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L’arrêt du 4 juillet 2017 ; Les failles des moyens de défense du gouvernement

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Dr-Brahima-Fomba
L’arrêt 4 juillet 2017 failles moyens défense gouvernement

L’Arrêt n°2017-04/CCM/REF du 4 juillet 2017 qui ne peut être compréhensible qu’en tant que décision politisée drapée dans des arguties juridiques approximatives, semble occulter les moyens dérisoires et proprement inopérants utilisés par le gouvernement dans son Mémoire en défense face à certains griefs soulevés par les députés d’opposition. Analyse.

A titre de rappel, précisons que les points soulevés par l’opposition tenaient pour l’essentiel en cinq (05) principaux griefs retenus dans la requête du 16 juin 2017 en contrôle de constitutionnalité de la loi n°20127-31/AN-RM du 2 juin 2017 portant révision de la constitution : violation de l’article 118 de la Constitution ; erreur sur la date d’adoption du projet de loi constitutionnelle ; forme inappropriée de présentation du texte soumis à la Cour constitutionnelle et publié contenant les amendements portés au projet de loi constitutionnelle du Président de la République ; silence sur la durée du mandat des sénateurs du Président de la République  et enfin ouverture d’une voie parlementaire de révision de la Constitution.

Face à ces griefsle gouvernement n’a pu opposer dans son Mémoire en défense en date du 23 juin 2017 que des arguties juridiques aussi légères que les légèretés rédactionnelles chroniques de sa loi constitutionnelle querellée.

Ce Mémoire en défense brille plutôt par son amateurisme déconcertant. Il est vrai qu’étant en panne sèche d’argumentaires juridiques sérieux, il savait pertinemment que la Cour constitutionnelle qui n’éprouve plus aucun scrupule quant à son parti pris grotesque dans ce dossier de révision constitutionnelle, ne pouvait accoucher que de cet Arrêt politisé maladroitement enveloppé dans un condensé d’expertise juridique approximative.

La Cour constitutionnelle complètement asservie et qui dit tout sauf du droit, s’est montrée particulièrement performante dans son métier de rafistolage juridique et de cafouillage institutionnelle de la loi constitutionnelle !

Dans cet Arrêt n°2017-04/CCM/REF du 4 juillet 2017, les démons de la collision ne sont pas les seules choses les mieux partagées par la Cour constitutionnelle et le gouvernement. Ils se partagent également les travers de la gouvernance extravertie qui caractérise le régime actuel et qui se traduit par la prévalence des priorités extérieures sur les préoccupations internes, la prévalence du droit français sur le droit malien.

Les moyens de défense utilisés par le gouvernement en donnent l’illustration.

 La méconnaissance de la jurisprudence de la recevabilité du recours en inconstitutionnalité des lois constitutionnelles : L’amalgame entre loi constitutionnelle et loi référendaire

D’abord sur la recevabilité de la requête en inconstitutionnalité de l’opposition, le gouvernement laisse apparaitre au grand jour sa méconnaissance de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle du Mali. L’argument mis en avant pour contester ladite requête atteste bien qu’il n’avait certainement pas connaissance de l’Arrêt n° 01-128 du 12 décembre 2001 avait déjà tranché la question de la compétence de la Cour constitutionnelle en matière de contrôle de constitutionnalité d’une loi constitutionnalité votée et publiée au Journal Officiel et que ce contrôle ne faisait plus l’objet d’aucun doute dès lors que la Cour en était saisie. Mais le ridicule qui ne tue plus du côté de ce gouvernement, c’est lorsque, jouant aux apprentis sorciers du droit, il va jusqu’à exhumer la jurisprudence du Conseil constitutionnel français datant du 6 juin 1962 dans le but de faire comprendre à la Cour que sa compétence ne couvre pas « l’examen de la constitutionnalité des lois référendaires qui, en tant qu’expression directe du peuple, échappent à tout contrôle ». Le gouvernement ajoute sans rire, citant le constitutionnaliste français Bernard CHANTEBOUT, que la jurisprudence de 1962 a été confirmée par le Conseil constitutionnel à l’occasion du référendum qui a approuvé le Traité de Maastricht. Avouons que c’est quand même assez grotesque et osé que de confondre une loi référendaire et une loi constitutionnelle ! Dans la jurisprudence française de 62 et de 92, il est bien question de loi référendaire, c’est-à-dire d’une loi déjà adoptée par référendum par le peuple. Il est tout à fait compréhensible que le Conseil constitutionnel se refuse à contrôler une telle loi qu’il considère à juste titre comme l’expression directe de la souveraineté nationale. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit au Mali, puisque qu’à ce stade, la loi faisant l’objet de cette procédure de contrôle constitutionnalité n’est pas une loi référendaire, mais plutôt une loi constitutionnelle. Le gouvernement qui préfère s’adosser sur la jurisprudence et sur les constitutionnalistes français ignore certainement que la loi qui est contestée est une loi constitutionnelle n’ayant pas encore acquis le qualificatif de référendaire. Il a probablement mal assimilé les leçons prodiguées par les constitutionnalistes français et la jurisprudence du Conseil constitutionnelle qui font bel et bien la différence entre une loi constitutionnelle et une loi référendaire.

 L’interprétation extravertie de l’article 118 de la constitution malienne : De la primauté de la jurisprudence et de la constitution française sur le droit malien

Les travers de la gouvernance extravertie qui caractérise le régime actuel se manifestent également dans le moyen de défense gouvernemental relatif à la violation de l’article 118 de la Constitution malienne. Ce moyen de défense s’avère assez pathétique de par son obsession à toujours faire prévaloir le droit français sur notre droit malien d’Etat souverain capable d’emprunts étrangers au plan juridique, mais aussi de compréhension et d’interprétation internalisée de ces emprunts. A cet égard, le gouvernement et même la Cour constitutionnelle ne semblent pas avoir compris que le Mali est un Etat souverain qui dispose d’un ordonnancement juridique interne qui ne doit être interprété que dans sa cohérence nationale et non par rapport au droit colonial français. Est-ce parce que leur esprit souffre de complexe du colonisé qu’ils se croient obligés de toujours renvoyer le droit malien aux textes et à la jurisprudence française ? La question se pose, car même à propos de l’article 118 dont nul, à part le gouvernement et sa Cour, ne peut sérieusement contester la violation, le Mémoire en défense du gouvernement « francise » également la souveraineté du peuple malien exprimée à travers sa Constitution. Déniant sans aucun vergogne toute capacité intellectuelle autonome des Maliens et le droit souverain du peuple malien d’avoir sa propre interprétation du texte de sa Constitution, le Mémoire en défense du gouvernement s’exile en France pour expliquer le sens de l’article 118 : « L’article 118 est un emprunt à la Constitution française de 1958 qui fait écho de l’attitude du régime de Vichy qui modifia la constitution quand la France était occupée, sous la pression des Allemands et dans le but de satisfaire à leurs exigences. C’est pour prévenir une telle situation que le constituant français a prévu d’amender la Constitution de 1958 lorsque l’intégrité du pays était menacée ». De ce fait, le gouvernement interdit toute interprétation de notre propre Constitution en référence à notre contexte national et à notre propre droit national malien.

 Des explications pathétiques pour justifier une erreur évidente de date et l’irrégularité formelle de la loi constitutionnelle

Les élucubrations du gouvernement sont tout aussi pathétiques à propos de la date erronée de la loi constitutionnelle. Il soutient que « la séance plénière délibérative sur le projet de loi qui a commencé le 02 juin 2017, s’est poursuivie jusqu’à 2 h 44 mn du matin ». Il veut simplement dire qu’à cette heure, la plénière était toujours au 02 juin 2017 !

Enfin, ce Mémoire en défense laborieux sans aucune rigueur juridique, se termine avec des arguties qui dénotent une fois de plus de l’insécurité juridique dans laquelle se trouve plongé le pays du fait de la médiocrité généralisée qui sévit au sommet de l’Etat où les plus hauts responsables ignorent les principes élémentaires de fonctionnement d’un Etat de droit.

En l’occurrence dans un Etat de droit, un gouvernement digne de la République ne peut, même s’il entend jouer à l’avocat du diable, soutenir qu’« aucune loi n’indique dans quelle forme doit se présenter un texte constitutionnel ». Ainsi sans aucune gêne, le gouvernement tente de faire avaler son incapacité à présenter dans la forme modificative standard, une loi de la république.

Ce moyen de défense pour le moins inappropriée, prouve à quel point ce gouvernement s’embarrasse peu de considérations juridiques.

Dr Brahima FOMBA

Chargé de Cours à Université des Sciences

Juridiques et Politiques de Bamako(USJP)

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Source: L’Aube

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