Installé à la magistrature suprême en septembre 2013, donc après trois et demi d’exercice du pouvoir, la réalité saute aux yeux que le président IBK a échoué sur toute la ligne, en calant à réaliser la moindre de ses promesses de campagne ; au-delà, même le minimum vital qui s’impose à tout président élu. En première ligne figure de ce fiasco l’élément fondamental qui avait fondé son élection, à savoir la gestion de la crise du nord. Ibrahim Boubacar Kéïta n’a pas connu meilleur sort en matière de lutte contre la corruption et la délinquance financière, de création d’emplois, de réalisation d’infrastructures, de bonne gouvernance, de gestion du front social et politique, du bien-être des populations etc… A tout cela s’ajoute le fait que le chef de l’Etat semble physiquement diminué pour assumer correctement ses missions. Moralité : le président Ibrahim Boubacar Kéïta doit humblement renoncer à briguer sa propre succession en 2018. Il sortirait alors par la grande porte, à l’image de ses homologues Hollande de France et Dos Santos d’Angola qui ont jeté l’éponge pour la prochaine élection présidentielle dans leur pays respectif.
Fiasco! C’est le mot le plus approprié pour qualifier le pourcentage de réussite d’IBK à la tête du Mali pour un délai consommé de 40 mois sur 60 de son premier mandat. En la matière, le prix se paie cash : la défaite consommée à l’élection suivante. Les exemples sont légion comme Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, Wade au Sénégal, Jammeh en Gambie. C’est pourquoi, les chefs d’Etat, conscients de n’avoir pas rempli leur mission, n’attendent plus le verdict du peuple. Il renonce à postuler à leur propre succession (nous y reviendrons plus bas). Alors, IBK va-t-il suivre leurs traces ? La majorité des Maliens le pense et y croit, au vu des preuves palpables et irréfutables qui existent pour étayer l’échec d’IBK.
Retour en arrière de trois ans : pendant la campagne à l’élection présidentielle de 2013, Ibrahim Boubacar Kéïta, alors candidat du Rpm a promis aux Maliens l’eldorado dans son projet présidentiel « Le Mali d’abord » et avec son slogan «Pour l’honneur du Mali-Pour le bonheur des Maliens ». En bon harangueur de foule, il a touché les sentiments des Maliens parmi lesquels beaucoup avaient un faible pour son passage remarqué à la Primature entre 1994 et 2000. En effet, avec une dose dictatoriale, l’homme avait réussi à calmer les fronts social, estudiantin, syndical et politique qui avaient fait tomber deux Premiers ministres en moins de deux ans. Il était alors, pour les Maliens et même la communauté internationale, l’homme qu’il faut pour mâter la rébellion et ramener la paix. Si l’on y ajoute le paradis promis, ses concitoyens l’ont plébiscité avec plus de 77% au second tour au détriment de Soumaïla Cissé.
En cette nouvelle année 2017, les Maliens disent très haut qu’IBK les a trahis, à défaut d’avoir abusé de leur confiance, parce qu’il n’a réalisé aucune promesse tenue en 2013.
Qu’avait-il promis au juste ? De ramener la paix et la sécurité dans le nord du pays, d’engager une lutte implacable contre la corruption et la délinquance financière; de créer 200 000 emplois pour les jeunes diplômés ; de construire des infrastructures routières ; et d’améliorer les conditions de vie des Maliens. Textuellement, il écrit dans « Le Mali d’abord » : « Pour l’honneur du Mali, je ramènerai la paix et la sécurité. Pour l’honneur du Mali, je veux construire une République exemplaire. Je rétablirai l’autorité de l’Etat. Je lutterai férocement contre la corruption. Je ferai émerger une société nouvelle fondée sur la justice et l’égalité des chances. Je créerai les conditions du vrai décollage économique du Mali ». Un discours qui rattrape aujourd’hui son auteur, la réalité s’étant avérée tout autre à mi-parcours du mandat. Et pour cause, la paix et la sécurité promises sont loin d’être concrétisées, l’insécurité ayant atteint son paroxysme sous le règne d’IBK ; la République exemplaire n’est qu’un mirage ; la mauvaise gouvernance érigée en système de gestion des affaires publiques contredit la lutte contre la corruption ; à la place de l’égalité des chances, il y a la famille, le clan, les amis et les affidés d’une part et les autres Maliens de l’autre. Quant à l’amélioration des conditions de vie et du quotidien des Maliens à travers un véritable décollage économique du Mali, cette promesse est toujours au point mort. Rien n’est entrepris pour soulager les Maliens de la misère…
L’hygiène, l’assainissement, les infrastructures sont autant d’autres domaines dans lesquels la déception est grande chez les Maliens qui se rendent à l’évidence de la rupture entre le discours de 2013 et la réalité de 2017.
Le peuple découvre aujourd’hui un régime corrompu avec des scandales à gogo, des voyages princiers à l’étranger, une méthode de gouvernance népotique qui paralyse le fonctionnement de l’Administration, asphyxie l’économie et ternit l’image du Mali, une insécurité sans précédent et l’éloignement de tout espoir de paix.
Que commande donc le bon sens au président élu avec plus de 77% des suffrages ? Ni plus, ni moins, que de s’abstenir de solliciter le suffrage des mêmes électeurs.
Pour mieux étayer cette conviction, l’on devrait insister particulièrement sur la résolution de la crise du nord qui fut le principal facteur qui a impulsé la fièvre IBK en juillet et août 2013.
Depuis l’arrivée du président Ibrahim Boubacar Kéïta à la tête du Mali, le pays est devenu un véritable sanctuaire mortuaire où le bourreau peut surgir à tout moment. L’insécurité n’est plus désormais la seule affaire du septentrion. La situation sécuritaire est devenue préoccupante du nord au sud.
Pourtant dans son projet de société, IBK propose d’apporter une solution définitive aux problèmes du nord, de réconcilier les Maliens et de rétablir durablement la paix et la souveraineté. Ses arguments : « depuis plusieurs années, le Mali a démantelé son système de défense avec pour conséquence le délaissement progressif d’une partie du territoire. La zone nord a été depuis plusieurs années administrée par les réseaux de trafiquants, notamment narcotrafiquants. Depuis l’intervention des armées étrangères, l’unification fragile du territoire est en marche, mais l’aide indispensable de la Mission des Nations Unies au Mali (Minusma), n’est pas destinée à s’installer durablement au Mali. Aujourd’hui, le départ des troupes étrangères aussi bien de l’Irak que l’Afghanistan, posent problèmes. Notre souveraineté dépendra de notre capacité à apporter une solution définitive aux problèmes du Nord, à anticiper nos besoins futurs nécessaires à notre souveraineté durable, mais également à prévenir d’éventuelles nouvelles sources d’instabilité pouvant venir d’ailleurs ». Echec radical.
Echec d’IBK aussi en matière de renforcement des capacités de l’armée, pour, dit-il, assurer efficacement la défense du territoire national et de la population ; réussir les missions de sécurité publique ; performer dans les opérations militaires spéciales ; garantir la sécurité des personnes et des biens ; protéger la population contre les risques ou fléaux de toute nature et contre les conséquences d’un conflit éventuel.
Autre échec patent d’Ibrahim Boubacar Kéïta, c’est la lutte contre la corruption et la délinquance financière. En 2014, l’homme avait pompeusement décrété que «Nul ne s’enrichira plus illégalement et impunément sous notre mandat, Inch ‘Allah». Mais, de cette date à nos jours, la corruption et les détournements des deniers publics n’ont jamais atteint un tel seuil. Avec un avion présidentiel acheté à 21 milliards de FCFA ; entre 28 et 38 milliards de FCFA détournés dans un contrat d’armement militaire conclu 108 milliards avec l’avenant ; des irrégularités financières totalisant la somme de 72,88 milliards de FCFA dont 33,86 milliards de FCFA au titre de la fraude (soit 46,46% du montant total) et 39,02 milliards de FCFA au titre de la mauvaise gestion dans le rapport 2014 du Bureau du Vérificateur général.
Un dernier échec et pas le moindre : la gestion du front social (toujours dans la zone de turbulence) et l’amélioration des conditions de vie des Maliens (qui cherchent perpétuellement à joindre les deux bouts).
Au vu de ce chapelet d’échecs qui couronne un mandat mené de bout en bout (on ne voit pas comment la donne pourrait être renversée d’ici 2018), le président Ibrahim Boubacar Kéïta doit renoncer à un second mandat constitutionnel. Il imiterait en cela son ami et idole François Hollande ainsi que son homologue angolais José Edouardo Dos Santos. L’un reconnait avoir échoué au cours de son premier mandat et l’autre est sans doute guidé par des soucis de santé.
Les Maliens attendent avec impatience ce que IBK va décider. Se retirer ou…
CH Sylla
Source: L’Aube