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Adama Barrow/Yahya Jammeh: la Gambie aura-t-elle deux présidents?

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Le président élu Adama Barrow prépare son investiture prévue le 19 janvier, alors que le président sortant Yahya Jammeh déclare l’état d’urgence.

Le compte à rebours a commencé en Gambie : l’opposant Adama Barrow, le vainqueur de l’élection présidentielle de décembre dernier, assure qu’il sera intronisé jeudi 19 janvier. Il pourrait prêter serment lors d’une cérémonie privée présidée par un juge en territoire gambien ou dans une ambassade de Gambie à l’étranger.

Son intronisation permettrait au futur président de demander l’aide, y compris militaire, des pays voisins de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), dont les chefs d’état-major se sont réunis à Abuja, le week-end dernier, pour discuter de la situation en Gambie. Un navire de guerre nigérian, le NSS Unity, a déjà appareillé pour les côtes sénégalaises et gambiennes, selon la presse nigériane.

« Il [Adama Barrow ; NDLR] sera reconnu comme le président légitime de la Gambie, ce qui n’est pas seulement symbolique, a déclaré à RFI le ministre nigérian des Affaires étrangères, Geoffrey Onyeama. Ce qui pourrait s’apparenter à de l’ingérence dans les affaires d’un autre pays ne le sera plus si un président légitime invite un autre pays à lui venir en aide. »

Adama Barrow, le nouveau président de Gambie, ici lors de la campagne pour l’élection présidentielle, fin novembre. © MARCO LONGARI / AFP

Des recours électoraux

Le président Yahya Jammeh, qui a déclaré mardi 17 janvier un « état d’urgence publique » de 90 jours, affirme vouloir rester au pouvoir tant que les tribunaux n’auront pas statué sur ses recours électoraux.

Le président au pouvoir depuis 22 ans a d’abord reconnu sa défaite avant de se rétracter et de demander à la Cour suprême de se prononcer sur d’éventuelles irrégularités.

« Je veux vous assurer que, quoi que nous fassions, nous nous appuierons sur la Constitution de la Gambie. Comme je vous l’ai dit, tout doit découler de la Constitution, l’autorité suprême », a déclaré Yahya Jammeh dimanche 15 janvier à la présidente Ellen Johnson Sirleaf du Liberia, une des médiatrices de la Cédéao (avec le président nigérian Muhammadu Buhari et l’ex-président ghanéen John Dramani Mahama).

Un entretien enregistré à l’insu de la présidente du Liberia

Dans cet entretien, enregistré et diffusé à la télévision gambienne à l’insu de la présidente Johnson Sirleaf, le chef d’Etat gambien a ajouté que la Cour suprême était « la seule entité légale autorisée » dans cette affaire.

Aucune audience n’a toutefois pu avoir lieu vu l’absence de magistrats. Et pour cause : bon nombre d’entre eux s’étaient récusés ou exilés, notamment au Sénégal. D’autres magistrats, nigérians et sierra-léonais, des « juges mercenaires » comme on les surnomme, qui siègent parfois en Gambie en vertu d’un accord de coopération judiciaire, ont déjà dit qu’ils ne feraient pas le déplacement.

Comme la Cédéao qui s’est dite prête à prendre « tous les moyens » pour faire reconnaître la victoire d’Adama Barrow, l’Union africaine a pris fait et cause pour le président élu, actuellement à Dakar. Des pays européens, notamment la France, lui ont aussi témoigné leur soutien. François Hollande l’a rencontré le week-end dernier à Bamako lors du sommet Afrique-France. « Le choix des électeurs gambiens doit être respecté », a asséné le président français. Dans ce dossier, les Etats-Unis n’excluent pas d’appuyer la Cédéao militairement, selon un porte-parole du département d’État, John Kirby.

Ainsi, l’Union africaine pourrait donner une légitimité internationale à une éventuelle intervention de la Cédéao. La Charte africaine de la démocratie de l’Union précise que le Conseil de paix et de sécurité peut sévir contre ceux qui font obstacle à « l’exercice légitime du pouvoir ».

Le président gambien Yahya Jammeh, lors d’une réunion avec une délégation de chefs d’Etat africains, en médiation sur la crise post-électorale gambienne, à Banjul, le 13 décembre 2016. © REUTERS/Stringer

L’opposition parle d’un régime à bout de souffle

De leurs côtés, les militants de l’opposition dépeignent un régime gambien à bout de souffle. Une demi-douzaine de ministres ont claqué la porte au cours des derniers jours et certains s’opposants s’interrogent sur la détermination des forces gambiennes à protéger le président de celui qui a fait de la Gambie une République islamique. « Je suis persuadé que l’armée est profondément divisée », a estimé Amadou Scattred Janneh, un ancien ministre gambien de l’Information, longtemps exilé aux Etats-Unis, actuellement à Dakar.

« Seule une poignée de soldats, de fidèles, défendront Yahya Jammeh à la vie à la mort », a ajouté Amadou Scattered Janneh, qui dirige la Coalition pour le changement réunissant des militants de la société civile tant dans la diaspora qu’en Gambie. Craignant des combats, des milliers de Gambiens ont déjà traversé la frontière avec le Sénégal, selon le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations unies.

Les tentatives de médiation de la Cédéao ont fait chou blanc jusqu’à maintenant. Trois personnalités de haut rang s’étaient pourtant rendues à Banjul à deux reprises : Muhammadu Buhari, le président du Nigeria (qui exerce la présidence tournante de la Cédéao), John Dramani Mahama, l’ex-président du Ghana, et la présidente du Liberia Ellen Johnson Sirleaf.

 

 

Source: RFI

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