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Nord du Mali : Les autorités intérimaires, contre vents et marées

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Ça repart! La mise en place controversée des autorités intérimaires. Ainsi en a décidé le gouvernement et les autres acteurs du processus d’Alger, lors de la 2è réunion du Comité de suivi de l’accord pour la pax et la réconciliation, tenue le vendredi 10 février dernier. Ils ont convenu d’un calendrier, selon lequel ces fameuses autorités intérimaires seront installées, cette semaine, à Tombouctou et Gao. Mais à Gao, la société civile a déjà fait savoir qu’elle s’y opposerait. Réveille des démons ? Le pire est à craindre. Plus que jamais, la grande majorité des Maliens mettent en cause la nécessité de ces autorités intérimaires qui consacreraient de facto la partition du pays. De fait, qu’est-ce que ces autorités vont changer ? Où se situent les inquiétudes des populations du Nord ? Réponses.

Les parties prenantes à l’accord d’Alger ont décidé d’« insuffler une nouvelle dynamique au processus de paix », en adoptant un nouveau calendrier pour l’installation des autorités intérimaires qui doivent être installées cette semaine (13 au 20 février) à Tombouctou et Gao. Depuis, le sujet est de nouveau au centre des débats. Faut-il le rappeler, c’est le vendredi 14 octobre 2016 que le gouvernement, en conseil de ministres extraordinaire, a adopté des projets de décret portant nomination des membres de l’autorité intérimaire des régions de Tombouctou, de Gao et de Kidal et du Collège transitoire des régions de Taoudéni et de Ménaka. Des listes ont été ainsi proposées par les trois parties (gouvernement, Plateforme et la CMA) conformément à une entente signée le 19 juin 2016. Cette entente prévoit aussi des collèges transitoires dans les régions de Taoudénit et Ménaka ainsi que la nomination de conseillers spéciaux auprès des représentants de l’Etat dans la région.

Les collèges transitoires concernent les deux nouvelles régions, Taoudéni et Ménaka, pour la simple raison que dans ces nouvelles circonscriptions il n’existe pas encore de collectivités de la région appelées « conseil régional ». Ainsi, les membres des collèges transitoires au niveau des régions de Taoudéni et de Ménaka auront les mêmes compétences que le conseil régional dans les régions du sud. Les autorités intérimaires concernent trois collectivités de région, à savoir Tombouctou, Gao et Kidal. En terme clair, à travers ces décrets, le gouvernement doit remplacer le conseil régional de ces trois régions par des autorités intérimaires désignées en accord avec les ex-rebelles et la société civile.

Pour le gouvernement, la mise en place des autorités intérimaires et des collèges transitoires contribuera au renforcement des services sociaux de base dans les régions concernées. Elle contribuera également à la préparation du retour, de la réinstallation et de la réinsertion des réfugiés et des populations déplacées.

Colère contre les autorités…

Des arguments qui n’ont pas convaincu les Maliens, principalement au Nord. Et ils l’on exprimé, avec véhémence. Le mardi 12 juillet, les jeunes de Gao ont investi les rues de la Cité des Askia. La suite ? Un bain de sang. En effet, les forces de sécurité maliennes ont réprimé dans le sang cette marche pacifique de la jeunesse de Gao. Le bilan est très lourd : plus de 6 morts ; des dizaines de blessés et plusieurs marcheurs interpellés (puis libérés plus tard sous la pression). Bavure, dérapage, incompétence sécuritaire… autant de qualificatifs ont été donné à cet acte ignoble qui finalement engendré une levée de boucliers des populations maliennes, toutes solidaires envers les jeunes de Gao.

Pourquoi ôter tant de vies pour une revendication aussi légitime  que le rejet des autorités intérimaires par une jeunesse qui veut juste rester dans le giron de la République ? S’interrogeaient les Maliens.

La vague de sympathie, de solidarité et de soutien envers la jeunesse de la Cité des Askia embrase tout le pays.

Ainsi, Tombouctou aussi s’est opposé.  Voyant en l’installation des autorités intérimaires, « un pas de plus vers la participation du Mali », les jeunes patriotes de la ville des 333 Saints sont sortis massivement, le jeudi 14 juillet 2016, pour soutenir l’action patriotique des jeunes de Gao.

Tout comme Tombouctou, la jeunesse de Bamako et de Kati ont marché. D’autres associations, à l’image de Méritocratie Malienne, ont soutenu Gao dans son combat pour rester dans le Mali.

A l’extérieur, la diaspora malienne n’est pas restée en marge. Ils ont crié leur désarroi sous les fenêtres du Consulat du Mali à Paris pour apporter leur soutien à leurs compatriotes restés au pays.

Ces actions concrètes ont accompagné les communiqués de condamnations politiques et de la société civile. En effet, l’Opposition républicaine et démocratique avait « apporté son soutien total à la jeunesse de Gao et tient le gouvernement seul responsable des morts et des blessés de ce 12 juillet ». Car, pour l’opposition, c’est bien l’aveuglement, l’entêtement et l’autisme du gouvernement qui sont à l’origine de la tension et des morts de Gao.

« Le passage en force de la loi sur les autorités intérimaires, la violation de la constitution et le piétinement par le gouvernement de la loi à peine votée, la gestion chaotique de la crise du Nord  ont provoqué l’indignation et la colère, légitimes, du peuple malien en général, des populations de Gao en particulier. La flambée de violence de ce 12 juillet, la montée de la tension à Kidal, l’insécurité rampante en 5ème région, la multiplication des attaques djihadistes contre les FAMAS et les populations civiles sont des signes patents des dangers qui guettent notre Nation, et nos autorités semblent être les seules à ne pas percevoir leur gravité », a prévenu l’Opposition.

Le Bureau Politique National de la CNAS-Faso Hèrè (Convention Nationale pour une Afrique Solidaire) a aussi exprimé sa vive consternation devant les graves évènements survenus à Gao. Tout en rappelant que l’état d’urgence n’implique pas ipso facto l’interdiction de toute manifestation publique, la CNAS-Faso Hèrè a exigé qu’une enquête indépendante soit diligentée pour situer les responsabilités et punir les auteurs de la tuerie.

D’autres structures et associations ont condamné soit la marche ou la répression de la marche. Il s’agit de l’Amdh, de la Plateforme, du Conseil national des jeunes. À ceux-ci, il faut ajouter de nombreux Maliens qui ont marqué leur indignation via les réseaux sociaux.

Gao s’oppose toujours !

À l’appel du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) qui se réclamait de la CMA, les populations des régions de Ménaka et Taoudéni ont aussi manifesté, le 31 novembre 2016. «Non aux autorités intérimaires exclusives. Non aux décrets du 14 octobre 2016 sur les autorités intérimaires. Oui à l’inclusivité. Oui à l’accord d’Alger et au règlement pacifique de la situation à Kidal », étaient les slogans visibles sur les banderoles des manifestants.

Un jour avant, dans une déclaration, les responsables du MSA rejetaient « de façon catégorique et sans appel les autorités intérimaires».

Pour de nombreux Maliens, ces autorités sont la résultante de l’Accord de capitulation que le gouvernement a signé avec les rebelles. L’inacceptable pour eux, c’est que l’Accord signé sans l’implication des autres régions voudrait s’appliquer à toutes. « Comme c’est un gouvernement qui cède tout à ceux qui ont pris les armes contre la République, il va élaborer un projet de loi qui leur fait la part belle pour l’installation des autorités intérimaires. Ainsi, pour une commune de 17 conseillers, le gouvernement en désigne 5, la CMA 5, la Plateforme 5 et les autorités coutumières 2 », affirmait Djiguiba Keïta dit PPR dans une interview publiée dans nos colonnes.

Pour qu’une commune soit dotée d’autorités intérimaires, il faut le constat de carence de fonctionnement du représentant de l’Etat. Mais, dans la pratique, le gouvernement va plus loin. Il systématise : toutes les communes de toutes les régions du Nord du pays vont être dotées de ces fameuses autorités intérimaires.

Aujourd’hui encore, les populations ne sont toujours pas prêtes à se laisser faire. À Gao, la société civile a déjà fait savoir qu’elle s’opposerait à l’installation de ces nouvelles autorités.

« Les autorités intérimaires sont censées être là où il n’y a pas d’Etat », clame Ibrahim Abdoulaye Cissé, président de la Commission de travail pour la volonté de Gao. « Ici nous avons l’Etat, nous avons même voté lors des élections communales, poursuit-il. Alors pourquoi nous imposerait-on des groupes armés pour nous diriger ? ». Ce qui dérange ces jeunes issus de la société civile, c’est la personnalité même des futures autorités intérimaires. A Gao, c’est la Plateforme qui va diriger la région jusqu’à l’organisation d’élections, ce que refusent les jeunes. Ibrahim Abdoulaye Cissé pointe du doigt les conflits incessants entre les différentes factions de ces groupes armés.

Au-delà, des Maliens, au Sud du pays, estiment que la résistance à cette loi est  un devoir pour tout patriote, tant l’injustice qu’elle crée, la place exorbitante qu’elle donne aux rebelles de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) est inacceptable.

IBD

 

Source: L’Aube

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