C’était il y a un peu moins d’un an. Hugo Broos, qui restait sur deux passages compliqués en Algérie (JS Kabylie et NA Hussein Dhey), dans deux clubs où rien ne peut être simple, n’avait pas encore posé le pied à Yaoundé que les premières critiques fusaient.
Le Belge, pourtant habitué à la pression – il a joué puis entraîné à Anderlecht et au FC Bruges, deux des meilleurs clubs belges – a vite découvert le poids du passé, l’omniprésence de quelques glorieux anciens et l’objectivité toute relative d’une partie de la presse camerounaise.
Aujourd’hui, le Flamand est considéré comme un héros qui a permis aux Lions Indomptables de revenir au pays avec une CAN qui lui échappait depuis 2002. « Il a soixante-quatre ans, il a vécu, il a donc de l’expérience. Il savait qu’au Cameroun, ce ne serait pas facile, mais il a maintenu le cap et appliqué ses idées. C’est un gros bosseur », résume Jacky Munaron, l’entraîneur des gardiens de Mouscron (Belgique).
Broos et la cohésion d’un groupe
Cet ancien gardien international belge (8 sélections entre 1982 et 1986), qui fût le co-équipier de Broos à Anderlecht avant d’être son adjoint, à Anderlecht puis à Trabzonspor (Turquie), connaît sur le bout des doigts le nouveau champion d’Afrique et sa méthode de travail.
« Joueur, il s’intéressait beaucoup à l’aspect tactique du jeu. Broos, c’est un gros palmarès en Belgique. Il était très professionnel, très rigoureux, et quand il est devenu entraîneur (1988), il a conservé cette ligne de conduite. Il sait gérer une équipe. On peut discuter avec lui, mais quand il a une idée en tête, il va au bout. »
Au Cameroun, Broos a passé sa première année à remodeler sa sélection en imposant ses choix ou en composant avec les aléas de dernière minute, comme par exemple les défections de huit joueurs au moins de décembre. « Il a fait des choix en ne retenant pas certains cadres [Kameni, Mbia, Bedimo, Chedjou, ndlr] et avec les défections annoncées juste avant la CAN, je ne pensais vraiment pas que le Cameroun irait si loin et remporterait ce titre », reconnaît Patrick Mboma, l’ancien buteur des Lions (56 sélections, 33 buts et double vainqueur de la CAN (2000 et 2002).
« Il n’a pas emmené une équipe bis au Gabon, car il y a de bons joueurs, même si certains sont méconnus. Je voyais cette CAN comme une première étape pour une sélection en construction, en vue de la Coupe du Monde 2018 et de la CAN 2019, que le Cameroun organisera. Broos a été efficace dans son action, simple dans ses propos. Il a fait en sorte que cette équipe soit solidaire, unie. »
« Un excellent état d’esprit »
Depuis la Belgique, Munaron a assisté à la montée en puissance du Cameroun au fil des rencontres. « Hugo Broos a joué et entraîné dans des grands clubs belges, où on ne peut pas se permettre de jouer défensivement. Avec les Lions, il a tenu compte des caractéristiques de son équipe, mais on a vu que c’est une équipe qui sait aussi marquer. C’est un entraîneur qui sait souder un groupe. Il a fait confiance à de jeunes joueurs, et ils lui ont rendu cette confiance sur le terrain », explique-t-il.
« Notre force, c’est la cohésion, la solidarité. Le coach a su imposer ses méthodes sans faire preuve d’autoritarisme, en nous faisant comprendre que la discipline était essentielle et qu’elle nous serait profitable. On ne pensait pas faire ce parcours. Mais quand on parvient à éliminer le Gabon et des favoris comme le Sénégal (0-0, 5-4 aux tirs au but) et le Ghana (2-0), cela renforce encore plus la cohésion », souligne le défenseur Adolphe Teikeu (FC Sochaux), qui s’est blessé lors de la finale.
« Quand c’était compliqué, comme face à la Guinée-Bissau au premier tour (2-1), alors que nous étions menés à la mi-temps, ou face au Sénégal en quart de finale, M. Broos a su trouver les mots, nous booster. »
Patrick Mboma, qui était présent au Gabon en tant que consultant pour Canal+ Afrique, a pu se faire une idée assez précise de l’état d’esprit régnant dans la tanière, assez éloigné des crispations des années précédents. « D’après mes discussions avec certains joueurs ou les témoignages que j’ai pu recueillir, il régnait vraiment un excellent état d’esprit. Tout le monde a joué le jeu », reprend Patrick Mboma.
« Même des anciens comme Vincent Aboubakar ou Nicolas Nkoulou [deux des huit rescapés de la CAN 2015 avec Ondoa, Njie, Oyongo, Mandjeck, Salli et Moukandjo, ndlr] qui pensaient être titulaires, ne l’étaient pas. Et la dramaturgie a voulu que ce soit eux qui marquent les deux buts en finale…