Jeudi 9 février, la Haute cour de Nairobi, saisie par deux ONG, a déclaré « nulle et non avenue » la décision prise par le gouvernement Kényan de fermer le camp de Dadaab d’ici mai 2017. Ils abritent aujourd’hui plus de 250 000 réfugiés, majoritairement des Somaliens ayant fui la guerre civile. La décision a été saluée par les organisations de défense des droits humains. Le gouvernement, lui, a annoncé vouloir faire appel.
Le gouvernement kényan a une nouvelle fois soulevé l’argument sécuritaire. Dans un communiqué publié jeudi soir, son porte-parole écrit que Dadaab « a perdu sa vocation humanitaire, et est devenu un lieu de terrorisme et d’activités criminelles ».
Depuis l’attentat contre le centre commercial Westgate en 2013, les autorités présentent le camp comme une base arrière des shebabs. Sa fermeture devait être un outil de campagne pour Uhuru Kenyatta, en vue de l’élection présidentielle d’août prochain.
Mais le projet, un temps populaire, est devenu une épine dans le pied des autorités. En cause, les nombreuses ONG internationales qui ont dénoncé des retours forcés vers la Somalie, mais aussi le défi logistique. Dadaab est une véritable ville, avec ses commerces, et ses écoles.
En novembre dernier, il a fallu repousser la date de fermeture. Pourtant, près de 26 000 réfugiés étaient déjà rentrés en Somalie depuis le début de l’année 2016, dans le cadre d’un accord tripartite entre le Kenya, la Somalie et le HCR.
Aujourd’hui la question de l’avenir de cet accord se pose. Tout comme celui du camp. Selon une chercheuse kényane, cette décision « va forcer le gouvernement à travailler à une meilleure réinstallation des réfugiés… »
Les ONG saluent la décision de la cour
Mais la volonté des autorités de faire appel n’étonne pas Catherine Hamon Sharpe, responsable du Haut-commissariat aux réfugiés à Nairobi. « C’est une bonne chose que la cour réaffirme des principes fondamentaux en matière de protection internationale. Notamment le principe de non-refoulement. Le droit aux réfugiés de décider de rentrer en Somalie quand ils font ce choix. Et les obligations internationales de l’Etat kényan en matière de protection. Donc sur ce plan-là, c’est une bonne chose que le pouvoir judiciaire réaffirme ces principes. C’est une évidence que le gouvernement allait faire appel, puisque le président a toujours exprimé sa volonté d’en finir avec Dadaab. »
Quant à l’argument sécuritaire avancé par le gouvernement, il ne tient pas la route, selon Muthoni Wanyeki, directrice régionale d’Amnesty Internationale en Afrique de l’Est. « Comme l’a dit la Haute cour, cibler les réfugiés dans leur ensemble serait discriminatoire. Les délits sont commis par des individus ou par des bandes armées. On ne peut pas dire qu’une population entière, de gens désespérés qui plus est, sont susceptibles de sombrer dans la criminalité uniquement parce que les shebabs ont pris racine dans leur pays d’origine. Les études montrent que beaucoup de combattants des shebabs ne sont même pas somaliens mais… kényans ! »
Mais la décision de la cour est remarquable aussi parce que c’est la preuve que la justice n’est pas à la botte du gouvernement, souligne Muthoni Wanyeki « Les arguments du gouvernement n’ont pas de sens. Donc, il faut se réjouir du jugement de la Haute cour parce que, vu la situation en Somalie, personne n’a très envie d’y retourner, mais aussi parce que le tribunal a fait le boulot, fait preuve d’indépendance et a rappelé à l’État qu’il doit se conformer aux dispositions de la Constitution. »
Source: RFI