Le calme précaire sur le front social est en train de voler en éclat depuis le bras de fer qu’ont engagé les magistrats contre l’Etat. La relative satisfaction obtenue par les hommes en robe noire a donné des idées aux syndicalistes des autres corporations qui ont déterré la hache de guerre contre le gouvernement qui est obligé de verser de l’eau sur les braises allumées de tous les côtés. C’est le tour des syndicats des enseignants de se joindre au lot de ‘’bagarreurs’’.
Hier lundi 13 mars, plusieurs syndicats d’enseignants sont partis en grève, décidés qu’ils sont à paralyser l’école dans tout le pays. Les grévistes mettent la pression sur le gouvernement pour obtenir ce qu’ils appellent le « statut autonome ». Une intransigeance qui pose problème d’autant que les syndicalistes et les négociateurs gouvernementaux, sous la supervision des médiateurs, étaient parvenus à un accord préalable dont les clauses sont allègrement violées par les grévistes.
Si les différents syndicats d’enseignement mettent à exécution leur menace de grève, il est certain que déjà, depuis hier lundi, sur une bonne partie du territoire national, les écoles seront en hibernation. La grève dite des 216 heures, telle qu’elle a été déclenchée par les grévistes, au-delà des motivations qui la sous-tendent, suscite autant de controverses quant à sa justesse, au regard des engagements pris initialement par les parties, y compris la partie syndicale, pour surmonter la crise.
En fait, il y a un peu plus de deux mois, très exactement le 8 janvier dernier, à la suite d’un préavis de grève de 216 heures, allant du lundi 9 au vendredi 13 et du lundi 16 au jeudi 19 janvier 2017, déposé par les syndicats d’enseignants sur la table de négociation, le 22 décembre 2016, des discussions sérieuses et directes avaient été ouvertes entre les protagonistes, sous l’égide du Ministère du Travail et de la Fonction Publique. Les négociations ont été âprement menées au sein d’une commission de conciliation, composée des personnes ressources, des représentants du gouvernement et de ceux des syndicats, à l’issue desquelles, des accords fermes ont été obtenus.
A la suite de ces accords, publiquement, et de la manière la plus solennelle, les différentes parties, sous la supervision du président de la commission de conciliation, le doyen Mamadou Lamine Diarra, devant les caméras de l’ORTYM, ont fait état des points d’accord. Ce jour-là, dans les discussions, les points de revendication des syndicats étaient les suivants : l’adoption d’un statut autonome de l’enseignement, l’harmonisation des salaires des enseignants maliens avec ceux de la sous-région, l’augmentation de l’indemnité spéciale de responsabilité pour les enseignants des catégories A, B et C, la régularisation de la situation administrative et financière des sortants de l’ENSUP au même titre que ceux de l’ENI et de l’IPR-IFRA et la conformité de la relecture de l’arrêté N°3282 du 11 aout 2011 avec les recommandations de la lettre de protestation des différents syndicats.
A l’issue de ces négociations, un procès-verbal de conciliation avait été signé en bonne et due forme entre les parties. C’était le 8 janvier dernier dans la salle de conférence du Ministère de l’Education Nationale, dans lequel les syndicalistes eux-mêmes ont convenu des points d’accord formels. S’agissant des trois premiers points, à savoir l’adoption d’un statut autonome de l’enseignement, l’harmonisation des salaires des enseignants maliens avec ceux de la sous-région, l’augmentation de l’indemnité spéciale de responsabilité pour les enseignants des catégories A, B et C, les parties, y compris les syndicalistes ont convenu qu’ils ont fait l’objet d’accord. En ce qui concerne ces points d’accord, il est spécifiquement dit, dans le PV, signé par tous les protagonistes, à savoir le président de la commission de réconciliation, Mamadou Lamine Diarra, son rapporteur, en la personne de Ahmed Sidibé, le représentant du gouvernement, Chaïbou Maiga, et les syndicats de l’éducation nationale signataires du 15 octobre représentés par Tiémoko Dao du SYNESEC, Amadou Coulibaly du SYNEB, Yacouba Diallo du SYLDEF, Ousmane Almoudou du SYNEFCT, Adama Fomba du SYPESCO et Abdoulaye Sékou Keïta du FENAREC que : « le gouvernement s’engage à donner un statut aux enseignants. Aucun aspect, dont la grille, ne sera occulté lors des travaux de la commission qui sera mise à cet effet au plus tard le 31 janvier 2017 ».
De manière solennelle, c’est ce qui a été convenu entre les parties, à l’issue de ces négociations ayant débouché sur des résultats tangibles, consignés en bonne et due forme dans le procès-verbal de conciliation.
Aujourd’hui, c’est donc étonnant et surprenant que les pouvoirs publics, notamment les responsables du Ministère de l’Education Nationale assistent à un glissement dangereux et inapproprié des syndicats d’enseignants sur le terrain de l’agitation systématique, frôlant la surenchère propagandiste, en agitant un fantomatique « statut autonome pour l’enseignement ». Ce qui n’a jamais été convenu entre les parties, le PV de conciliation en faisant foi.
Qu’est-ce qui fait alors courir ainsi les grévistes en allant jusqu’à renier leurs propres engagements auxquels ils ont librement souscrit ? Au Ministère de l’Education Nationale, où on traite ce dossier avec beaucoup d’attention et de sérieux, on ne veut aucune polémique sur les intentions des grévistes, au motif que l’intérêt de l’école est en jeu.
Nana Cissé
Source: Tjikan