Dans les deux grands blocs politiques qui existaient depuis deux ans, Opposition et Majorité plus précisément, les manœuvres politiques s’intensifient au fur et à mesure que l’on s’approche de l’échéance de 2018, notamment de la prochaine Présidentielle. Si l’opposition politique est actuellement en lambeaux, suite à la constitution de nouveaux blocs, la Majorité continue tente vaille que vaille de limiter les dégâts, notamment pour contenir les ambitions de plus en plus affirmées de mastodontes de l’arène comme l’Adema-Pasj.
Les blocs politiques constitués après les élections de 2013, comme ceux qui les ont précédés durant les deux mandats du président ATT, n’ont pas été constitués sur la base de plateformes consensuelles, mais reposaient surtout sur des calculs politiciens. A telle enseigne que des observateurs se sont permis d’affirmer que ce ne sont pas des alliances qui se font au Mali, mais des combines qui se nouent dans des circonstances précises.
C’est ainsi qu’après la Présidentielle de 2013, suivie des Législatives qui ont confirmé l’élan majoritaire ayant propulsé Ibrahim Boubacar Keïta au pouvoir, une bipolarisation s’est constituée, avec notamment deux grands blocs : d’une part la Convention de la majorité présidentielle (Cmp) dirigée par d’abord par Boulkassoum Haïdara, puis par Dr Bocary Tréta (tous du Rpm du président-fondateur, IBK) ; d’autre part l’Opposition dite démocratique et républicaine, conduite par celui qui est consacré officiellement le chef de l’opposition, Soumaïla Cissé, patron de l’Urd.
Tant bien que mal, ces deux blocs ont fonctionné pour animer l’arène politique en assurant, de chaque côté, le service minimum. En plus, d’un côté comme de l’autre, des francs-tireurs se singularisaient en dehors des rangs des blocs politiques auxquels ils déclaraient appartenir. C’est ainsi que Tiéblé Dramé a été l’une des personnalités de l’opposition les plus en vue, au point de surplomber très souvent le leader déclaré de ce regroupement, Soumaïla Cissé, dont les sorties sporadiques cachaient mal de longues périodes de silence et de manque de visibilité.
Du côté de la Majorité, le Député Oumar Mariko se permettait une certaine liberté de ton et d’action, amenant ainsi à douter de son appartenance à ce regroupement qu’il a eu à malmener de temps à autre, comme s’il cherchait à se faire exclure.
De toute façon, que cela soit à l’Opposition comme à la Majorité, on s’est évertué à préserver de faux semblants d’unité. Un vernis politique qui permettait à des formations politiques de toujours se réclamer du soutien à IBK pour continuer à s’asseoir autour de la table de la soupe gouvernementale. Tandis qu’à l’Opposition, où on ne s’était pas encore bien remis des coups électoraux encaissés en 2013, se présenter en lambeaux devant le pouvoir était le pire des choix. Il fallait donc, aussi, faire semblant.Mais voilà qu’à l’approche de 2018 les grandes manœuvres politiques se font au grand jour et c’en est fini de la récréation. Le positionnement, c’est maintenant ou jamais. Et c’est normal donc que l’on mette fin aux faux-semblants pour tracer son chemin, chacun de son côté.
S’il y a des formations politiques qui n’ont rien à gagner en présentant un candidat à la prochaine élection présidentielle, compte tenu de leur poids et de leurs moyens, et préfèrent ainsi s’arrimer au tenant du pouvoir pour survivre et s’engraisser en attendant des lendemains meilleurs, ce n’est pas le cas pour d’autres partis politiques comme l’Adema-Pasj, les Fare Anka wili, l’Adp-Maliba, le parti Sadi, Cnas Faso Héré, pour ne citer que ceux-là.
En effet, il est inconcevable pour Modibo Sidibé, de se ranger derrière Soumaïla Cissé au point de renoncer à la conquête du pouvoir au nom de son parti, les Fare Anka Wili. Le choc des deux personnalités se cachait d’ailleurs très mal au sein de l’opposition démocratique et républicaine qu’ils partageaient. Et un détail important et assez significatif n’avait pas échappé aux observateurs.
En effet, Modibo Sidibé a été très en vue lors d’une conférence de presse organisée par l’opposition à la Maison de la presse. Ce jour-là, Soumaïla Cissé était retenu par une rencontre de médiation assurée par la Minusma auprès du ministre de l’Administration Territoriale et des collectivités, Ag Erlaf. Parce que l’objet de la colère de l’opposition, c’était la nouvelle loi électorale, voté au forceps par la majorité mécanique à l’Assemblée nationale.
Ce jour-là, Modibo Sidibé, pour l’une des rares sorties publiques du genre où il apparaît personnellement à côté des autres, a été à la fois très volubile et pertinent. Il a donné l’occasion de faire apprécier son énorme capacité d’analyse des questions territoriales et sécuritaires pour lesquelles il n’est pas le dernier de la classe, en termes de propositions de solutions.
Mais lorsque Soumaïla est arrivé vers la fin de la conférence pour rendre compte de sa réunion, cela ne lui a pas suffi. Certainement à cause de la présence trop pesante de Modibo Sidibé, Soumaïla a presque monopolisé la parole, pour quasiment refaire la conférence de presse, revenant sur des questions qui ont même été discutées en son absence. Dès lors, les observateurs avertis avaient compris qu’entre Modibo Sidibé et Soumaïla Cissé, cela renvoie à la fameuse histoire des deux béliers bien cornus que l’on tente de faire partager un repas dans un même récipient…
Au niveau de cette même opposition qui vient d’enregistrer la formation d’un nouveau bloc appelé ” Nouveau pôle de gauche ” dirigé par Modibo Sidibé, il y avait auparavant la création d’un autre groupe tiré par l’Adp-Maliba qui s’est renforcée de députés démissionnaires de la Majorité parlementaire.
De l’autre côté, notamment à la Majorité, c’est donc aussi normal que la machine électorale Adéma-Pasj, après avoir jaugé sa force de frappe aux élections communales, puisse aspirer à assurer l’alternance, refusant ainsi l’embrigadement derrière IBK que l’on tente de lui imposer, en passant par un chantage en ce qui concerne sa participation au gouvernement. Tout comme Oumar Mariko a déjà annoncé les couleurs pour 2018 où il sera candidat, aux côtés de Moussa Mara.
C’est dire que c’en est fini du vernis unitaire. Place donc à la realpolitik qui s’accommode de concilier les grands principes et les basses manœuvres, tout ce qui compte étant la conquête du pouvoir. Ce qui représente l’essence et la quintessence même de la création des partis politiques.
A.B.NIANG
Source: Aujourd’hui-Mali