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Ibrahim Boubacar Keïta : Au bout du plébiscite, la désillusion !

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Remettre le Mali au travail, restaurer l’autorité de l’Etat et poser des actes forts dans la lutte contre les maux qui minent et gangrènent l’administration et toute la société d’une manière générale (corruption, népotisme, clientélisme, trafic d’influence, détournement de fonds publics, affairisme, absentéisme, médiocrité…), mener une lutte implacable contre l’impunité, l’exigence de justice ; tels étaient quelques-uns des engagements majeurs du candidat Ibrahim Boubacar Kéïta quand il briguait le suffrage des Maliens en 2013. Aujourd’hui, force est de constater que l’espoir placé au président de la République et à sa gouvernance fut déçu, avec des promesses n’ont tenues, la fracture morale entre gouvernants et gouvernés consommée.

Avec cette désillusion généralisée de ses compatriotes qui ont tant cru en ses capacités à relever le Mali et à satisfaire les besoins essentiels des Maliens, comment IBK compte-t-il aborder l’échéance (fatale ?) de 2018 ? s’interroge Sory Ibrahim Sakho. N’ayant le moindre bilan à présenter, aura-t-il le courage de demander aux électeurs une seconde chance ? Dans l’affirmative, Dr Sakho, titulaire d’un troisième cycle en Droit de l’université de Paris XIII, conseille fortement de « faire très attention au choix des hommes pour éviter une nouvelle erreur collective historique! ». 

Il est essentiel d’avoir un idéal. Ne pas prendre position sur certains sujets relatifs aux problèmes, difficultés de son pays lorsqu’on en a la possibilité, c’est démissionner dans sa tête!

Le réquisitoire est le fait du représentant du ministère public, les historiens sont les gardiens de la mémoire collective.

2013 : Au moment où le pays était dans la tourmente de la crise multidimensionnelle d’une gravité sans précédent de son histoire, le peuple malien avait perçu les élections comme l’espoir de voir le pays sortir la tête sous l’eau, de le voir sortir du labyrinthe du désespoir, d’un horizon sombre dans lequel il était plongé, de retrouver enfin le Mali paisible, du vivre ensemble dans son unité et sa diversité;

L’élection du candidat Ibrahim Boubacar Keita à la présidence de la République avec une très large majorité avait suscité un immense espoir: Être le président de tous les maliens et non celui d’un clan fut le souhait le plus ardent de tous ses compatriotes, sans exclusive aucune.

Le contexte qui prévalait au moment de l’élection exigeait que le président de la République élu fût le phare qui allait guider les maliens pour sortir du tunnel obscur dans lequel le pays s’était engouffré. La République était à terre, le bateau Mali était en eaux troubles, la crise multiforme a ébranlé les fondements de notre nation, secoué la cohésion nationale et déchiré le tissu social.

Les défis à relever étaient  nombreux et immenses, l’heure était grave; le peuple du Mali meurtri, la nation malienne atteinte dans son honneur et sa dignité attendaient de celui qui fut porté à la magistrature suprême des actes très forts car en plus de la fracture sociale, il y avait une défiance des citoyens vis à vis des hommes politiques.

Remettre le Mali au travail, restaurer l’autorité de l’état et poser des actes très forts dans la lutte contre les maux qui constituent autant de fléaux qui minent et gangrènent l’administration et toute la société d’une manière générale ( corruption, népotisme, clientélisme, trafic d’influence, détournement de fonds publics, affairisme, absentéisme, médiocrité…); mener une lutte implacable contre l’impunité, l’exigence de justice, tels étaient quelques-uns des engagements très forts du président de la République.

Nous avions espéré que le Mali allait être sur une véritable rampe de lancement, cinq années de reconstruction, de mise en mouvement de toutes les forces vives de la nation pour une nouvelle gouvernance tant le président IBK avait été élu par une écrasante majorité de l’électorat avec une mobilisation sans précédent de la communauté internationale pour notre pays. Nous avions pensé que la crise multidimensionnelle d’une rare gravité qui a frappé notre pays était en voie d’être résolue, hélas!

 

RUPTURE DU PACTE DE CONFIANCE ENTRE LE PEUPLE ET LA GOUVERNANCE 

Ce fut plutôt le désenchantement et la désillusion qui furent au rendez-vous, une crise de régime, avec des choix politiques, des choix des hommes qui ont ressemblé à des erreurs de casting, une crise de crédibilité lorsque la parole publique est en porte à faux avec l’exigence de justice mise en avant dans le cadre de la nouvelle gouvernance. Une crise de confiance des partenaires techniques et financiers à l’égard de notre pays, jamais dans l’histoire de la République, le gouvernement n’avait été mis au pas au point de lui exiger de faire la lumière sur le plus gros scandale politico financier de ces vingt dernières années suite aux surfacturations liées aux différents marchés de fournitures d’équipements à l’armée malienne et à l’acquisition de l’avion présidentiel.

Quelle justice y a-t-il eu dans ces différentes affaires?

Force est de constater que l’espoir placé au président de la République et à sa gouvernance fut déçu, des engagements n’ont pas été tenus, la fracture morale entre gouvernants et gouvernés est consommée. Il est indéniable que le président de la République a eu la chance et en même temps le fardeau historique de redonner confiance et de rétablir l’honneur et la souveraineté nationale conformément à ses engagements.

 

HORIZON 2018

À un an des échéances électorales de 2018, des interrogations subsistent :

Qu’est ce qui a changé au Mali?

– Le niveau de vie du malien moyen s’est-il amélioré?

– Quel est l’état de nos structures  sanitaires? Celui de l’école de la République?

– La corruption a-t-elle reculé?

– Quelle justice alors que cela avait été mis en avant comme le socle du Mali nouveau que le président IBK voulait ériger?

– Quelle est la situation sécuritaire au Mali?

– L’accord de paix a-t-il ramené la paix dans le nord et au-delà, sur toute l’étendue de la République?

Il faut noter qu’une conférence d’entente nationale sera organisée au mois de mars dans le cadre de l’application de la l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, espérons que cette opportunité sera mise à profit pour un retour de la paix dans le Nord du Mali et au-delà, dans tout le pays;

Les forces armées de défense et de sécurité ont commencé à acquérir des moyens aériens, mais cela s’avère insuffisant pour le moment.

Les engagements d’un candidat doivent être les réalisations du président s’il est porté à la magistrature suprême, c’est là-dessus que le peuple pourra porter un jugement!

Les défis à relever sont énormes, le pays vit encore dans la crise, exacerbée dans son aspect sécuritaire; l’État n’exerce pas la souveraineté pleine et entière sur l’intégralité de son territoire malgré la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger entre le gouvernement de la République et les différents groupes armés, et qui a du mal à être appliqué. Kidal est occupée par des mouvements de bandits armés et échappe au contrôle du pouvoir central.

Que faudrait-il espérer pour 2018, lorsque la manipulation de masse tournera à plein régime, lorsqu’il y aura de la “prestidigitation” politique, l’art de créer une amnésie collective, quand l’achat des consciences battra son plein en temps opportun, la docilité par la pression et l’abus de pouvoir ?

Car, ils auront fait main-basse sur la République, sur des pans entiers de l’économie? Maintenant, ils veulent s’attaquer à ce qui reste encore dans ce pays: la conscience et la dignité de certains hommes et femmes, ce dernier rempart est non négociable, du moins il faut l’espérer;

Savoir lire la carte électorale du Mali est une des conditions pour espérer gagner les prochaines élections dont l’échéance est l’année 2018; Si l’opposition pense qu’elle va cueillir le fruit mûr de la contestation, de la protestation sociale, de l’exaspération liée aux injustices, de la fracture sociale et morale entre gouvernants et gouvernés due à la gestion du pouvoir en place, si elle ne fait pas le véritable travail d’adhésion des masses populaires à un véritable projet de société, par une mobilisation sans précédent, la sensibilisation et une pédagogie adaptée à la situation, je dis attention, rien n’est joué, rien n’est gagné d’avance! Combien de nos compatriotes ont le discernement pour distinguer le vrai du faux, pour faire une analyse critique et objective des grands enjeux du moment, qui ont accès à la bonne information?

Dans cet ordre d’idées, l’union dans le cadre d’un rassemblement autour du candidat qui est à même de porter l’espérance, est un gage de dynamique de victoire.

Nous avons tendance à penser que l’élection présidentielle se passe pour l’essentiel à  Bamako car c’est la capitale du pays, ou sur les réseaux sociaux; nous oublions ou nous ne voulons pas croire qu’il faille batailler, sonner la mobilisation dans les villages les plus reculés, les hameaux;

Il ne s’agit pas d’avoir le meilleur programme; certes, il faut avoir un parti, un appareil, une machine électorale derrière un candidat, mais il s’agit de véhiculer la bonne parole, car en politique dit-on, ce n’est pas ce qui est dit qui est important, mais c’est ce qui est cru; il serait mieux d’exiger de ceux qui sollicitent le suffrage populaire, des projets bien ficelés dans le seul intérêt du développement du MALI, du bien-être de la nation malienne; pour une fois, le credo pour les femmes et hommes qui seront choisis, c’est d’être au service exclusif de la République, de se vouer corps et âme pour la résolution quotidienne des problèmes, l’invention du possible; être en mission pour le MALI!!!

La question est de savoir si la société, qui a clairement exprimé sa volonté de changement, est prête à l’accepter; certaines pratiques déloyales sont tellement enracinées qu’elles ont été érigées en normes. Lutter contre la corruption, oui! Tout le monde applaudit, mais “le ver est dans le fruit”, les intérêts en jeu sont colossaux et les écuries ont une longueur d’avance en terme d’expertise et d’ingéniosité en la matière. Que faut-il faire pour le fonctionnaire (l’enseignant, le magistrat, le médecin, le douanier, l’agent des impôts, l’agent du trésor, le policier, les contrôleurs de différents services-liste non exhaustive-) qui n’arrive pas à satisfaire ses besoins vitaux avec son salaire?

Augmenter son traitement et améliorer ses conditions de travail pour le motiver pour plus d’efficacité. L’état en a-t-il les moyens ? La réponse réside dans la volonté politique qui consisterait à trouver l’adéquation entre les objectifs poursuivis et les moyens d’action au service de ces objectifs.

Si nous faisons le constat implacable que notre liberté de choix fut le choix de nos difficultés, que l’élu du peuple fait tout le contraire de ses promesses et engagements, que faudrait-il faire lors des prochaines échéances? Faire très attention au choix des hommes pour éviter une nouvelle erreur collective historique!

Sory Ibrahim Sakho, titulaire d’un troisième cycle  en Droit de l’université de Paris XIII 

Source: L’Aube

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