Le processus d’application de l’Accord de paix est en panne à cause de la lâcheté des rebelles, de la France et de l’Algérie qui font la pluie et le beau temps.
Au moment où nous mettions sous presse, Tombouctou était toujours encerclée par les éléments du Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA), avec en tête le colonel Abass, ex-déserteur de l’armée malienne. Ce groupe armé, créé seulement le 10 octobre 2016 et soutenu par l’Algérie, s’oppose à l’installation des autorités intérimaires prévue ce jour 6 mars.
Tombouctou encerclée
Pour une énième fois, le processus de paix est remis en cause par quelques individus armés, des narcotrafiquants soutenus depuis Paris et Alger. Quand va-t-on enfin prendre l’Etat malien et ses partenaires au sérieux ? Un Etat qui, visiblement, peine à s’imposer face aux rebelles qui font de notre pays leur jouet. Le CJA compte bien continuer le rapport de force, avec la trentaine de pick-up dont il dispose et des hommes armés, aux portes de Tombouctou depuis le vendredi 3 mars. Ce complot, ourdi pour retarder l’installation des autorités intérimaires vise à saboter la mise en application de l’Accord.
Ce que veut le CJA
Le CJA réclamait depuis sa création, une « insertion dans le dispositif de mise en œuvre de l’accord d’Alger », selon les termes de son ancien secrétaire général, Hama Ag Mahmoud, ancien ministre du gouvernement malien, et radié du CJA depuis le 14 janvier 2017, à en croire un communiqué de son président, Azarock Ag Inaborchad. Le droit d’être intégré au processus de DDR et d’obtenir des représentants dans les différentes commissions liées à l’Accord de paix, telles sont les revendications du colonel Abass. Ce dernier, d’un ton menaçant, a déclaré : « On va rentrer coûte que coûte et lundi nous refoulerons les invités si jamais il n’y a pas eu d’accord. Evidemment, si le gouvernement n’est sensible qu’aux démonstrations de force, nous allons leur en donner. »
L’accord décroché de haute lutte par certains groupes armés minoritaires à Gao, qui occupaient militairement l’Assemblée régionale de Gao, semble avoir donné des idées au CJA. Selon les observateurs, dans le nord du Mali, d’autres groupes armés constitués sur une base tribale ou communautaire, pourraient encore voir le jour, question d’avoir un poids dans le processus de paix, et pour avoir une place de choix, lors de l’installation prochaine des autorités intérimaires, indique une source.
Nosrat Al-Islam Wal Mouslimine d’Iyad, le nouveau maître au Nord ?
Plusieurs groupes islamistes armés affiliés ou alliés à Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), dont l’Emirat du désert, Al-Mourabitoune, Ançardine et le Front pour la libération de Macina ont annoncé avoir rejoint Nosrat Al-Islam Wal Mouslimine. L’annonce de la naissance de Nosrat Al-Islam Wal Mouslimine a été faite dans une vidéo publié le 2 mars selon le site mauritanien Alakhbar. Dans cette vidéo, on aperçoit les chefs et prêcheurs de l’Emirat du désert, Yaya Abou Hamam et Abou Abderrahmane Al-Sanhadji, le vice-émir d’Al-Mourabitoune, Hassane Al-Ançari, le chef d’Ançardine, Iyad Ag Aly, et le chef du Front de Libération de Macina, Amadou Kouffa, toujours selon le site.
Le double jeu de la France et de l’Algérie vis-à-vis de Bamako est un véritable obstacle à la paix. En 2012 après l’opération Serval, lorsque la France avait enfin l’occasion de tuer ou d’arrêter Iyad vivant, elle a préféré demander l’avis de l’Algérie qui lui a répondu sèchement : « Ne vous occupez pas d’Iyad. Nous en faisons notre affaire. »
« On connaît bien la suite de cette consultation franco-algérienne : Iyad Ag-Ghali en a tiré profit pour disparaître des écrans radar. Mieux, le chef djihadiste a reconstitué Ansar Eddine, sorti, comme tous les autres mouvements djihadistes, du Sahel, zone déstabilisée par l’opération militaire française Serval de janvier 2013 », écrivait Seidik Abba dans les colonnes du journal Le Monde.
On savait bien que quelque chose se tramait. Depuis quelques semaines en effet, des voix s’élevaient pour réclamer l’implication d’Iyad dans le processus de paix. Certaines sources avaient même affirmé dans les médias que la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, sans Iyad, serait impossible. Les derniers événements plaident en tout cas pour une négociation avec le chef d’Ançardine, un pion de la France et de l’Algérie.
K. Eloi
Source: L’Enqueteur