Homo sapiens notre espèce 100.000 ans plus vieille estimé jusqu’ici
D’un coup d’un seul, notre espèce a vieilli de quelque 100.000 ans.
Des restes d’Homo sapiens mis au jour au Maroc, vieux de 300.000 ans, font reculer de 100.000 ans les origines de notre espèce, selon deux études publiées mercredi dans la revue Nature.
“Cette découverte représente la racine même de notre espèce, l’Homo sapiens le plus vieux jamais trouvé en Afrique ou ailleurs”, explique le Français Jean-Jacques Hublin, directeur du département d’Évolution humaine de l’Institut Max Planck à Leipzig (Allemagne) et coauteur des travaux.
“Le nid de restes humains”, “dont des découvertes tout à fait remarquables, notamment une face humaine et une mandibule, probablement la plus belle mandibule d’Homo sapiens d’Afrique” a été découvert lors de fouilles entreprises en 2004 sur le site de Jbel Irhoud dans le nord-ouest du Maroc.
Loin d’être au bout de leur surprise, les chercheurs ont alors constaté que “la face d’un de ces premiers Homo sapiens est la face de quelqu’un que l’on pourrait rencontrer dans le métro”. Jean-Jacques Hublin s’amuse à raconter que si l’homme de Jebel Irhoud portait un chapeau, on ne pourrait pas le différencier de nous.
Le site réserverait encore des surprises
Sa boîte crânienne, par contre, est encore assez différente de celle de l’homme actuel. “Il reste encore une longue évolution avant d’arriver à une morphologie moderne”, précise le professeur invité au Collège de France.
Le site, situé dans la région de Safi, à 400 km au sud de Rabat, est bien connu des archéologues. En 1968 déjà, il a livré le fossile d’un jeune enfant Homo sapiens, appelé d’Irhoud 3, initialement daté à 40.000 ans puis à 160.000 ans.
Sceptiques quant à la véracité de cette datation, Jean-Jacques Hublin et les membres de son équipe engagent de nouvelles fouilles en 2004. Les archéologues reviennent avec bien plus qu’une nouvelle datation et font l’objet, mercredi, de deux études distinctes dans Nature ainsi que la couverture de la revue.
“On a fait passer le nombre de restes humains du site de 6 à 22”, s’enthousiasme le chercheur. Des restes appartenant au moins à cinq individus: trois adultes, un adolescent et un enfant. “Et ce n’est pas fini!”, ajoute-t-il.
Des ancêtres dispersés
La datation de ces fossiles à été obtenue par Daniel Richter, expert en géochronologie à l’Institut Max Planck de Leipzig au moyen de la thermoluminescence, une technique très connue et utilisée depuis les années 80.
Les hommes de Jebel Irhoud détrônent Omo I et Omo II, découverts à Omo Kibish en Ethiopie et datés autour de 195.000 ans. Un peu plus tôt mais également en Ethiopie, trois crânes fossilisés datés d’environ 160.000 ans avaient été découverts près du village de Herto, en pays Afar.
Ces découvertes toutes réalisées dans la même région avaient laissé penser que tous les hommes actuels descendaient d’une population qui vivait en Afrique de l’est, “un jardin d’Eden”. Une théorie totalement remise en cause par les découvertes de Jebel Irhoud.
“Middle Stone Age”
De plus, les outils trouvés sur le site avec nos ancêtres – des éclats et surtout des pointes retouchés – sont typiques de ce que l’on appelle le ‘Middle Stone Age’.
“On a déjà retrouvé ce type d’outils, également datés de 300.000 ans, un peu partout en Afrique sans savoir qui avait pu les fabriquer”, explique Daniel Richter.
Maintenant les chercheurs estiment que l’on peut associer la présence des outils à celle de l’Homo sapiens.
“Très certainement avant 300.000 ans, avant Jebel Irhoud, une dispersion des ancêtres de notre espèce sur l’ensemble du continent africain avait déjà eu lieu”, ajoute-t-il. “Toute l’Afrique a participé au processus”.
De nombreux groupes très différents ont donc coexisté, non seulement dans des régions lointaines les unes des autres mais peut-être également dans des régions proches.
De nombreux groupes d’Homo sapiens archaïques auxquels s’ajoutent d’autres espèces humaines comme l’Homo erectus, les néandertaliens, les denisoviens peut être les Homo naledi …
“Il y a donc eu pendant longtemps plusieurs espèces d’hommes à travers le monde, qui se sont croisées, ont cohabité, échangé des gènes….”, dit Antoine Balzeau paléoanthropologue qui n’a pas participé à cette découverte mais la qualifie de “très belle”.