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Le réflecteur : Des Martyrs sacrifiés sur l’autel de la lâcheté

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 Réflecteur Martyrs sacrifiés sur l’autel  lâcheté

17 mars 1980-17 mars 2017 : cela fait 37 ans qu’Abdoul Karim Camara dit Cabral, secrétaire général de l’Union nationale des élèves et étudiants du Mali (UNEEM), a été arraché à sa famille, ses camarades de lutte, aux démocrates maliens. Trente-sept que nous le pleurons sans jamais avoir le droit humain de faire notre deuil.

La révolution est souvent comme un arbre bien enraciné dans un terreau fertile. Quand on arrache un bourgeon, un autre repousse. Ainsi, les cadets de Cabral ont repris le flambeau de la lutte pour l’émancipation du peuple onze ans après au sein de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM). Et cette fois, le dictateur est terrassé. Même s’il a chuté dans le sang des manifestants, giclant souvent entre des corps calcinés, des membres en lambeaux. Des vies ont été sacrifiées pour qu’une ère démocratique s’ouvre au Mali, pour que souffle le vent de la liberté et que les Maliens ne souffrent plus du déséquilibre de la balance de la justice.

Ce fut le prix à payer pour instaurer un système qui accepte que l’on vive en démocratie, que chaque Malien soit l’égal de l’autre, que nous soyons tous égaux devant la loi. La justice, l’égalité, l’intégrité, la probité devaient être des valeurs de la morale politique, son socle. Hélas ! L’espoir a duré à peine dix ans. La révolution a-t-elle échoué ? A-t-elle été détournée de ses objectifs parce qu’elle a mangé elle-même ses enfants ?

Toujours est-il que le sacrifice de Cabral et des martyrs du 26-Mars 1991 a été aussi sacrifié sur l’autel de la conquête du pouvoir dont l’appétit a ouvert des brèches dans les rangs du Mouvement démocratique. Les opportunistes s’y sont engouffrés pour perpétuer les travers que notre révolution voulait combattre. La justice et l’égalité sont devenues des leurres dans un pays où le nombre de “milliardaires de la démocratie” ne cesse d’exploser dans un océan de misère tentaculaire.

Occupés à puiser dans les caisses de l’Etat, à spolier les terres des plus pauvres, à voler l’orphelin et à violer les veuves avant de leur rendre sauces, ces pseudo-démocrates ont sacrifié toutes les valeurs socioculturelles pouvant permettre à un peuple de demeurer optimiste sur son avenir. Le Mali des valeurs se meure à petit feu !

La compétence ou le mérite ne suffit plus pour prétendre à une promotion, y compris au sein des Forces armées et de sécurité. Le droit de cuissage s’est substitué aux diplômes si on n’a pas de quoi payer pour passer à la fonction publique ou intégrer l’armée, la police, la gendarmerie…

A la douane c’est pire avec des places vendues entre 3,5 et 5 millions de F CFA. Certains vont emprunter de l’argent parce qu’assurés qu’une fois intégrés, ils peuvent rembourser en moins de six mois en s’arrangeant avec les importateurs sur le dos de l’Etat. Tant pis pour les recettes douanières pourtant vitales pour le Trésor public !

La République a vendu son âme aux rebelles, aux trafiquants d’armes et de drogues. Le pouvoir a alors vacillé semant la panique dans ses allées et dans les rangs des Forces armées et de sécurité. Dans la débandade, des aventuriers ont pris le pouvoir pour se saouler, se venger, s’enrichir et accélérer la décadence du pouvoir et mettant le pays du coup, sous la tutelle.

Et depuis, que d’humiliations pour ce pays pour lequel tant de martyrs se sont sacrifiés ! Loin de tirer les enseignements de cette descente aux enfers, le pouvoir s’enferme à Koulouba et se voile le visage en traversant la ville entre Sébénikoro et le palais afin de ne pas voir cette misère perceptible partout comme signe de son échec à restituer aux Maliens leur dignité.

Comme le dit un confrère, “le président tient encore debout, mais tout va mal”. Loin de sortir de l’impasse de la crise de 2012, le pays avance dangereusement vers le précipice. Des milliards sont régulièrement injectés dans une paix factice pour entretenir des bandits armés et des terroristes qui ont pris plaisir à faire chanter un pouvoir lâche. Un régime chancelant qui pense ainsi s’acheter une stabilité comme une prostituée s’achèterait une virginité pour effacer son passé.

Rien ne va plus  pour le Malien lambda ! “Certains citoyens arrivent à se plaindre alors que les autres restent à l’écoute des leaders religieux. Sur le plan social, ça veut exploser, trop de corruption. Peu d’autorité de l’Etat” ! Ce diagnostic, loin d’être exhaustif, est du même confrère !

Et pourtant, tout baigne pour le pouvoir et ses serviteurs zélés. Mais, il ne faut pas surtout le dénoncer au risque de prolonger les “débats de caniveaux”, d’être traités de “drogué” si vous n’êtes pas étiquetés “aigris”. Comment ne pas être aigris quand on vous prend tout, jusqu’à votre honneur et votre dignité ?

Jusque-là épargné, même si “La Maîtresse du président” l’a un moment ébranlé, la liberté d’expression n’est tolérée que du bout des lèvres. Les journalistes sont menacés avant de s’évaporer dans la nature. Ainsi, Birama Touré est porté disparu depuis le 29 janvier 2016. Il s’est volatilisé. Personne ne s’en émeut à Koulouba ou à la Cité administrative !

Que fait le peuple ? Résigné ! Comme toujours ! On se défoule sur les réseaux sociaux. Mais, quand il s’agit d’agir, chacun est très occupé pour venir protester. On a plutôt peur pour sa place. On crie dans les “grin”, mais quand le bourreau se pointe, on avale sa langue ou on range sa queue entre les jambes.

Finalement ceux qui ne sont pas intimidés, se taisent dès qu’ils ont leur part du gâteau. Difficile de leur en vouloir, car qui n’aimerait pas être arraché à cette misère, à cette galère ? Il faut vraiment avoir de solides convictions pour résister à ces propositions alléchantes et ranger sa plume ou avaler sa langue et rester aphone, sourd-muet et aveugle.

Les martyrs se sont sacrifiés pour survivre à travers les valeurs pour lesquelles ils se sont battus ! Mais, nous les avons enterrés en sacrifiant les mêmes valeurs sur l’autel de la mégalomanie, de la cupidité ou de la lâcheté ! Nous sommes si lâches que nous n’osons même plus lutter et braver ceux qui amènent notre pays vers le chaos pour espérer les ramener à la raison ou les vaincre en les mettant à la tâche. Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise…

 Réflecteur Martyrs sacrifiés sur l’autel  lâcheté

Moussa Bolly

Source: Le Reflet

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