Côte d’Ivoire trois morts lors manifestation ex-rebelles
Trois ex-rebelles “démobilisés” ont été tués et au moins une dizaine blessés mardi lors de la dispersion de leur attroupement par les forces de sécurité à Bouaké, deuxième ville de Côte d’Ivoire et épicentre des mutineries de soldats en janvier et mai.
Trois corps ensanglantés ont été amenés au Centre hospitalier universitaire de Bouaké, peu après l’assaut des forces de police vers 7h00 (locales et GMT), a constaté un journaliste de l’AFP. Une dizaine d’autres personnes, dont trois grièvement blessées, ont été hospitalisées.
“C’est grave ce qui est arrivé. Nous avons trois morts dans nos rangs”, a affirmé à l’AFP Amadou Ouattara, porte-parole adjoint des “démobilisés”. “Je ne sais que dire. Je n’aurais jamais imaginé qu’on puisse tirer sur des personnes aux mains nues qui manifestaient”.
Les “démobilisés” sont d’anciens rebelles qui n’ont pas été intégrés à l’armée, contrairement aux soldats qui s’étaient mutinés il y a une dizaine de jours. Environ 6.000 “démobilisés” réclament chacun 18 millions de francs CFA de primes” (27.000 euros) alors que les 8400 mutins ont obtenu chacun 12 millions (18.000 euros) après avoir mené deux mouvements en janvier et mai.
Lors de la mutinerie mi-mai, un démobilisé a été tué à Bouaké par des soldats mutinés, qui craignaient que les revendications des démobilisés ne mettent en péril le paiement de leurs propres primes.
Le défunt devait être enterré lundi et les démobilisés avaient appelé à une journée d’action pour ses funérailles. Ils ont bloqué dans la journée de lundi l’entrée sud de Bouaké et l’entrée nord de la ville de Korhogo (nord), et une cinquantaine d’entre eux ont aussi vainement tenté de bloquer l’entrée nord d’Abidjan.
Débandade
A Bouaké, ancienne “capitale” de la rébellion ayant soutenu le président Alassane Ouattara pendant la crise électorale de 2010-2011, les forces de l’ordre sont intervenues pour déloger les démobilisés de l’entrée sud de la ville qui se situe sur le principal axe du pays, reliant Abidjan au nord du pays et au Burkina Faso.
Cette route vitale avait déjà été bloquée pendant plusieurs jours lors des mutineries de la semaine dernière. Plus de 500 camions avaient été quasiment immobilisés pendant la crise de quatre jours, les mutins contrôlant alors les entrées sud et nord de Bouaké. Dimanche, le trafic n’était toujours pas revenu à la normale. Un important contingent de forces de l’ordre étaient positionné à l’entrée sud de Bouaké mardi.
“Ca s’est passé vers 7h. Les policiers ont commencé à lancer des gaz lacrymogènes”, raconte Diakité Aboudou, délégué des démobilisés de Ouangolodogou (nord) qui était présent à Bouaké.
“Nous sommes restés et on a entendu des bruits de grenades (sans précision sur le type, assourdissantes ou explosives). Ca a été la débandade. Après, on a entendu des tirs de pistolets automatiques et de Kalachnikov. Vous voyez, les morts ont été tués par balles”, a-t-il ajouté.
A Korhogo, les démobilisés qui occupaient l’entrée nord depuis la veille ont quitté les lieux dans la matinée sans incident et sans avertir personne, a constaté un correspondant de l’AFP.
“Ils ont sans doute appris les événements de Bouaké mais nous sommes sur nos gardes”, a confié un policier sous couvert de l’anonymat.
“Nous sommes prêts pour le sacrifice suprême pour avoir nos primes de guerre”, a assuré Issouf Ouattara, porte-parole des démobilisés à Korhogo.
Aucune réaction officielle n’était disponible dans l’immédiat. La ministre de la Solidarité Mariatou Koné, qui s’était rendue à Bouaké lundi, a affirmé brièvement au téléphone mardi matin, avant que le bilan des victimes soit connu : “J’appelle au calme car la violence ne règle rien”. “Il faut que la paix règne en Côte d’Ivoire”, a-t-elle dit prônant “la voie de la négociation et du dialogue”.
Un accord conclu entre le gouvernement et les mutins avait permis de mettre fin au mouvement lancé le 12 mai à Bouaké.
Les mutins ont obtenu satisfaction en quelques jours à la pointe du fusil alors que les fonctionnaires ivoiriens font régulièrement grève depuis des mois, réclamant augmentations de salaires et paiement d’arriérés de primes estimés à plus de 200 milliards de FCFA (300 millions d’euros).
L’économie ivoirienne connaît une croissance soutenue mais la forte baisse des cours du cacao, produit d’exportation vital pour la Côte d’Ivoire, a obligé le gouvernement à revoir son budget à la baisse.
Côte d’Ivoire trois morts lors manifestation ex-rebelles
(©AFP / 23 mai 2017 14h50)