Visiblement, le mandat d’Ibrahim Boubacar Kéïta s’annonce comme étant la période la plus sombre et la plus sanglante de l’histoire du Mali. Depuis son arrivée à la tête du pays, en septembre 2013, les années se succèdent, plus meurtrières les unes que les autres. Si le nord du Mali était la principale préoccupation de la situation sécuritaire, même après sa libération par les forces françaises, aujourd’hui le centre des soucis s’est déplacé vers le centre, la région de Mopti, à laquelle il faut associer celle de Ségou et Sikasso, et même dans une moindre mesure, le Mali-Est, la région de Kayes. L’année 2017, donc ces 45 derniers jours, a déjà fait entre 100 et 200 victimes, civiles et militaires, selon certaines sources. De l’hécatombe de l’attentat à la voiture piégée du MOC de Gao le 18 janvier, à l’attaque de la foire de Fafa le 13 mars, les Maliens perdent la vie à un rythme infernal. 2017 s’annonce pour battre tous les records de perte en vies humaines.
En 2013 et 2014, des centaines de Maliens ont perdu la vie à cause de la grave situation sécuritaire qui sévit dans le pays depuis 2012.
L’année 2015 a connu de grands attentats terroristes à l’image de la Terrasse (6 morts) et du Radisson Blu (22 morts) à Bamako et du Byblos (13 morts) à Sévaré-Mopti.
2016 a vécu avec son lot d’attentats à la roquette, de pose de mines, d’attaques armées, d’embuscades, d’assassinats ciblés, d’exécutions sommaires etc. Que de morts !
Mais en 2017, c’est déjà l’apocalypse ! Plus de 200 morts en l’espace de deux mois et demi. Est particulièrement par cette spirale meurtrière, la région de Mopti où, à la place des attentats de grande envergure, ce sont des assassinats ciblés qui sont commis contre des autorités traditionnelles, religieuses et politiques, si ce ne sont des embuscades tendues contre les forces armées et de sécurité.
Mais, c’est au nord que l’on situe l’attentat le plus meurtrier jamais commis au Mali depuis le début de la crise de 2012 et le deuxième de l’histoire de la rébellion malienne après Aguelhoc. Il est survenu à Gao le 18 janvier. Ce jour-là, le pays a été plongé dans le drame, tôt le matin, quand un kamikaze, à bord d’une voiture piégée, fit exploser sa charge dans le camp du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) où sont censés être regroupés environ 600 combattants des FAMas, de la Plateforme et de la CMA. Le bilan est effroyable : 77 morts et 115 blessés dont une trentaine au pronostic vital engagé. La nation entre dans un deuil national. Le drapeau est mis en berne pour trois jours sur décision du président de République.
Plusieurs questions ont fusé quant au mode opératoire utilisé par le kamikaze. Le suicidaire fait-il partie des combattants cantonnés ? A-t-il infiltré le groupe ? Comment s’est-il procuré un véhicule aux couleurs du MOC ? Est-ce la voiture qui était piégée ou le kamikaze qui avait une ceinture explosive ? Les réponses sont toujours attendues.
Cet attentat venait couronner la spirale de violence enclenchée au Mali, notamment depuis la signature, en mai et juin 2015, de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Pourtant, l’Accord est considéré par tous (sauf la grande majorité du peuple) comme étant la panacée pour sortir de cette crise multidimensionnelle. Au contraire, n’est-il pas en train d’être, à la pratique, le principal handicap à une sortie de crise ? Toujours est-il que la nation n’en finit pas de compter ses morts après les drames du Radisson, de Nampala, du Byblos, de La Terrasse et bien d’autres actes isolés de meurtre et d’assassinat. Les victimes du camp du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) de Gao, un axe déterminant dans l’application de l’Accord d’Alger, sont les premières de la véritable mise en œuvre de cet accord.
Bien avant la boucherie du MOC de Gao, la mort due à l’insécurité avait visité plusieurs familles maliennes. Et après Gao, elle continue à frapper. Chronologie :
Le 6 janvier, un soldat est tué et 4 autres blessés dans l’attaque d’un check-point à Ansongo, sur la route de Ménaka.
Le 11 janvier, une patrouille des Forces armées maliennes, chargée de sécuriser le tronçon Macina-Diafarabé, saute sur une mine dans la matinée, faisant 5 morts et 2 blessés.
Le 15 janvier, un terroriste surnommé « Ambulance » et recherché par la gendarmerie est arrêté à Dougabougou, dans le cercle de Niono, région de Ségou.
Le 18 janvier, c’est l’hécatombe, que vous savez déjà: un attentat-suicide à la voiture piégée contre le camp du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) à Gao fait 77 morts et 115 blessés.
Le même jour, un check-point de l’Armée est attaqué par des assaillants à Goundam, sur la route de Tonka. Bilan : 1 soldat, 5 autres, et plusieurs assaillants morts et blessés.
En début de soirée, Hamadoun Dicko, maire de Boni, est froidement assassiné par deux inconnus au moment où il se rendait dans sa famille après la mosquée. Quelques semaines plus tôt, un autre membre du conseil communal, Amadou Dicko, avait été enlevé dans la foulée d’un assaut contre la même contrée.
Le 21 janvier, le soldat de 2ème classe, Bernard Kindima Dobara de la Minusma est décédé, suite à un accident au cours d’une patrouille.
Le même jour, 14 combattants du Gatia sont tués dans une attaque à Tin-Essako.
Le lendemain, 22 janvier, un véhicule de l’Armée a sauté sur une mine faisant 3 morts et 1 blessé à 35 km de Gossi.
Le même 22 janvier : deux hommes armés ont pénétré dans la base d’une entreprise chinoise de travaux sur l’axe Macina-Ténenkou : 5 véhicules. Un acte commis par des groupes terroristes ou djihadistes qui sont contre tous les projets de développement dans la zone.
Le 23 janvier, un casque bleu, le soldat de 2ème classe, Moussa Djari Mahamat Ali, perd la vie lors d’un pilonnage à la roquette, d’une rare violence, perpétré contre le camp de la Minusma à Aguelhok, au nord de Kidal.
Le 24 janvier, en fin de matinée, une explosion, suivie de tirs au passage du véhicule de tête de la mission d’escorte de convoi du GTIA Waraba à 20 km de Hombori, fait un mort et 2 blessés.
Le 29 janvier, le chauffeur d’un mini car est tué à Boré, région de Mopti, par des bandits armés lors d’un braquage.
Dans la nuit du 30 janvier vers 20h30, a eu lieu une attaque au poste de contrôle de la gendarmerie de Somadougou, situé à quelques 30 km de Sévaré sur la RN6, par des individus armés sur 3 motos. Les gendarmes ont riposté et fait dérouter les assaillants. Bilan : un civil blessé.
Le 1er février, la foire hebdomadaire de Zinda, commune de Gabéro, région de Gao, est attaquée par des bandits lourdement armés. Bilan : au moins quatre blessés.
Le 2 février, un gendarme et un civil sont tués dans l’attaque d’un poste de sécurité à Ténenkou, région de Mopti.
Le 4 février, peu avant la prière du matin, un poste de sécurité de l’armée malienne est attaqué, par des bandits armés, à Ménaka, région de Tombouctou. Le bilan provisoire de l’attaque, selon des sources sécuritaires, est de 4 gardes morts et 8 blessés.
Le lendemain, 5 février, aux environs de 2 heures du matin, des gendarmes en patrouille sur le fleuve Niger, sont pris pour cible. Deux sont morts sous les balles de l’ennemi. Cette énième attaque s’est déroulée au poste de Tonkoronko et les patrouilleurs gendarmes, au nombre de 6 au moment des faits, venaient contrôler des mouvements suspects sur le fleuve. Surpris par des coups de feu, deux seraient morts sur le coup et un autre après.
Dans la nuit du 4 au 5 février, des assaillants ont attaqué le poste de sécurité de l’armée malienne à Madina Coura, à quelques 5 km de Mopti. Bilan : 4 gendarmes ont été tués.
Ces deux dernières attaques sont intervenues le jour de l’arrivée à Bamako des chefs d’Etat du G5 Sahel pour essayer de savoir si « la situation sécuritaire au Mali a des répercussions dans la sous-région sahélienne ».
Le 12 février, des affrontements ethniques entre Bambaras et Peuls dans la commune rurale de Macina, région de Ségou, font officiellement 13 morts. La presse nationale donne le chiffre définitif de 20 corps, alors que des sources locales parlent de 42 peuls massacrés.
Tout est parti de l’assassinat d’un boutiquier de Diawaribougou, village situé à 5 km de Macina, par deux individus présumés djihadistes. En représailles à cet acte, les chasseurs de la localité ont investi tous les hameaux peuls de la zone, laissant derrière eux des cadavres d’hommes, de femmes, d’enfants et d’animaux et des ruines de maisons incendiées.
Le 5 mars, une attaque terroriste contre la base militaire de Boulkessi, à la frontière du Burkina, fait 11 soldats et 5 blessés. Plus des véhicules détruits, et de nombreux armements emportés.
Les forces françaises stationnées dans la région ont envoyé des hélicoptères pour aider les forces maliennes à évaluer le site de l’attaque. Vingt (20) soldats maliens auraient traversé le territoire burkinabè pour fuir les combats.
Une source de sécurité régionale a déclaré que l’attaque a été menée par Ansarul Islam, un groupe terroriste qui a revendiqué une attaque en décembre dans laquelle 12 soldats burkinabè ont été tués. Ansarul Islam est dirigé par le Burkinabé Malam Ibrahim Dicko, un prédicateur radical qui veut créer un «royaume» islamiste dans la région, selon les experts.
Mais, selon l’agence mauritanienne ANI (Agence Nouakchott Information), la même attaque a été revendiquée par la nouvelle organisation d’Iyad Ag Ghali, Jamaât Nasr Al islam wa Al mouminin. Elle est issue de la fusion récente de plusieurs groupes terroristes actifs dans le Sahel. L’attaque de Boulkessi est la première opération officiellement revendiquée par cette formation. Quelques jours à peine après l’annonce de sa constitution par les agences privées mauritaniennes ANI et Al-Akhbar.
Enfin, le 13 mars, une attaque a été perpétrée par des « assaillants armés » dans les environs du village de Fafa, près de la frontière avec le Niger. Fafa est située à une cinquantaine de kilomètres d’Ansongo, dans la région de Tombouctou. Deux soldats et autant de civils ont été tués. Deux véhicules de l’armée ont été également emportés par les assaillants, des djihadistes. L’unité des forces armées attaquée assurait la protection des forains dans la zone.
CH Sylla
Source: L’Aube