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«Migrance» : la solution malienne pour gérer la question migratoire

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«La situation au nord du Mali aurait dû inciter les Européens à interpréter l’immigration malienne et nigérienne et celle d’autres pays africains dans le même sens que l’immigration syrienne et irakienne. Nous sommes dans une situation de conflit et les Européens veulent distinguer les migrants économiques des réfugiés de guerre qui ont droit à l’asile. Nous refusons cette distinction entre migrants économiques et réfugiés politiques. Nous disons que nous sommes tous victimes de guerre, une guerre de convoitise de nos richesses. Je lance donc un appel à la paix et à la sérénité pour l’analyse de ce dossier». Cette déclaration a été faite par Aminata Dramane Traoré, ancien ministre de la Culture du Mali et tête de proue du mouvement altermondialiste, lors d’une conférence de presse qu’elle a animée le 21 décembre 2016. Objectif : publier les conclusions de l’édition 2016 de Migrance, l’espace de débats et d’échanges qu’elle organise tous les ans sur la question migratoire pour célébrer la journée internationale du Migrant.

En plus d’Aminata Dramane Traoré, cette conférence de presse a été co-animée par Taoufiq Ben Abdallah, membre du Forum social africain et Nathalie M’Dela-Mounier du Réseau Education Sans Frontière et du Mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples (MRAP).

«Migrance a été initiée en 2006 par le Forum pour un autre Mali (FORAM)», a rappelé Aminata Dramane Traoré. Avant d’ajouter qu’au cours de l’édition de cette année, un accent particulier a été mis sur les relations entre l’Europe et les pays africains, notamment en matière de migration. Mieux, selon elle, ce fut un fait de pur hasard que cette édition a coïncidé avec cette crise au niveau national de la signature ou de la non signature d’un accord de réadmission des migrants maliens entre le gouvernement du Mali et l’Union européenne. Par conséquence, elle a salué la participation de nombreuses personnalités politiques, de la société civile et des altermondialistes du Mali, d’Afrique et d’Europe.

Au cours de cette rencontre, les réflexions ont porté sur les rapports économiques, financiers, monétaires, entre l’Afrique et l’Europe. Il faut dire que tous ces rapports ont été analysés sous la loupe des lois européennes de gestion du phénomène migratoire. Pour Nathalie M’Dela Mounier, la politique française sur la migration est orientée par «la immigration choisie», qui voudrait que la France reçoive sur son territoire qui elle souhaite. Pour sa part, Taoufiq Ben Abdallah, a accusé les politiques néolibérales que la Banque Mondiale et les Etats occidentaux ont imposées au continent africain, d’être à l’origine de cette migration à grande échelle des bras valides du continent. Selon lui, les milliers de départs sont dus au «désert industriel» qu’ils ont créé sur le continent depuis 30 ans. «Le Mali, un pays producteur de coton, n’a même pas la capacité de transformer plus de 2% de sa production nationale. Toutes les usines ont été démantelées pour laisser la voie libre au débarquement des produits textiles chinois et européens», a-t-il dénoncé. Il a aussi pris l’exemple des conventions de pêche que l’Europe a imposées à certains Etats africains pour étayer son accusation. Selon lui, sur la base de ces conventions, les gros navires de pêche appauvrissement les fonds marins du continent et laissent les populations riveraines à leur triste sort. «Donc, ne soyez pas surpris qu’à défaut d’avoir du poisson à pêcher que les jeunes pêcheurs utilisent leurs pirogues pour acheter à crédit, pour tenter la traversée vers Las-Palmas», a-t-il indiqué.

Dans un rappel par rapport à l’accord de réadmission, il a rappelé qu’à la Valette, les Etats africains avaient résisté aux tentatives des Etats européens de leur imposer des procédures administres d’expulsions de leurs ressortissants. «Pour briser cette résistance, depuis le sommet de Valette, le ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas se balade de pays en pays, avec son chéquier pour faire signer des accords», a-t-il indiqué. Avant d’annoncer que le Niger et le Sénégal ont déjà signé. Après avoir indiqué que le ministre malien a déclaré qu’il n’a pas eu d’accord signé et qu’il n’en aura pas, même si l’Europe persiste pour dire qu’il y a eu un accord, Taoufiq Ben Abdallah dira qu’il est convaincu que sous la pression européenne, le Mali a laissé passer quelques éléments dans un communiqué conjoint, qui ne constitue pas en aucune manière un accord au sens du droit international. «Pour échapper à la pression, le Mali a accepté d’explorer des points, mais il n’y a pas eu d’accord», a-t-il déclaré. Cependant, tout comme Aminata Dramane Traoré, il dira que l’Europe n’a pas besoin d’un accord pour expulser des ressortissants africains sur son territoire. «Cela a déjà été fait à plusieurs reprises, sans accord», a-t-il indiqué. Mais, il a invité le gouvernement malien à ne jamais signer cet accord dangereux pour la sécurité, l’économie et l’avenir. «La mondialisation ne peut pas être une opportunité pour les uns et un désastre pour les autres. Une mondialisation doit être solidaire. Et, elle doit rimer avec mobilité», a-t-il conclu.

«Il n’y a pas d’accord possible entre Etats forts et Etats faibles»

Pour sa part, Aminata Dramane Traoré a estimé qu’il n’y a pas d’accord possible entre Etats forts et Etats faibles. Selon elle, en citant Samir Amine, «l’Europe veut l’Afrique sans les Africains». Pour Aminata Dramane Traoré, l’Afrique fait face à un impérialisme collectif où les Européens veulent distinguer les migrants économiques des migrants qui fuient la guerre. Or, il se trouve selon elle que l’Europe demande aux Etats africains d’ouvrir leurs frontières, leurs marchés, mais de garder les victimes de ses politiques injustes chez eux et lui permettre de chasser ceux qui sont déjà entrés en Europe. «Les Etats africains sont aujourd’hui victimes de pression diplomatique et de chantages au financement», a-t-elle déclaré. Aminata Dramane Traoré est d’accord qu’il y a une part de mauvaise gestion sur le continent. Mais elle pense que cela n’explique pas toutes les difficultés de l’Afrique. Excédée, Aminata Dramane Traoré a dit tout haut ce que bon nombre d’Africains pensent bas aujourd’hui dans la gestion des flux migratoires. «C’est un système raciste qu’on impose aux subsahariens à travers un traitement particulier», a-t-elle conclu.

Assane KONE

 

Source: Le Reporter

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