La situation d’insécurité au Mali, plus particulièrement dans les régions de Mopti et de Ségou, s’aggrave. Les conflits intercommunautaires s’amplifient. Pour preuve, le dimanche 12 février dernier, un conflit éclata à Ké-Macina entre Bambara et peulh faisant une vingtaine de mort.
Au regard de tout cela, le Parti pour la renaissance nationale (PARENA), présidé par Tiébilé Dramé, ancien ministre des affaires étrangères, a organisé le dimanche 19 février 2017 à la Maison des Aînés de Bamako une rencontre d’échanges sur la situation sécuritaire dans la région de Mopti et dans les cercles de Ké-Macina et Niono. L’objet de la rencontre était non seulement de savoir comment en est-on arrivé à ce cycle infernal de violence dans le centre du pays mais aussi de pouvoir dégager des pistes de solution pour restaurer la paix.
Plusieurs personnalités ont pris part à la rencontre dont les responsables du Parena comme Me Amidou Diabaté (ancien ministre de la justice), Moussa Makan Camara (ancien Ambassadeur), le Pr Ali Nouhoum Diallo (ancien président de l’Assemblée nationale du Mali), Adama Samassekou (ancien ministre de l’Education), des députés de Mopti, Amadou Cissé et Idrissa Sankaré, et l’ancien député de Tenenkou, Timoté Tioulenta, le président de l’Association des municipalités du Mali (AMM), Boubacar Bah dit Bill, Hamane Touré dit Serpent du parti UFC…
Après avoir fait observer un instant de recueillement et de prières à la mémoire de toutes les victimes de la crise au Mali en général, et particulièrement à la mémoire des victimes de la crise dans le Delta Central, dans le Seeno et le Seeno Mango, le Hayré, le Kaareeri, le Kiriguiri, le Kurumaari et dans le Meema-Farimaké, le président du PARENA, Tiébilé Dramé a exprimé sa profonde reconnaissance à toutes celles et tous ceux qui ont répondu à son invitation pour évoquer la situation angoissante qui prévaut dans la région de Mopti et dans les cercles de Ké-Macina et Niono. «Notre parti a souhaité cet échange parce qu’il est préoccupé par l’instabilité rampante qui affecte dix cercles du Centre du Mali, parce qu’il est inquiet du sang qui coule chaque jour dans cette partie importante du territoire national, parce qu’il partage l’angoisse des 2 900 000 Maliens qui vivent dans cette zone», a souligné Tiébilé Dramé. Selon lui, en 2015, sur 538 personnes tuées au Mali, 115 sont mortes au Centre. En 2016, poursuit-il, sur 396 morts au Mali, 71 sont tombés au Centre
Nouveaux réfugiés
«Les six premières semaines de 2017 ont enregistré 24 incidents armés et 154 morts sur tout le territoire. Quatorze des 24 incidents sont survenus au centre. Le nombre de personnes assassinées dans la zone est d’au moins 49. En six semaines. A la suite des violences meurtrières perpétrées dans le cercle de Ké-Macina, plusieurs dizaines de familles, notamment des femmes et des enfants sont devenues du jour au lendemain des réfugiés dans leur propre pays. Des dizaines de personnes sont en détention pour divers motifs liés à la situation de crise qui prévaut», a déploré le président du Parena, Tiébilé Dramé. A l’en croire, en organisant cette rencontre, le PARENA voudrait s’informer sur les causes de la tragédie nationale qui se joue dans cette zone récemment paisible. «Comment en est-on arrivé là ? Comment peut-on éteindre le feu qui se répand ? Quelles sont les pistes de solutions pour restaurer la sécurité, la stabilité, la paix, la cohésion et la concorde ?», s’interroge le président du parti bélier blanc. Lors des échanges, la plupart des intervenants ont fortement déploré l’absence de l’Etat dans la zone affectée par la crise intercommunautaire entre peulhs et Bambara. Selon Adama Samassékou, ancien ministre, « il y a une dizaine de communautés qui vivent ensemble. Le terrorisme a amplifié la division. Il faut non seulement le retour de l’Etat dans la zone mais également la restauration de la confiance entre l’Etat et les administrés. La situation est gravissime, en conséquence, la prise de conscience doit être générale ». Le Docteur Abdoul K Diallo, de son côté a mis les autorités devant leur responsabilité : « si les autorités ne prennent pas garde, la situation sécuritaire dans la région de Mopti risque de s’aggraver. Il y a eu des exécutions. C’est à la suite des arrestations arbitraires de l’armée malienne que la situation a commencé. Les jeunes disent qu’ils ont été oubliés par l’Etat, ce qui fait que certains d’entre eux ont adhéré au Mouvement de libération de Macina de Amadou Kouffa». Me Hassan Barry également a dénoncé les carences de l’Etat malien dans le centre. « C’est l’insuffisance de l’Etat et l’absence de l’Etat qui a causé cette situation. Il y a aussi une cause religieuse. Ce qui s’est passé à Ke-Macina est un crime contre l’humanité et un crime de génocide. Nous utiliserons tous les moyens, non pas par les armes, mais dans le cadre de la légalité et de la justice », a-t-il indiqué. Deux problèmes sont les causes de cette situation : le manque de concertation et le manque de communication, selon un intervenant. Par-dessus tout, il faut se dire la vérité pour résoudre les choses, « c’est la mal gouvernance qui nous a plongé dans cette situation d’insécurité dans la région de Mopti », dira Daouda Doumbia, ressortissant de Macina et Chasseur traditionnel (Donso). Selon lui 12 lettres adressées au gouvernement sont restées sans suite. « C’est l’absence de l’Etat qui a causé ce problème. Ce n’est pas la mal gouvernance mais la non gouvernance », selon Idrissa Sankaré, député ASMA élu à Bankass. Et il faut que l’Etat s’assume car au centre, « l’Etat est en train de sous-traiter sa souveraineté, en matière de sécurité ». Selon d’autres participants, les peulhs ont fait savoir qu’ils attaqueront si on les attaquait. Le gouvernement ne fait rien pour décanter la situation. Désormais, nous ne nous laisserons plus faire, a lancé un participant. « Les recommandations que je fais sont d’éviter les non dits, les dénis de réalité. Il faut un Etat juste, quand il n’est pas juste dans la gestion de ses administrés, les citoyens vont se rendre justice eux-mêmes. Il faut que notre armée puisse occupée véritablement la zone », selon le Pr Ali N. Diallo.
Ainsi, les propositions de sortie de crise faites par les uns et les autres sont entre autres : la lutte contre l’impunité, la création des couloirs de transhumance, la cessation des querelles de leadership, la sensibilisation des populations, le déploiement d’une armée impartiale dans la zone et enfin, le dialogue entre les protagonistes.
Aguibou Sogodogo
Le Républicain