Réflecteur Vivre sang prochain
Un vent de panique a soufflé sur Bamako le vendredi 26 mai 2017 à cause d’une pénurie de carburants dans les stations-services, suite à une grève du Syndicat national des chauffeurs et transporteurs routier (Synacor/Mali) du lundi 22 au vendredi 26 mai 2017.
Une crise liée beaucoup plus à la panique qu’à une réelle rupture de stock. Des malins ont diffusé la veille, via des réseaux sociaux, qu’il y aura une panne de carburants dans la capitale à cause de cette grève. Et le lendemain, les usagers se sont précipités pour prendre plus de carburant ou de gasoil que d’habitude.
Vendredi dernier, il n’était donc pas rare de voir des propriétaires d’engins à deux roues en sueur à force de pousser leurs motos et des voitures garées ici et là en panne sèche. Pendant toute la journée, les Bamakois ont pris d’assaut les stations-services avec d’interminables rangs.
Et les spéculateurs ont naturellement sauté sur l’aubaine, notamment des vendeurs informels qui sont partis s’approvisionner tôt pour stocker le carburant. Face à la demande, le litre d’essence est passé de 695 F CFA le litre à la pompe à 1000 F CFA, voire 1250 ou 1500 F CFA en certains endroits de la capitale. Et les usagers ne discutaient même pas le prix parce qu’ils savaient qu’ils n’avaient pas le choix : à prendre ou à laisser !
Il est vrai que ce mouvement s’est traduit pas l’immobilisation des camions-citernes et autres gros-porteurs aux frontières du Mali avec le Burkina Faso (Hèrèmakono), la Côte d’Ivoire (Zégoua) et le Sénégal (Diboli).
“A Hérémakono, à la frontière du Mali avec le Burkina Faso, les chauffeurs de gros porteurs sont en grève depuis 4 jours. Ils demandent plus de considération pour leur profession, une sécurité sociale et la fin des tracasseries subies de la part des forces de l’ordre. Ce mot d’ordre de grève est respecté à toutes les frontières du Mali”, avait précisé la veille Sékouba Diallo, secrétaire administratif du Syndicat des chauffeurs et conducteurs du Mali sur les réseaux sociaux.
Ainsi, beaucoup de stations-services de Bamako et de l’intérieur du pays étaient en manque de carburants depuis jeudi soir. Cela beaucoup plus à cause de la spéculation que d’une réelle rupture de stock.
En effet, comme nous l’a dit un responsable de l’Onap, sans le mouvement de panique savamment orchestré, “on peut faire au moins une semaine sans crise avec le stock disponible si les gens continuent à prendre juste ce qu’il leur faut comme carburants au lieu de stocker pour prévenir ou provoquer une pénurie afin de vendre plus cher”.
Le Malien adore la surenchère ! Et toutes les situations de crise sont pour nombreux d’entre-nous des aubaines pour vivre du sang de notre prochain. C’est pourquoi les prix ne cessent de prendre l’ascenseur. La solidarité, la compassion… sont désormais désuets dans nos habitudes.
Exploiter la misère des autres pour faire fortune
Heureusement, un accord a été trouvé le même jour en fin d’après-midi entre la direction nationale du travail, la direction nationale des transports terrestres, maritimes et fluviaux, d’une part, et le syndicat des chauffeurs et transporteurs routiers affilié à Confédération syndicale des travailleurs du Mali (CSTM), d’autre part.
Et c’est en fonction des avancées que le Syndicat des chauffeurs et transporteurs routiers du Mali a donc décidé de suspendre son mot d’ordre de grève illimitée. Au grand soulagement des consommateurs maliens déjà éprouvés par la hausse vertigineuse des prix des denrées de première nécessité en cette veille de ramadan. N’empêche qu’il y avait toujours une foule énorme dans les stations-services jusqu’à leur fermeture.
Comme l’a commenté un jeune confrère, suite à cet accord, “le pire a été évité aujourd’hui avec la pénurie de carburant suite à la grève des transporteurs”. Et de poursuivre, “va-t-on continuer à jouer au démineur ou régler les problèmes en amont ?” ! Question pertinente ! Dans cette affaire, le gouvernement a beaucoup péché. D’abord parce qu’il a visiblement minimisé, voire négligé le préavis déposé par le syndicat des chauffeurs et transporteurs routiers. Et cela à l’approche d’une période cruciale comme le ramadan où même un approvisionnement correct du marché national n’empêche pas la hausse vertigineuse des prix. Le choix du moment du préavis n’est pas anodin parce que le syndicat savait qu’il était en position de force en cette période de forte demande.
Malheureusement, le gouvernement n’a pas su saisir l’opportunité de se ressaisir : communiquer ! Les autorités maliennes auraient dû anticiper sur ce mouvement en communiquant pour rassurer sur le stock disponible. Il fallait que les usagers comprennent qu’ils n’avaient pas de raison de paniquer dans l’immédiat.
Malheureusement, nos gouvernants se confinent toujours dans le rôle de sapeurs-pompiers et cachent leur impuissance par des communiqués de presse. Mais, le manque d’autorité de l’Etat est encore plus criard dans ses relations avec le milieu des affaires.
Nos opérateurs économiques connaissent généralement les points faibles de nos cadres : l’argent ! Sans compter qu’ils sont souvent des hommes de main chargés de blanchir les fonds détournés aux dépens du Trésor public.
En conséquence, “tous les prix ont pris l’ascenseur…
Quasiment tous…”, déplore Assétou Gologo dite Tétou, bloggeuse et activiste. C’est ridicule de voir un ministre se bomber la poitrine pour dire que nous avons obtenu telle réduction sur le sucre, le riz ou l’huile… En effet, ces réductions sont tellement dérisoires et même pas appliquées par tous, mais les produits cités démontrent que nos dirigeants ne pensent qu’aux riches et à la classe moyenne de Bamako, aux grandes villes…
Alors que la répercussion de ces hausses de prix est généralement plus dramatique dans les familles démunies et dans les campagnes. Le riz, le sucre… ? N’est-ce pas aujourd’hui un vrai luxe pour la grande majorité des Maliens ?
Notre sœur A. Gologo a raison de rappeler que “on pense au sucre comme si c’était un aliment essentiel, on en baisse les prix un chouïa, histoire de se donner le beau rôle, et on oublie le reste, ce qui nous nourrit sans nous tuer…”
C’est de l’utopie que de miser sur les commerçants pour offrir à manger à la population malienne. Tout comme il est utopique de vouloir atteindre l’autosuffisance alimentaire en continuant à exonérer les importations qui sont en partie la cause de la misère alimentaire des Maliens.
La solution, c’est la revalorisation de nos produits locaux par une assistance idoine aux producteurs et une meilleure organisation des circuits de commercialisation pour que les opérateurs économiques ne puissent plus continuer à tondre la laine sur le dos des paysans et des consommateurs.
Et il faut une réelle volonté politique pour booster un secteur névralgique comme l’agriculture. Mais, en politisant nos filières agricoles, en faisant des organisations paysannes des outils de propagande politique et de manipulation des masses, il ne faudrait pas s’attendre que les moissons tiennent la promesse des fleurs.
Cela d’autant plus que, quels que soient les sacrifices consentis par le budget national et quelles que soient les initiatives présidentielles, les Maliens vont continuer à être menacés par la faim parce qu’ils (les moyens et initiatives) seront utilisés à d’autres fins.
Et les vrais méritants ne seront pas les bénéficiaires réels. La preuve est que, malgré les efforts consentis (prix abordables des intrants, mécanisation progressive…) par le gouvernement, l’autosuffisance alimentaire demeure toujours un mirage pour les Maliens.
Et cela parce que les commerçants maliens ont pris goût à sucer le sang des pauvres par des prix hors de portée et rarement justifiés. Il faut exploiter la misère des autres pour faire fortune. Les marges bénéficiaires sont ainsi doublées, voire triplées. On paye à vil prix des productions nationales (riz, mil, maïs, fonio, haricot…) aux paysans et on les stocke le temps de créer la pénurie sur le marché et augmenter les prix.
Ce sont les pauvres qui trinquent ! Hélas ! Sinon, même à 5000 F CFA le kilo du riz ou du sucre, les prix ne perturberont jamais le sommeil de nos ministres, hauts cadres de l’administration, la nouvelle bourgeoisie de la pègre nationale.
“Depuis que nous essayons d’appliquer la solidarité telle qu’elle nous a été inculquée par différents civilisateurs, et bien nous avons oublié cette solidarité innée en nous, celle qui a donné naissance au maaya”, déplore Assétou Gologo dite Tétou ! L’humaniste est révolu ! C’est l’heure du profit qui fait que le Malien n’a jamais été autant un loup pour ses semblables.
Et pour le reggaeman Oumar Koïta nous a prévenus : “In anw ma hinè nyogon la, Anw bè nyogon faga fu” ! Si nous sacrifions la compassion, la solidarité et l’humanisme, nous nous entretuerons inutilement comme des bêtes sauvages !
En tout cas, le gouvernement ne perd rien à entretenir cette situation en s’abritant derrière des communiqués démagogiques pour se donner bonne conscience. Bientôt le vote sanction des drogués des réseaux sociaux et des débatteurs des caniveaux !
Moussa Bolly
Réflecteur Vivre sang prochain
Source: Le Reflet