Les événements à la fois malheureux et tragiques se succèdent au Mali comme si le sort s’acharnait contre ce pays. Suite à l’attentat qui a frappé le 18 janvier dernier le Camp de regroupement du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) à Gao, des prières ont été organisées dans les mosquées et les églises à l’appel des plus hautes autorités. L’opposition politique, la majorité présidentielle et certaines organisations de la société civile étaient le 21 janvier au monument de la paix pour un grand rassemblement citoyen contre le terrorisme. Si l’attentat de Gao est le plus meurtrier dans l’histoire du Mali, il faut reconnaître que la nation est en deuil permanent. Régulièrement, des militaires en mission tombent sur le champ d’honneur.
Des prières, des recueillements mais …. Il ne faut pas se voiler la face. Ce n’est pas trop affirmer que Dieu est fâché contre nous. Animistes, chrétiens, musulmans, nous sommes tous croyants. Là où règnent les injustices, les inégalités, les arbitraires, Dieu que nous adorons et implorons n’accordera pas sa grâce. Tous les livres saints ont mis en garde contre les ravages de l’injustice, des inégalités et des arbitraires.
Les injustices, les inégalités et les arbitraires l’élite politique ont fini par discréditer à jamais la gouvernance du pays. La méchanceté, l’égoïsme, la haine, la vengeance ont gagné les esprits et les cœurs. Dans ce pays, on n’a plus peur de verser les larmes des veuves et des orphelins. Les riches piétinent allégrement et délibérément les pauvres. Les puissants prennent du plaisir à écraser les faibles. Les gouvernants se soucient peu des gouvernés.
On a mis de côté la vérité pour s’accrocher au mensonge sans aucune crainte de Dieu que nous implorons. Aujourd’hui, nous fermons les yeux et bouchons les oreilles pour applaudir les mensonges les plus absurdes du monde. Nous sommes tous devenus des caméléons et changeons de couleur et de langage en fonction des circonstances et au gré des intérêts. Des voleurs crient aux voleurs ! Des destructeurs crient aux destructeurs ! Ceux qui ont mis ce pays à genoux se présentent en sauveurs !
Le Malien d’aujourd’hui se glorifie des pratiques détestables et bannies par le bambara de Ségou, le peulh du Macina, le soninké du Wagadu, le sonraï de l’empire Songhaï. Que vaut la parole d’honneur ? Que représente le bien commun ? Absolument rien !
Dans une interview accordée au journal français, Paris Match, juste après son dernier film « O Ka » (Notre maison), Souleymane Cissé qui a dénoncé les « magouilles des promoteurs corrompus et fonctionnaires véreux ». Il a dépeint la situation actuelle : ‘’Voyez le terrorisme dont vous me parliez, c’est un phénomène ponctuel qui nous tombe dessus. Personne bien sûr ne savait quand, ni où, il allait frapper, mais on sentait que cela allait se produire. Quel intellectuel au Mali peut-il dire qu’il ne l’a pas vu venir ? Aujourd’hui, chaque famille compte un terroriste « dormant » potentiel en son sein. C’est aussi la conséquence malheureuse de toutes ces injustices. Le sentiment d’injustice crée la frustration. Face à la violence, il faut lutter contre l’injustice’’.
Des prières, des recueillements, c’est bon ! Mais si nous changeons, c’est encore mieux.
Par Chiaka Doumbia
Source: Le Challenger