Le drame qu’il y a à façonner les dictateurs, c’est qu’arrivés au sommet, se croyant tout permis, ils ne gouvernent plus, mais règnent sur le pays et les hommes. C’est exactement ce qui arrive aujourd’hui au Congo où Denis Sassou-Nguesso, sa modification constitutionnelle entérinée grâce en particulier au soutien explicite et inique de François Hollande, entend soumettre tous les principes à sa volonté. Certain de pouvoir annihiler toute velléité d’opposition, en recourant à ses sbires et ayant l’ensemble de la communauté internationale en poche, il n’entend donc plus attendre la fin de son actuel mandat pour s’offrir le troisième. Comme pour narguer davantage ses adversaires, il assure vouloir organiser les élections durant le premier trimestre de 2016, au lieu d’attendre en juillet, comme cela était prévu.
Avec cette posture martiale de Denis Sassou-Nguesso, on peut se risquer à prédire un futur sombre pour le Congo et les Congolais. Parce qu’en dépit de toute la volonté, ce n’est pas après 72 ans et un total cumulé de 31 ans au sommet de son pays que l’on peut réussir des miracles. Surtout si l’arrogance, l’adversité et la provocation sont les seules armes dont on se munie. Bien entendu, quand on a le contrôle de toutes les forces de répression, les chances de l’opposition ne sont pas particulièrement grandes. Mais la toute-puissance a son revers. Une gestion basée exclusivement sur la terreur ne peut enfanter le développement et la prospérité. Il ne peut en sortir que paupérisation, précarité, exacerbation des inégalités sociales, frustrations accumulées et crises récurrentes. Malgré toutes les richesses que revendique le Congo, c’est le destin lamentable qu’il peut espérer du projet de Denis Sassou Nguesso.
Reclus dans une sorte de bulle qui le prive du sens de la réalité, le président congolais est en proie à une mégalomanie qui l’amène à se penser comme un messie, sans lequel le Congo s’écroulerait. C’est l’état mental de tous ceux qui veulent demeurer présidents à vie. En plus, il s’efforce de démontrer qu’au-delà de son âge avancé, il est encore plein d’énergie. Mais il s’agit d’une mise en scène. Dès qu’il rempilera tout de suite, la réalité reprenant le dessus, la sénilité fera progressivement son œuvre. Petit à petit, il cessera d’être le véritable président du pays pour être le pantin que des collaborateurs peu scrupuleux exploiteront pour faire main basse sur les richesses du pays, et au détriment des populations dont le sort ne s’améliorera guère. La Guinée a déjà connu cette triste réalité avec Lansana Conté dont la maladie avait été mise à profit de manière éhontée par les clans opposés qui l’entouraient. Et c’est un peu ce à quoi l’Algérie est aujourd’hui confrontée avec Bouteflika qui fait davantage office de figurant symbolique, que de président ayant la plénitude de ses facultés mentales et physiques.
Tirant les leçons de ces exemples et se laissant tant soi peu inspirés par la belle histoire que les Burkinabè écrivent en ce moment, les Congolais ont encore la possibilité d’empêcher une si sombre perspective à leur pays. Mais il faut oser avouer que le prix à payer n’est pas mince. Il n’y qu’à voir ce que le Burundi vit aujourd’hui pour s’en convaincre. Mais quand on a le malheur d’avoir une dictature féroce et une communauté internationale qui se laisse acheter, on n’a pas trop le choix. Malheureusement !
Boubacar Sanso Barry
Source: Ledjely