L’enquête sur l’assassinat de nos collègues de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon enlevés puis exécutés à Kidal au nord du Mali le 2 novembre 2013 est relancée par un reportage diffusé hier dans l’émission Envoyé spécial sur France 2. Ce reportage explore les liens entre l’assassinat de nos confrères et la libération, quelques jours avant, des otages français enlevés en 2010 au Niger et retenus dans le nord du Mali. Des liens que la justice doit explorer plus avant selon Danièle Gonod, présidente de l’association des amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon.
Des soupçons existaient déjà sur le lien entre les deux affaires, d’autant l’homme qui a revendiqué le double assassinat est le même que celui qui détenait les otages d’Arlit mais sur la base de plusieurs témoignages visibles dans le reportage, c’est désormais une piste sérieuse qui se dessine : les assassins de nos confrères pourraient avoir agi par vengeance après s’être sentis floués dans les négociations pour la libération des otages d’Arlit.
Autre révélation troublante : l’ordinateur personnel de Ghislaine Dupont aurait été espionné, puis piraté le jour du drame. RFI a interrogé Danièle Gonod, présidente de l’association des amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon après visionnage de l’enquête de nos confrères de France2. Elle souhaite que la justice explore ces nouveaux élements pour faire toute la lumière sur ce drame.
« Depuis trois ans que l’association existe la question que nous posons aux autorités françaises : Y-a-t-il un lien entre l’assassinat de nos amis et la libération des otages d’Arlit ? A chaque fois on nous a répondu qu’il n’y avait aucun lien ».
Or, selon Danièle Gonod, cette émission d’« Envoyé Spécial » lève le rideau sur le lien « qui nous paraît à nous évident entre cet assassinat et les problèmes de vengeance en rapport avec, soit le non-paiement d’une partie de la rançon promise par la France aux ravisseurs – les otages d’Arlit – soit éventuellement avec les accords qui n’ont pas été tenus. »
Et Danièle Gonod s’interroge. « Ce sont des journalistes qui se mettent à poser les vraies questions, alors que le dossier qui est au pôle antiterroriste n’a pas avancé d’un pas ! Il faut absolument que les témoins qui sont intervenus dans cette émission puissent être entendus par la justice. Le juge doit aussi être en contact avec les autorités juridiques du Mali ; et même s’il ne se rend pas à Kidal, le juge doit pouvoir se rendre sur place pour investiguer ».
Une « affaire d’Etat »
Tous les témoins doivent être entendus et tous les documents pertinents doivent être remis au juge d’instruction. La justice doit s’emparer de ces nouveaux élements et témoignages pour faire avancer l’enquête poursuit Danièle Gonod, selon laquelle la gestion de ce dossier est devenue une « affaire d’Etat ».
« On peut parler effectivement d’affaire d’Etat. Quand on voit la guerre qui s’est déroulée entre les services publics et les officines privées dans la libération des otages d’Arlit et les conséquences que ça a eu sur nos amis journalistes, nous sommes atterrés.
Nous souhaitons que les informations détenues par l’Etat, par le ministère de la Défense, puissent être divulguées à la justice française qui doit faire son travail avec les éléments nécessaires qui ne leur ont toujours pas été remis.
On peut toujours s’appuyer sur la raison d’Etat pour ne divulguer qu’une partie des documents classés « défense », mais il y a des constatations faites sur le terrain par les militaires. Il y a des rapports dont celui de la Minusma qui a été rédigé, qui n’a jamais été transmis à la justice française, alors que ce rapport existe.
Pourquoi les juges n’ont-ils pas accès à ce genre de documents ? Il est vraiment important que toute la clarté soit faite sur cette affaire. C’est une histoire de dignité, d’honneur pour nos amis qui avaient des valeurs.
Et nous aimerions que le président Hollande – qui s’est engagé auprès de la mère de Ghislaine Dupont, auprès de la mère de Claude Verlon, de sa fille, à faire toute la vérité – tienne sa parole ».
Source: RFI