• L’installation du président de l’autorité intérimaire annulée à Kidal • Marche pacifique à Tombouctou • Des groupes armés protestent contre leur « exclusion »
Prévue le samedi 18 février 2017, l’installation du président de l’autorité intérimaire a été annulée à la dernière minute suite au refus de la CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad) de voir siéger Sidi Mohamed Ag Ichrach, un proche de la Plateforme, au Gouvernorat de la région de Kidal. Le même jour a eu lieu à Tombouctou, une marche pacifique de la société civile pour dénoncer le mode de désignation des autorités intérimaires. L’installation de ces autorités intérimaires décidée lors de la dernière réunion de haut niveau du Comité de Suivi de l’Accord, le 10 février 2017 est contestée par les associations de la société civile des régions du Nord et les mouvements politico-armés qui continuent de dénoncer le « caractère non inclusif» de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger signé il y a de cela plus d’une année et demie entre le gouvernement malien et les groupes séparatistes du Nord.
L’installation des autorités intérimaires prévue par l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali fait grincer des dents. Elle est encore contestée par la société civile et des mouvements armés du Nord.
A Kidal, Hassan Ag Fagaga, le président de l’autorité intérimaire n’a pu être installé le samedi dernier, jour prévu pour son investiture. La CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad) qui occupe la ville, refuse l’installation du président de l’autorité intérimaire au motif que le gouvernement a nommé, lors d’un conseil des ministres extraordinaire le vendredi soir, un nouveau gouverneur : Sidi Mohamed Ag Ichrach. Ce dernier serait un proche de la Plateforme, selon la CMA.
Le même jour, à l’appel de la société civile de Tombouctou, une marche pacifique a réuni des centaines de personnes dans les rues de la ville sainte. L’objectif des manifestants était de contester le mode de désignation des autorités intérimaires devant siéger dans les régions du Nord du Mali. De la place Sankoré, les manifestants se sont rendus au gouvernorat de la ville en passant par foire yobou. Dans leur déclaration remise aux autorités de la ville, le Collectif des Organisations de la société civile appelle le gouvernement à abroger les décisions prises dans la désignation des autorités intérimaire « dans le souci de préserver la paix et de favoriser la réconciliation nationale ». « Les nominations faites par le gouvernement relatives à la conduite de la période intérimaire sont non-inclusives et de nature à fragiliser la cohésion sociale tant prônée. Les dites nominations n’ont fait l’objet d’aucune discussion préalable à la base et n’ont pas requis le consensus. La concertation reste un facteur déterminant de la mise en œuvre de l’Accord… », explique, dans leur déclaration, les manifestants.
« L’inclusivité, la seule condition d’une paix durable »
La société civile de Gao aussi conteste le choix de vouloir installer des autorités intérimaires dans les régions de Tombouctou et de Gao à deux mois des élections régionales. L’Association Gao Lama s’interroge du « bien fondé d’un tel accord concocté par la médiation internationale au profit des éléments de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) consacrant de fait la partition du pays». « Pourquoi mettre des autorités intérimaires à Gao et Tombouctou à deux mois des élections régionales ? Pourquoi autant de mépris pour les populations qui représentent plus de quatre vingt dix pour cent des régions de Gao et Tombouctou pourtant dédiées à la cause du Mali ? », s’interroge Abdel Kader Maïga, le secrétaire général du bureau international de Gao Lama international. « Il faut s’attendre à des mouvements. Nous sommes contre l’installation des autorités intérimaires », indique, contacté par le Républicain, Abdel Kader Maïga, le secrétaire général du bureau international de Gao Lama international qui demande de « complètement laisser tomber cet accord ». « On est en train d’aller à la Conférence d’entente nationale. Il faut profiter de la conférence pour réécrire l’accord dans son intégralité. C’est la seule solution définitive et pérenne. Sinon tout le reste n’est que des subterfuges pour arriver à des intérêts individuels et partisans », poursuit Abdel Kader Maïga.
Quatre mouvements armés, la Coalition des Peuples de l’Azawad(CPA), le MSA, la Coordination des mouvements des forces patriotiques et de résistance n°2 (CMFPR2), le Congrès pour la Justice dans l’Azawad(CJA) dirigé par Hama Ag Mahmoud, ont, ensemble, exprimé « leur désapprobation totale avec les décisions issues du CSA du 10 février 2017 ». Selon eux, les autorités intérimaires, telles que conçues par le protocole d’entente du 20 juin 2016, sont devenues caduques du fait de la tenue des élections communales. Dans un communiqué commun, ils mettent « en garde contre toute tentative de vouloir imposer des personnes nommées aux côtés de personnalités élues par leurs concitoyens de façon libre et démocratique », et « s’engagent à tout mettre en œuvre pour empêcher la réalisation dans leurs régions de toutes décisions unilatérales qui contrediraient les intérêts des communautés dont ils sont issus ».
Quand à la Coalition des Peuples de l’Azawad(CJA) dirigée par Azarock Ag Inaborchj, cela ne fait aucun doute : « l’inclusivité est la seule condition à une paix durable ». Face à la presse, le samedi dernier à Bamako, les leaders de la CJA ont exigé leur prise en considération dans le processus de paix. « Nous n’allons mener aucune action hostile contre la paix, mais nous mènerons toutes les actions qui vont conduire à notre prise en considération. L’accord ne leur donne pas à un blanc seing à mépriser les populations. C’est les populations qui doivent choisir. Si on n’est pas inclue dans le processus, les choses risquent de mal tourner », explique Azaroick Ag Inaborchj.
Après une réunion de haut niveau du Comité de Suivi de l’Accord tenue, le vendredi 10 février à Bamako, pour surmonter les nombreux blocages constatés dans la mise en œuvre de l’accord de paix, le gouvernement malien et les groupes armés ont établi la liste des présidents des autorités intérimaires. Les présidents des Assemblées régionales de Kidal, Taoudéni et Ménaka ont été désignés sur proposition du gouvernement, ceux des régions de Tombouctou et Gao, ont été désignés respectivement par la CMA et la Plateforme. Ainsi Hassan Ag Fagaga de la Coordination des Mouvements de l’Azawad(CMA) a été nommé président des autorités intérimaires dans la région de Kidal. Djibrila Maiga de la plateforme est désigné président de l’assemblée régionale de Gao. A Tombouctou, c’est Boubacar Ould Hamadi de la CMA qui a été choisie comme président de l’assemblée régionale. Abdoul Wahab Ag Ahmed Mohamed du Mouvement pour le Salut de l’Azawad(MSA) prend les rênes des autorités intérimaires de Ménaka. A Taoudéni, Hamoudi Sidi Ahmed Aggada de la partie gouvernementale présidera les autorités intérimaires.
Madiassa Kaba Diakité
Source: Le Républicain