VIDÉOS. France 3 diffuse lundi soir un documentaire bienveillant sur le président le plus impopulaire de la Ve République. Peu convaincant.
C’est un genre que l’on croyait disparu. Un style un peu désuet dans une époque ayant érigé la critique systématique en devoir médiatique. Mais France 3 et Jean-Michel Djian ont décidé de relever le défi et de revisiter le quinquennat de François Hollande sous la forme d’une hagiographie. Si on était moins médisant, on se contenterait d’évoquer un œil bienveillant. Pour l’auteur, le président de la République restera comme un incompris. Incompris par son parti (qui n’a pas supporté, non pas son reniement du Bourget, mais son virage économique), par les Français (qui ne lui ont pas pardonné ses cent premiers jours ratés) et même par le monde (comme Obama qui ne l’a pas soutenu lors de la crise syrienne). Bref, le chef de l’État est « mal aimé », comme dans la chanson. Voilà l’angle (et le titre) du documentaire diffusé ce lundi à 20 h 55.
Le jugement est formel : « Alors qu’il engrange des résultats, on ne les voit pas […] Les Français ne l’aiment pas. » L’affaire Cahuzac ? « La poisse. » « Le bilan social est bon […] Il a plus fait que Mitterrand en 14 ans », souffle Gérard Davet. Pour soutenir sa thèse iconoclaste, le réalisateur a fait appel à des personnalités politiques plutôt amies (Julien Dray, Jack Lang, Bernard Poignant) et des journalistes avisés. On y revoit le film d’un quinquennat que l’on connaît par cœur : la pluie, Cahuzac, le scooter, Thévenoud, Leonarda, la cuvée du redressement, Macron, les livres-confessions, le renoncement, etc. Pour le réalisateur et la majorité des intervenants, c’est la faute à pas de chance. François Hollande est « la victime expiatoire d’un système à la dérive, mis en place par ses prédécesseurs ». C’est aussi un mauvais pédagogue qui ne sait pas expliquer sa bonne politique…
« Est-ce que j’ai la tête d’un président ? »
Quelquefois le programme se fait violence et tente de critiquer l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste. La gestion de Leonarda où Hollande est contraint à une énième synthèse ? « Manuel Valls, Vincent Peillon et Jean-Marc Ayrault avaient une position différente. Il se retrouve, lui, à devoir prendre la parole sur une cote mal taillée qu’il décide pour contenter tout le monde », résume un journaliste d’Europe 1. Il écoute, mais ne tranche pas. On songe à la phrase d’Émile Ollivier sur Napoléon III : « L’empereur, c’est l’entêtement dans l’indécision. » La parole présidentielle n’imprime pas ? « Charles de Gaulle savait parler à la France, François Mitterrand savait parler aux Français, mais aujourd’hui François Hollande, lui, parle aux journalistes », analyse assez justement Djian. La déchéance de nationalité ? Une faute morale, une basse manœuvre politique, dixit Cécile Duflot.
Pour le reste, fermez le ban ! L’heure et demie du documentaire est consacrée à la réhabilitation du président le plus détesté de la Ve République. On défend son côté « normal », sympathique, blagueur. Son humanité aussi, comme ce moment très fort après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher : à la synagogue de la Victoire, on y voit le chef de l’État réconforter un enfant qui a perdu son frère dans le magasin de la porte de Vincennes.
Mais une archive et un témoignage anodin viennent sceller le sort de François Hollande et mettre à mal cet exercice de rédemption. « Est-ce que j’ai la tête d’un président ? » demande le candidat socialiste un an avant son élection. Poser la question, c’est déjà y répondre. Comme le dit Julien Dray, l’ancien maire de Tulle a été jugé comme « un intrus ». Puis Agnès B., qui a relooké le président, livre un jugement sur son regard, dont la résonnance se révèle finalement très politique : « Il a moins neuf à chaque œil. Il a un regard qui flotte. Il ne voit pas loin. » Même dans une hagiographie, pouvait-on être plus cruel ?
« François Hollande, le mal aimé », documentaire de Jean-Michel Djian, ce lundi à 20 h 55 sur France 3.
Source: Le Point.fr