Le laborieux et très chahuté processus électoral vient de s’achever au Niger avec la réélection de Mahamadou Issoufou, crédité du score invraisemblable de 92,4 % des suffrages. Un chiffre qui, à lui seul, suffit à refléter la régression que la démocratie nigérienne vient d’enregistrer avec ses élections. Arrivé en 2011 avec comme, entre autres missions, celle d’aider le pays à s’inscrire dans un processus politique susceptible de lui faire oublier les nombreux coups d’Etat qui ont jalonné l’histoire du pays, Mahamadou Issoufou s’est montré ces dernières semaines plus préoccupé par sa réélection que par tout le reste. Participant à l’instauration d’une psychose générale dans le pays, il a poussé la bassesse jusqu’à affronter un challenger en prison. Et maintenant que son objectif est atteint, il feint de se soucier de l’unité du pays en proposant à son opposition un partage du pouvoir. Une démarche hypocrite visiblement inspirée par les réserves émises par certains acteurs de la communauté internationale et qui, à terme, est porteuse de germes de couacs et d’autres crises politiques.
En Afrique, les leaders doivent enfin apprendre à se montrer conséquents et responsables. Dans nos pays, il n’existe aucune alternative viable à un processus électoral transparent, régulier et équitable. Pour des responsables comme Mahamadou Issoufou, le choix qu’il y avait à faire est donc simple. Soit on crée les conditions d’une compétition sereine et paisible, soit on se préoccupe uniquement de sa propre élection. Chacune de ces options débouchant sur des conséquences logiques, il faut ensuite assumer.
Malheureusement, le président réélu du Niger semble vouloir disposer du beurre et de l’argent du beurre. C’est ainsi qu’après s’être exclusivement dévoué à sa réélection, il veut maintenant éviter la pollution du climat politique. Ces deux impératifs sont inconciliables. Au risque d’avouer les faiblesses et insuffisances imputées à sa réélection, sa proposition de gouvernement d’union nationale n’a pas sa raison d’être. S’il est convaincu de la régularité du processus dont il est sorti vainqueur, il n’a pas à se préoccuper des jérémiades de ses adversaires.
D’autant que le schéma des gouvernements d’union nationale n’est pas le remède le mieux indiqué pour faire face aux conséquences d’une élection avec autant d’entorses que celle du Niger. Tout au contraire, les risques qu’un regroupement hasardeux de personnalités de sensibilités différentes et aux intérêts politiques divergents, débouche sur de nouveaux blocages sont encore plus grands. Le propre des gouvernements d’union nationale, c’est qu’ils sont suscités par la nécessité de satisfaire aux intérêts égoïstes de tous les camps politiques, avec l’espoir qu’en contrepartie, ces derniers s’affronteront moins et faciliteront de même un climat politique apaisé. Mais il est ici évident que les grands enjeux de développement du pays ne sont pas la priorité. Dans le cas du Niger, si l’idée que vient d’émettre Mahamadou Issoufou venait à se concrétiser, l’une des premières conséquences qui devraient en résulter, c’est que le président réélu devrait mettre de côté son programme de société.
Et c’est, entre autres, ce pourquoi il faut très vite oublier cette idée. Le président, au risque d’affronter l’hostilité de ses adversaires, devra composer son propre gouvernement. Ainsi, il sera le seul à répondre de son bilan, à la fin de son second mandat. Et si entre temps, le Niger renoue avec la crise, ce sera en raison des circonstances troubles de la réélection de Mahamadou Issoufou. Comme cela, en politique comme dans d’autres domaines, on ne récolte que ce que l’on a semé.
Boubacar Sanso Barry
Source: Ledjely