Le Mali est tout simplement dans un état pitoyable, abandonné à la dérive par ses propres fils. Prise entre l’insécurité qui gangrène tout le territoire national, une crise économique endémique et un front social en constante ébullition, la mère patrie est carrément dans le gouffre. Et face à cette réalité, exacerbée par la gestion calamiteuse du président Ibrahim Boubacar Kéita, les Maliens sont malheureusement plongés dans la léthargie. Tout le monde semble résigné au sort qui frappe le pays, de la société civile aux partis politiques, jusqu’au citoyen lambda. Vous avez dit démission collective ?
Aujourd’hui, le Mali n’est que l’ombre de lui-même. Les valeurs qui faisaient sa fierté (vitrines africaines de la démocratie, hospitalité légendaire, culture de la paix et du vivre ensemble) s’effritent par le comportement de la grande majorité des Maliens, mais aussi par la mauvaise gouvernance instituée par l’actuel régime.
Il est vrai que la dérive a commencé avec le coup d’État de mars 2012 qui a entraîné l’effondrement de l’État et de l’armée malienne ; cependant, le pays avait tenté de se relever lors de la Transition de Dioncounda Traoré. Celui-ci, grâce au soutien de la communauté internationale, a pu recouvrer l’intégrité territoriale du Mali et organiser l’élection ayant abouti à l’élection de l’actuel président de la République. Cette élection avait suscité d’immenses espoirs au Mali et à l’étranger. À l’investiture du nouveau président, le 19 septembre 2013, des dizaines de chefs d’État et de gouvernement, de représentants d’organisations internationales s’étaient rendus à Bamako pour célébrer la restauration de la légalité constitutionnelle et le retour du Mali dans le concert des nations.
Le président Ibrahim Boubacar Kéita se devait de maintenir le cap, consolider les acquis et engager une véritable dynamique de développement économique. Malheureusement, donnant l’impression d’oublier que le Mali sortait à peine du gouffre, le président et ses gouvernements successifs se sont comportés comme dans un pays normal. Ainsi, les affaires ont repris. Les ressources financières qui auraient dû être injectées dans le développement et la gestion du quotidien des Maliens ont été dilapidées dans de (folles) dépenses de prestige ou détourner… Au lieu d’amorcer un redressement économique pour soulager la souffrance de ses compatriotes, IBK a précipité le Mali et les Maliens dans le gouffre. Par-dessus tout, le talon d’Achille du pouvoir malien est la gouvernance. De 2013 à nos jours, le président et son gouvernement ont essuyé de sévères critiques relatives à la mauvaise gestion des ressources publiques. L’opposition politique, des associations et même le Fonds monétaire international (FMI) ont mis le doigt sur plusieurs scandales de surfacturation et de corruption. Ces scandales largement connus n’ont, jusqu’ici, fait l’objet d’aucune sanction.
La famille, les amis, les alliés, les affidés sont placés dans les hautes sphères de l’Administration malienne où ils agissent comme des protégés du Chef. Ils s’adonnent à toute sorte de pratiques mafieuses : détournements, surfacturations, malversations… Résultat: une crise financière et économique qui a paralysé l’administration et, au-delà, tous les secteurs vitaux du pays. Aujourd’hui, les Maliens ne savent plus où donner de la tête. Ils tirent le diable par la queue.
Insécurité : le centre, après le nord
Sur le plan sécuritaire, rien ne va. Le pays est à nouveau menacé par le regain d’activités des groupes djihadistes, l’extension de l’insécurité du nord au centre. Vingt mois après la signature de cet accord, la sortie de crise est encore un rêve, tant la situation sur le terrain s’est dégrade considérablement. Ce serait une lapalissade de dire qu’IBK a perdu le nord. Il a offert Kidal (une ville remise dans le giron malien par Dioncounda, avec un gouverneur et une administration complète, plus le drapeau malien qui flotte partout) aux rebelles sur un plateau d’or, en cautionnant la visite de Mara du 17 mai 2014, un épisode douloureux qui a couté tant de vies civiles et militaires. Au-delà du nord, l’insécurité s’est étendue au centre du pays dont plusieurs localités échappent au contrôle de l’État. En 2016, plus de 170 incidents armés se sont produits au Mali. Au moins 450 personnes dont 120 militaires maliens et étrangers ont perdu la vie au cours d’embuscades, d’attaques ciblées ou d’explosions de mines. La mise en œuvre de l’accord de paix piétine dans un contexte de dégradation notable de la situation sécuritaire générale. Dans la zone du delta du fleuve Niger des groupes djihadiste font la loi. Ceux-ci étendent leurs tentacules jusqu’au centre et au sud du pays en instaurant une insécurité chronique dans les régions de Ségou et Mopti. Attaques, braquages, enlèvements d’animaux, assassinats et autres formes de violences constituent le lot quotidien du vécu des populations. Celles-ci vivent dans une peur bleue. Le centre du pays est en proie à une crise multiforme tout simplement non gérée.
Les autorités maliennes ne semblent avoir ni réponse politique ni réponse militaire appropriée à cette situation explosive du centre.
Aussi, le Mali est loin d’être réunifié. La réconciliation nationale demeure un objectif qui s’éloigne. Les réflexes communautaires, tribaux ou même ethniques ont pris le pas sur toutes autres considérations dans les régions du nord et du centre. La question peule qui n’existait pas au début de la crise est une réalité palpable.
L’année 2017 a commencé dans les incertitudes.
Entre démission et fatalité
Face à un tel tableau, extrêmement sombre, les Maliens de tous les bords donnent l’impression de croiser les bras et de laisser le destin suivre son cours. C’est la démission collective. La fatalité !
La société civile, aujourd’hui encore plus qu’hier, n’a jamais joué son véritable rôle. Au contraire, elle courtise le pouvoir, le caresse dans le sens du poil même quand il ne le faut pas. Quand ça va, elle est toujours au chevet de l’Etat ; mais quand ça chauffe, elle devient muette comme carpe.
Les partis politiques ne sont pas présents sur la scène pour venir au secours du pays et du peuple. L’opposition a eu de la matière à gogo (scandales à répétition, mauvaise gouvernance, marasme économique, crise financière, incapacité du président à résoudre le problème du nord…), mais elle n’a pas su saisir la balle au bond, afin d’amener (obliger) le président à redresser la barre. Elle s’est fendue en dénonciations infructueuses qui n’ont eu aucun effet sur le chef de l’Etat. Aujourd’hui, elle a baissé pavillon. Le pays est laissé à son sort.
Les populations sont tout aussi improductives que la société civile et les partis politiques. Les concitoyens se sont toujours limités aux grognes et aux plaintes sans lendemain. Et, maintenant que la situation est pourrie, chacun s’est recroquevillé sur lui-même, s’en remettant à Dieu. Alors que le Mali est devenu un pays démobilisé, découragé et dont les dirigeants, débordés par les événements, semblent se remettre à ses partenaires extérieurs. Malgré tout, on a l’impression qu’il n’y a pas une prise de conscience sur la gravité de la situation d’un pays qui ressemble à un bateau en perdition. L’équipage ? Il ne semble guère prendre la mesure des menaces.
Cette démission collective peut s’avérer fatale pour le Mali et l’ensemble du peuple.
I B D
Source: L’Aube