Même la Cour constitutionnelle pourtant si prompte à couvrir les irrégularités flagrantes commises par ce régime s’est démarquée de cette attitude anti démocratique, à la limite de la haute trahison du peuple malien, qui a consisté dans la loi de révision constitutionnelle n°2017-031/AN-RM du 2 juin 2017, à supprimer le membre de phrase suivant qui fait obligation au Président de la République de : « garantir l’indépendance de la patrie et l’intégrité territoriale ». Démonstration.
Ainsi, la Cour déclare dans son Avis n°2017-01/CCM du 6 juin 2017 ce qui suit : « L’article 37 occulte dans la formulation du serment du Président de la République, la garantie de « l’indépendance de la patrie et l’intégrité territoriale », deux préceptes qui focalisent l’attention de toute la nation en ce moment ».
A l’instar de la Cour constitutionnelle, l’opinion malienne ne comprend pas pourquoi au moment où le pays connaît une agression sans précédent contre son indépendance et son intégrité territoriale, le Président de la République profitant de sa révision constitutionnelle, décide de supprimer, de barrer d’un gros trait, l’essentielle des obligations constitutionnelles qui lui incombent en la matière que la Constitution du 25 février 1992 a pris le soin d’insérer dans le serment qu’il prête à l’entame de son mandat. Et qui est le suivant (Voir article 37), débarrassé de ce tripatouillage au fort accent anti patriotique : « “Je jure devant Dieu et le peuple malien de préserver en toute fidélité le régime républicain, de respecter et de faire respecter la Constitution et la Loi, de remplir mes fonctions dans l’intérêt supérieur du peuple, de préserver les acquis démocratiques, de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national. Je m’engage solennellement et sur l’honneur à mettre tout en œuvre pour la réalisation de l’unité africaine”.
Il importe de préciser ici que la Constitution de 92, tout en stipulant à l’article 29 que le Président est le « garant de l’indépendance, de l’intégrité territoriale » a, de manière tout à fait logique et volontaire, sans aucun souci de redondance, estimé que cette prérogative présidentielle essentielle devait nécessairement figurer dans le serment présidentiel.
Encore une fois, quelle idée machiavélique se cacherait-elle derrière cette amputation opérée par la révision constitutionnelle sur le serment du Président de la République ? Un Président, il faut bien le reconnaître, décidément mal à l’aise avec l’article 37 de la Constitution ! L’opinion nationale comprend très bien à quoi nous faisons allusion ici lorsqu’en 2013 pendant sa prestation de serment, le même Président de la République avait omis-nous osons malgré tout le croire- de prononcer le membre de phrase du serment relatif à l’obligation qui lui incombe de « respecter et de faire respecter la Constitution et la loi ». Il est vrai qu’à l’époque, il avait dû trouver une formule à la constitutionnalité approximative du reste, pour se rattraper de cette omission gravissime dans une démocratie.
Dans le cas présent, la révision constitutionnelle du Président ne pourrait aucunement s’en sortir avec des rafistolages qu’elle serait éventuellement tentée d’opérer sur l’article 37. A l’instar des manipulations opérées par on ne sait qui sur le texte dit de la loi constitutionnelle préalablement examiné par la Cour constitutionnelle qu’on a corrigé, toute réinsertion éventuelle de la suppression gravissime opérée dans le serment présidentiel ne peut qu’être anti constitutionnelle. C’est ce qui ressort de l’Arrêt CC-n°01-128 du 12 décembre 2001 dans lequel la Cour a déclaré l’inconstitutionnalité de la loi constitutionnelle au motif que le texte publié dans le Journal Officiel le 18 octobre 2001 était différent en plusieurs de ses dispositions du texte voté par l’Assemblée nationale le 21 juillet 2000. Elle a notamment précisé que « la loi adoptée par l’Assemblée nationale doit être publiée telle qu’elle l’a été au Journal Officiel conformément aux termes de l’article 69 de la Constitution ; que toute modification de la loi déjà votée doit se faire par un autre vote à l’Assemblée Nationale ». En conséquence, seule une seconde lecture permet d’apporter des correctifs sur une loi votée par l’Assemblée nationale.
La révision constitutionnelle peut-elle se poursuivre au mépris de cette autre irrégularité gravissime qui s’ajoute à la liste déjà longue, très longue, des violations constitutionnelles ?
Dr Brahima FOMBA
Chargé de Cours à Université des Sciences
Juridiques et Politiques de Bamako(USJP)
Source: L’Aube