De plus en plus, la qualité des billets de banque pose problème surtout lors de certaines transactions quotidiennes. Des billets déchirés et collés sur plusieurs faces circulent et sont souvent source de dispute entre les acheteurs et les vendeurs, chacun refusant de les prendre des mains de l’autre. Est-ce alors la faute de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao) qui pouvait mettre en circulation des billets de banque de meilleure qualité ou au contraire, la faute incombe-t-elle à la manipulation dont les billets font l’objet et qui souvent frise la maltraitance ?
Comme le précise la Note d’information n°1 de la Bceao relative à l’émission des signes monétaires et l’entretien de la circulation fiduciaire : “Les besoins en signes monétaires sont évalués en tenant compte de l’évolution de l’activité économique et des volumes nécessaires au remplacement des signes monétaires à retirer de la circulation compte tenu de leur degré d’usure. A cet égard, la Bceao procède à des commandes de billets et pièces de monnaie neufs “. C’est pour rappeler que la Bceao a bien mis en place un dispositif de remplacement des billets usés et de ce point de vue veille à l’entretien de la circulation fiduciaire.
Mais dans la réalité, les populations ont de plus en plus du mal à percevoir cette intervention de la Bceao, tellement sont usés les billets de banque en circulation. Sont plus touchés par cette usure, les billets de moindre valeur fiduciaire, par conséquent circulant beaucoup plus que les autres, à travers des millions de transactions quotidiennes. Il s’agit des billets de 500 Fcfa, 1 000 Fcfa et 2 000 Fcfa qui passent très facilement d’une main à l’autre des dizaines voire des centaines de fois par jour.
Pourquoi donc tant de billets déchiquetés, déteints ou collés un peu partout que l’on retrouve en circulation ? Pourtant, comme précisé dans la note de la Bceao citée ci-haut: “La Bceao procède périodiquement au retrait de circulation puis à la destruction des billets et pièces de monnaie en mauvais état”. De façon plus claire, la Bceao procède donc au tri des billets de banque et ceux en mauvais état sont purement et simplement retirés de la circulation et ensuite remplacés.
Faut-il finalement incriminer la qualité des billets de banque émis par la Bceao ? C’est peu probable, dans la mesure où les coupures de billets souvent mises en cause, notamment celles de 500, 1 000 et 2 000 Fcfa sont produites selon la même qualité que les billets de 5 000 ou 10 000 Fcfa mieux conservés. A ce niveau, la Bceao rassure : “…afin de disposer de signes monétaires de meilleure qualité (plus grande résistance, durée de vie plus longue) et se prémunir contre le faux monnayage, la Banque Centrale procède au renouvellement périodique des billets et pièces de monnaie de son émission…”.
Par ailleurs, toujours dans le document précité, il est précisé : “La Banque Centrale fait face à l’obligation de maintenir en permanence, en circulation, des signes monétaires de qualité et en quantité suffisante, dans un contexte marqué par un accroissement continu de la demande des agents économiques, un renchérissement des coûts d’approvisionnement en billets et pièces de monnaie et le développement des techniques de contrefaçon”.
Il y a donc lieu de se demander, malgré toutes ces mesures prises par la Bceao, pourquoi les billets usés continuent-ils de rester en circulation ? Et pourquoi aussi le phénomène a-t-il pris autant d’ampleur ces derniers mois ?
Selon un professionnel des métiers de la Banque qui préfère garder l’anonymat -parce que ne parlant pas au nom de son établissement – le problème se situe beaucoup plus au niveau des comportements humains. Et pour étayer sa position, il explique : “Mettez-vous à observer le comportement des gens au niveau des guichets des banques lors des opérations de retrait d’argent. Vous verrez tout de suite que les billets valides qui leur sont remis, parfois flambant neufs, sont aussitôt pliés n’importe comment et jetés négligemment dans une poche ou un sac duquel ils sortent cornés ou en partie déchirés. Dans nos pays de l’Afrique de l’ouest, nous avons vraiment un problème comportemental vis-à-vis de l’argent”.
Et un de ses collègues de nous apostropher : “Est-ce qu’il ne vous arrive pas de plier plusieurs fois un billet de banque pour le glisser dans la main ou la poche de quelqu’un ?
Et combien sont-ils ceux qui se promènent avec des portemonnaies en mesure de garder les billets de banque bien ordonnés et soigneusement rangés ? Tout ceci contribue à détériorer les billets de banque. Vous et moi, comme tous les autres, nous sommes tous responsables” clame-t-il. Puis il continue : “Ce n’est pas tolérable sous d’autres cieux ou pareils comportements sont répréhensibles. Mais nous continuons à ne pas traiter les billets de banque comme il se doit et les images de gens qui jettent l’argent sur quelqu’un pour le couvrir d’argent, comme cela se fait dans nos pays, relève de comportements à bannir”.
L’on se rappelle, il y a cinq ans, que la Bceao avait déclenché une campagne d’information-éducation-communication dans tous les pays membres de l’Union monétaire de l’Afrique de l’ouest (Umoa) pour attirer l’attention des populations sur la maltraitance des billets de banque qui constituent un coup dur porté à nos économies.
En effet, comme le précise la Bceao dans la même note : “Les coûts d’approvisionnement en signes monétaires constituent une part importante des charges d’exploitation de la Banque Centrale, consécutivement à l’accroissement des prix de fabrication et des volumes de billets et pièces de monnaie à commander pour faire face à la demande. Les prix sont en hausse du fait notamment de l’utilisation de technologies de plus en plus sophistiquées pour mieux lutter contre la contrefaçon et de la volatilité des cours des métaux utilisés dans la production des pièces de monnaie”.
En langage plus simple, les gens doivent savoir que tout billet usé doit être remplacé et cela comporte un coût. Par conséquent, plus il y a de billets détériorés, plus la Bceao dépense pour les remplacer et c’est avec notre argent que cela se fait. Il y a donc bien des raisons d’éviter ce gâchis qui ne dit pas son nom. Mais faudrait-il une implication active des Etats pour trouver une solution à ce problème comportemental vis-à-vis des billets de banque ? Là, gît le débat.
A.B. NIANG
Source: Aujourd’hui-Mali