Comment faire démissionner le président gambien d’ici jeudi 19 janvier ? Qui dirigera la commission de l’Union africaine à partir du 31 janvier ? Deux jours après le sommet Afrique France de Bamako, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
Beaucoup de chefs d’Etat africains auraient pu se dire : « Ce n’est pas la peine que je vienne puisque dans quatre mois François Hollande ne sera plus à l’Elysée ». Et pourtant un certain nombre de chefs d’Etat ont fait le déplacement. Comment expliquez-vous la bonne affluence à ce sommet ?
Abdoulaye Diop : Je crois que c’est plutôt le contraire. Beaucoup sont venus parce que d’abord, les Africains sont des gens pour lesquels la reconnaissance est une vertu cardinale, et qui pensent aussi que le président Hollande, tout en défendant l’intérêt de la France, a toujours eu un engagement avec eux dans le cadre d’un respect mutuel. Nous avons tous été impressionnés, par exemple d’entendre un des chefs d’Etat qui n’a pas toujours exprimé avoir une sympathie excessive pour la France, le président Mugabe, le doyen, qui a fait une déclaration qui a ému tout le monde.
Et quand le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a remercié François Hollande pour avoir mis fin à certaines pratiques entre la France et l’Afrique, et quand il a ajouté « Plaise à dieu que ces pratiques ne reviennent pas dans l’avenir ». C’était un avertissement peut-être à la droite, si jamais elle revient au pouvoir à Paris ?
C’est un souhait, un souhait et un vœu, qui est d’ailleurs partagé par tous les chefs d’Etat africains qui participaient au sommet. Ils souhaitent qu’on tourne la page de ce que certains ont appelé la « Françafrique » et qu’on ait des relations mûres, des relations empreintes vraiment de respect mutuel.
Donc c’était un message à François Fillon par exemple ?
Je ne pense pas que le président Ibrahim Boubacar Keïta soit ce type de personne qui va profiter de cette occasion pour passer ce type de message. Il a eu l’occasion naturellement d’échanger directement avec monsieur François Fillon, il a dû lui expliquer sa pensée.
Quand celui-ci est venu à Bamako le mois dernier, le 18 décembre 2016 ?
Absolument. Donc quel que soit le locataire de l’Elysée, les Africains souhaitent qu’il y ait vraiment des relations qui puissent respecter l’autre partenaire.
Le dossier le plus chaud de ce sommet, c’était bien sûr la Gambie. IBK a eu ce mot : Adama Barrow à Bamako, c’est une « reconnaissance de facto sinon de jure », du président élu. Ça y est, il est déjà le président de la Gambie ?
Il est le président élu et reconnu en tant que tel par la Cédéao [Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest], par l’Union africaine et par les Nations unies. Il y a déjà une dynamique et à compter du 19, il sera formellement reconnu comme étant le président de la République de Gambie.
Avec le risque de ne plus pouvoir rentrer chez lui d’ici le 19 janvier, d’être bloqué à l’extérieur et d’être un président reconnu sur la scène internationale, mais qui n’a aucun pouvoir réel sur son pays ?
Attendons d’arriver au 19. Rien ne dit que le président élu ne sera pas à Banjul le 19 pour prêter serment, conformément à la Constitution gambienne. Tout est mis en œuvre pour que sa prestation de serment puisse se faire.
D’ici jeudi 19, comment pensez-vous pouvoir convaincre Yahya Jammeh de céder le pouvoir ?
Les efforts sont toujours en cours. Toutes les bonnes volontés sont invitées aussi à pouvoir y contribuer.
Yahya Jammeh appartient aussi à la communauté diola. Est-ce que les chefs traditionnels de cette communauté peuvent aider ?
Toutes les bonnes volontés, qu’elles proviennent des communautés ethniques ou religieuses, en tout cas toutes les voix qui peuvent aider à une transition pacifique sont encouragées. Mais les chefs d’Etat demeurent déterminés à faire en sorte que la voix du peuple gambien soit respectée.
Et ce que cela veut dire que si, d’ici jeudi, rien ne se passe, l’option militaire sera à ce moment-là la plus probable ?
Elle n’est pas la plus souhaitée, mais elle n’est pas aussi hors de la table.
Dans quelques jours, vous allez élire la prochaine ou le prochain président de la Commission de l’Union africaine. Pour qui penche le Mali ?
Le Mali travaille dans le cadre de la Cédéao. Il y a des concertations en cours au niveau de la Cédéao pour soutenir le candidat ouest-africain en priorité.
Priorité au candidat ouest-africain dites-vous, au premier tour vous votez donc pour le Sénégalais Abdoulaye Bathily ?
Il y a une dynamique régionale dans laquelle le Mali se situe et le chef d’Etat Ibrahim Boubacar Keïta apprécie la situation à la lumière de cette dynamique régionale. Et en fonction de l’évolution, il s’agit de vote, le Mali reste solidaire de ce qui se décide au niveau de l’ensemble régional, mais aussi il reste ouvert à examiner la situation en fonction de la situation réelle au moment de ces votes-là.
Source: RFI