires”, propose le Chef de l’Etat malien.
Une occasion pour le Président de la République de saluer l’implication, la mobilisation et le soutien de toute la communauté internationale autour du Mali. Ce qui a largement favorisé la signature d’un Accord pour la Paix et la Réconciliation. Mettant ainsi fin aux hostilités entre le gouvernement et les Mouvements signataires.
La mise en œuvre de l’Accord a produit d’autres effets positifs, notamment dans le domaine des réformes politiques et institutionnelles. Elle a aussi permis l’organisation le 20 novembre dernier de nos élections communales.
”L’adhésion loyale et inconditionnelle à l’Accord pour la Paix et la Réconciliation est d’autant plus impérative que nous devons faire face aux attaques des groupes terroristes, attaques perpétrées aussi bien contre les paisibles populations civiles que contre nos forces armées et de sécurité, contre les contingents de la MINUSMA et contre la force Barkhane”, a souligné le Président IBK. C’est pourquoi d’ailleurs il s’est réjoui de l’adoption de la Résolution 2295 du 29 Juin 2016 renouvelant le mandat de la MINUSMA et autorisant, entre autres, celle-ci à adopter une posture plus robuste face aux attaques asymétriques.
Aussi, le Président de la République a salué le courage et la détermination de l’Armée française au Nord du Mali (de l’opération Serval à Barkhane). Aux dires du Chef de l’Etat, le temps semble capricieux et le jugement impitoyable, parce que malgré des efforts consentis par la France sous la clairvoyance de François Hollande, les peuples africains sont unanimement convaincus du changement opéré dans les relations entre la France et l’Afrique. Tout au long de son mandat, a souligné IBK, la France et son armée ne seront jamais intervenues qu’au chevet de la démocratie en Afrique et non plus au secours de quelque autocrate ou despote. Aujourd’hui, reconnait le Président malien, hôte de ce 27ème sommet, quelque chose a changé dans les pratiques politiques de la France en Afrique.
Dans son intervention, le Président Ibrahim Boubacar Kéïta a salué vivement l’engagement des Emirats Arabes Unis aux côtés du Mali, avec une contribution exceptionnelle à l’organisation du présent Sommet. Preuve de son implication et de sa solidarité dans la lutte contre le terrorisme, l’extrémisme et pour la protection des patrimoines culturels. ”Votre confiance nous honore et votre solidarité nous oblige. Le peuple malien a conscience qu’il a une dette de gratitude envers ceux qui l’ont soutenu et accompagné dans le règlement de la crise la plus douloureuse de notre histoire récente. C’est pourquoi à travers une exceptionnelle mobilisation sociale, il s’est approprié l’organisation de cet important rendez-vous”, a-t-il martelé.
Pour une Afrique émergente, Ibrahim Boubacar Kéïta pense qu’il faut protéger le continent au moment où celui-ci se redéfinit, en mettant en avant la créativité de ses entrepreneurs, le dynamisme impatient de ses femmes et de sa jeunesse, les raccourcis de développement que lui offre la révolution numérique. Un partenariat robuste, ambitieux et innovant avec la France favorisera, l’émergence économique véritable du continent.
Pour terminer, il a salué le professionnalisme du Comité d’organisation (les équipes malienne et française respectivement dirigées par M. Abdoullah Coulibaly et l’ambassadeur Frédéric Clavier). Un comité qui a travaillé d’arrache-pied pendant quinze mois pour que ce 27ème Sommet Afrique-France se déroule dans les meilleures conditions possibles.
Aux participants des foras tenus à Bamako et à Paris, IBK leur a dit merci à tous ceux-ci qui se sont investis dans la réussite de ses travaux. Preuve que le Sommet de Bamako n’était pas seulement un grand rendez-vous politique et diplomatique mais qui ouvrait aussi un espace d’échanges pour les forces économiques et sociales qui, par la création de richesses, incarnent les atouts et l’avenir de nos pays.
LES ADIEUX DE FRANÇOIS HOLLANDE
Ce 27ème Sommet sera le dernier de François Hollande en tant que Président de la République. Ce dernier s’est adressé à ses homologues africains à travers quelques messages forts.
Dans son discours, le Président français a mis l’accent sur les 32 visites qu’il a rendues en Afrique durant son mandat. La France est en Afrique et ne vise aucun intérêt que la paix et la sécurité, a-t-il déclaré.
” La France restera au Sahel tant que les pays africains en décideront, car son objectif est de former les armées africaines et de mettre en sécurité la zone sahélo-saharienne “, a déclaré François Hollande samedi soir en conférence de presse devant son homologue malien IBK.
Aussi, le Président français a averti les pairs africains à se méfier des réseaux franco-africains. ” Les réseaux franco-africains, je les ai ignorés, et même bloqués quelquefois. Mais ils n’ont pas disparu et reprennent espoir “. Sous-entendu : peut-être attendent-ils le retour de la droite au pouvoir.
François Hollande a dit adieux à ses partenaires africains au cours d’une journée empreinte d’émotion. Des adieux et pour la première fois une pointe de regrets concernant sa décision de ne pas se représenter à la présidentielle.
LE PRÉSIDENT IDRISS DÉBY ITNO EN APPELLE À UN
PARTENARIAT SINCÈRE ET LOYAL
Pour le Président en exercice de l’Union Africaine et non moins Président de la République du Tchad, SEM Idriss Deby Itno, la tenue de ce sommet à l’orée de l’année nouvelle était assurément pleine de promesses et porteuse d’espoirs. Au delà de la symbolique de l’agenda, il y avait bien évidemment la pertinence de la thématique des assises : ” partenariat, paix, Emergence ” qui résume leurs attentes. Car, l’Afrique est aujourd’hui engagée dans un multilatéralisme fécond, diversifié et assurément prometteur.
Dans la constellation des relations entre l’Afrique et le reste du monde, le partenariat avec la France occupe une place particulière. Le triptyque ”Partenariat – Paix – Emergence” n’est pas seulement dans l’aire du temps mais il est, également, en totale adéquation avec les préoccupations les plus légitimes. Car, constate-t-il la planète tout entière est aujourd’hui en pleine tourmente. Elle est en butte à une profonde crise économique et sécuritaire. Cette double crise affecte de manière prononcée les Etats africains et compromet dangereusement les projets et programmes de développement. Partout, les chantiers de la construction du grand projet rêvé pour l’Afrique subit les contrecoups du marasme mondial.
”La France, en tant que grande Nation, reçoit aussi, et parfois douloureusement, les fragmentations du désordre et des défis mondiaux. Nous sommes donc face aux mêmes adversités. Nous n’avons d’autres choix que d’unir nos forces”, a souligné le Président Idriss Deby Itno.
Ce partenariat, dira le président Itno, est notre atout majeur pour assurer la paix et la sécurité, non seulement au sein de leur ensemble mais également à l’échelle mondiale. C’est seulement à ce prix seulement que l’émergence du continent forgera son chemin vers la grandeur, pour le plus grand bien de nos peuples.
L’Afrique est aujourd’hui l’espace où la paix et la stabilité sont les plus fréquemment menacées. Il est indéniable de constater que le continent reste, en dépit de quelques éclaircies, un théâtre de crises et de conflits divers. Pour preuves, l’indescriptible situation en Libye, l’instabilité récurrente dans l’espace sahélo-saharien et dans la corne de l’Afrique ; la détresse humanitaire au Soudan du Sud, le cycle de violences et d’insécurité dans les pays des Grands Lacs et d’Afrique Centrale rappellent, sans cesse l’ampleur des défis à relever.
A ce tableau déjà sombre, s’ajoutent le terrorisme et la criminalité transfrontalière, les trafics humains, la piraterie maritime, le commerce de la drogue et autres stupéfiants, le commerce illicite des armes, les financements occultes des déviances idéologiques les plus criminelles, les plus sordides.
Tous ces vecteurs de la mort et de la désolation dont les premières victimes étaient les populations civiles, les femmes et les enfants en particulier, appellent une solidarité agissante, forte et constante. Face à ces défis, l’Union Africaine et ses communautés économiques régionales, s’efforcent d’apporter des réponses, a renchéri le Président Idriss Deby Itno.
Il a cité l’Architecture africaine de paix et de sécurité créée en Afrique pour la circonstance et qui ont pour noms : la Capacité Africaine de Réponse Immédiate aux Crises (CARIC) et le processus de Nouakchott sur la coopération en matière sécuritaire participative. Des dynamiques de recherche de la paix, de la sécurité et de la stabilité à l’échelle régionale et continentale.
Dans la lutte contre ces fléaux, le président en exercice de l’UA propose d’agir de manière urgente, coordonnée et concertée en vue de faire face à tous ces défis.
Le devoir de mutualisation des forces et de conjugaison des efforts en vue de contenir la poussée du terrorisme et du radicalisme s’impose à tous les segments de la communauté internationale. A cet égard, la France et l’Afrique qui partagent tant de profondeurs sont intensément interpelées à faire bloc et à fédérer leurs actions.
‘ ‘Notre grande ambition d’émergence mise en exergue dans l’agenda 2063 est centrée sur la transformation structurelle de nos économies. Aussi, nous faudra-t-il diversifier nos productions, accélérer notre industrialisation et renforcer nos mécanismes d’intégration. Le succès de telles politiques nous paraît être un levier crucial pour rendre notre continent attractif à tous égards aux investissements extérieurs. Ce faisant, nous aurons fait œuvre utile en créant les conditions d’une émergence, elle-même génératrice d’emplois pour les jeunes et les femmes”, a-t-il souligné.
L’Afrique doit offrir une image du continent qui fait rêver sa jeunesse et la dissuader de continuer à emprunter le train de la mort, à travers une migration humiliante, dangereuse, aux retombées chimériques.
Pour terminer, le Président Idriss Deby a insisté sur un nouveau partenariat entre l’Afrique et la France. Un partenariat sincère et loyal qui ne saurait se construire que dans le respect mutuel, la confiance réciproque, l’égalité, loin du double méfait du complexe d’infériorité et des velléités de domination.
La remise des prix aux lauréats des trois concours a mis fin à la cérémonie d’ouverture de ce sommet.
Source: Le Malien