Le roi du Maroc, Mohammed VI, a fait un discours remarqué hier en clôture du 28e sommet de l’Union Africaine. Un discours pour célébrer le retour du royaume chérifien dans l’organisation mais aussi pour mettre en avant sa vision de l’Afrique. Comme le souligne Le Monde Afrique, Mohammed VI « n’a pas manqué de donner des accents panafricains à son intervention. “Il est temps que les richesses de l’Afrique profitent à l’Afrique“, a-t-il martelé, pointant la part de responsabilité du colonialisme dans les maux actuels du continent. “L’Afrique est aujourd’hui dirigée par une génération de leaders décomplexés (…) qui agissent avec détermination, fermeté et conviction, sans se soucier d’être notés ou évalués par l’Occident“, a-t-il expliqué, avant de tacler très directement les Etats-Unis et l’Europe ».
Commentaire enthousiaste du quotidien marocain Le Matin : « l’Union Africaine accueille aujourd’hui un membre de marque, un partenaire influent qui a son mot à dire et qui veut consolider l’action de la famille institutionnelle africaine en s’attaquant aux problèmes de développement et à ceux liés à la sécurité et la stabilité de l’Afrique. Le Maroc nourrit également une ambition de grandeur pour ce continent, poursuit Le Matin, tant meurtri par les guerres et les divisions, otage des pesanteurs mutilantes d’une vision réductrice de son potentiel pluriel et diversifié ».
Victoire ou humiliation ?
Pour Le Pays au Burkina, « le roi a fait preuve de réalisme. En effet, non seulement il tire leçon de la politique infructueuse de la chaise vide, mais il a aussi bien perçu le fait que le bras de fer avec l’UA à propos du Sahara Occidental, n’était pas forcément à son avantage. » Toutefois, poursuit le quotidien burkinabé, « la question que l’on peut se poser est de savoir si ce come-back du Maroc va renforcer l’UA. Rien n’est moins sûr, répond Le Pays, car au-delà des apparences, il pourrait continuer de se mener une sourde guerre à propos de la RASD. Si d’aucuns voient dans le retour du Maroc à l’UA une victoire diplomatique, pour d’autres, ce n’est ni moins ni plus qu’une humiliation infligée au pays de Mohammed VI qui, après 33 ans de vains combats, est contraint de s’asseoir autour de la même table que la “petite RASD“. C’est dire que les rivalités vont se maintenir voire se cristalliser avec les actes de défiance que peuvent se lancer les protagonistes de la crise au Sahara occidental et leurs alliés. C’est précisément en cela, conclut Le Pays, qu’il faut craindre que l’UA ne se transforme en une tribune d’expression des divergences entre nations maghrébines dont les intérêts viendraient à prendre en otage le bon fonctionnement de l’organisation continentale ».
Quid des réformes ?
Autre aspect de ce 28ème sommet de l’Union africaine : le débat sur la réforme de l’institution. « Au lendemain du sommet de Kigali, en juillet 2016, rappelle Ledjely.com, on avait cru qu’on s’acheminait enfin vers la mise en œuvre du projet de réforme de l’institution panafricaine. Les dirigeants du continent ayant à la faveur de ce sommet poussé la volonté politique jusqu’à confier au président rwandais la mission de faire des recommandations relative à cette réforme, on pensait le processus irrémédiablement enclenché. Mais on pourrait s’être bercé d’illusions. Comme c’est souvent le cas avec les dirigeants africains, soupire le site guinéen. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir la place congrue que le 28e sommet a accordée à ce dossier de restructuration de l’organisation continentale. L’élection de Moussa Faki Mahamat et le comeback du royaume chérifien ont outrancièrement occupé toute la rencontre. En ce qui concerne les recommandations de Paul Kagamé, le huis-clos du 29 janvier a reconnu la pertinence et le caractère innovant des propositions. Sans doute pour ne pas frustrer le président rwandais. Parce que pour le reste, ils ont laconiquement sollicité un temps supplémentaire de réflexion. Une manière subtile de ranger le dossier dans les tiroirs. »
Et pourtant, pointe Ledjely, « l’équipe du président Kagamé proposait des réformes particulièrement pertinentes : une meilleure clarification des rôles et responsabilités de la commission, des communautés régionales et des Etats membres ; l’érection du NEPAD en une agence de développement de l’UA ; le renforcement des compétences de la commission ; l’entrée en vigueur immédiate de la taxe Kaberuka ( 0,2 % sur les importations) ou encore la mise en œuvre de sanctions à l’encontre des pays qui ne paient pas leurs cotisations. Cette dernière recommandation et celle relative au renforcement des compétences de la commission étaient logiquement de nature à fâcher certains dirigeants, en retard dans les cotisations ou trop jaloux du diktat qu’ils exercent encore sur l’institution. Et c’est certainement ce pourquoi, conclut Ledjely, ils ont préféré zappé tout le dossier, en le renvoyant aux calendes grecques ».
Source: RFI