Présidentielle Corée Sud jeunes veulent changement
Les électeurs nés dans les 30 années qui ont suivi l’avènement de la démocratie en Corée du Sud voteront mardi à la présidentielle pour exiger le changement car leurs perspectives se sont assombries dans un contexte de ralentissement de la croissance.
Le “miracle” économique sud-coréen avait permis à un pays ruiné et ravagé par la guerre de devenir la quatrième économie d’Asie.
Mais les jeunes vivent des circonstances radicalement différentes de celles de leurs parents, à qui il suffisait de travailler dur pour connaître le succès et la richesse, indépendamment de leurs origines sociales.
Depuis cinq ans, le taux de chômage des jeunes (de moins de 30 ans) augmente. En 2016, il a atteint un sommet, à 9,8%, soit plus du double que le taux global.
La société sud-coréenne, qui a opéré sa transition démocratique entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, est poussée par la performance. La pression pour entrer dans les universités les plus prestigieuses est telle que la plupart des enfants prennent des cours supplémentaires dans des centres spécialisés dès la primaire.
Mais les Sud-Coréens de 20 ou 30 ans découvrent qu’une bonne éducation ne garantit plus un emploi décent, et les entreprises hésitent à embaucher alors que la croissance a ralenti en dessous des 3%.
Théorie de la cuillère
D’après la presse, les conglomérats géants qui dominent l’économie — Samsung, SK ou Hyundai — reçoivent des centaines de milliers de CV chaque année quand ils ne proposent que quelques milliers de postes.
L’entrée des jeunes sur le marché du travail est sans cesse reportée. Ils sont d’autant plus frustrés qu’ils ont le sentiment que les choses ne vont jamais s’améliorer à cause des rigidités sociales.
“Je crois que le plus gros problème, c’est l’inégalité”, dit Park Hye-Shin, étudiante de 27 ans à l’Université Hankook des études étrangères. “On ne peut gravir l’échelle sociale quels que soient les efforts que l’on fait. Même si on est passé par la meilleure université, tout ce qu’on fait dans la vie, c’est subir compétition après compétition”.
Illustrant ce sentiment d’injustice, la théorie en vogue dite de la cuillère, qui tient son origine de l’expression anglaise désignant les gens d’origine aisée “nés avec une cuillère en argent dans la bouche”.
Dans la version sud-coréenne, et conformément à cette société extrêmement stratifiée, la théorie compte trois niveaux: les “cuillères en or” pour les jeunes nés dans des familles riches, les “cuillères en argent” pour ceux dont les parents appartiennent aux classes moyennes et les “cuillères en boue” pour les jeunes issus de familles pauvres sans aucun espoir d’avancement social.
Les frustrations sociales et économiques croissantes ont contribué aux manifestations de masse de 2016 pour exiger le départ de l’ex-présidente Park Geun-Hye, emportée par un vaste scandale de corruption. Sa destitution a provoqué la présidentielle anticipée de mardi et les jeunes électeurs — au premier rang des manifestants– veulent faire bouger les choses.
“C’est le peuple qui a provoqué l’élection”, dit I Gyeong-Eun, étudiante de 22 ans à l’université Hanyang. “Voter, c’est essentiel, mais ça ne s’arrête pas là, c’est seulement le début”.
Sans solution
D’ordinaire, le taux de participation des moins de 30 ans est le plus faible de toutes les classes d’âge. Mais d’après un sondage Gallup Korea, 93% des jeunes électeurs disent qu’ils iront voter “sans aucun doute”.
“Les jeunes étaient au coeur” des manifestations anti-Park et “se languissent de changer une société injuste”, souligne Koo Jeong-Woo, professeur de sociologie à l’Université Sungkyunkwan.
Le favori Moon Jae-In, du Parti démocratique de centre-gauche, promet “une économie centrée sur le peuple” et la création de 810.000 nouveaux emplois, pour la plupart dans la fonction publique, dont un tiers réservés aux jeunes.
Son rival Ahn Cheol-Soo a promis une allocation mensuelle d’environ 500.000 wons (400 euros) aux jeunes employés par des petites ou moyennes entreprises, afin de compenser les écarts par rapport aux salaires versés par les sociétés plus grosses.
Certains n’ont guère d’espoir.
“Aucun des candidats n’a proposé de solution claire aux problèmes” de la jeunesse, dit Hahn Kyu-Sup, professeur de communication à l’Université nationale de Séoul.
I Gyeong-Eun a organisé des débats à son université pour disséquer les programmes de chacun et voir qui était le meilleur candidat pour les jeunes, sans succès.
“Ils se focalisent sur le fait de rabattre l’adversaire. Les politiques pour les jeunes n’ont pas été discutées en profondeur”, dit l’étudiante qui ne sait toujours pas pour qui voter.
Présidentielle Corée Sud jeunes veulent changement
(©AFP / 08 mai 2017 13h55)