«J’ai décidé de ne pas briguer un second mandat. Et Je me dois une certaine neutralité entre les différents candidats»
Dans cet entretien exclusif, le président de la Fédération malienne de football, Boubacar Baba Diarra, évoque le bilan de son mandat de 2013 à 2017. Malgré ce bilan très flatteur, l’Inspecteur général de police a décidé de ne pas briguer un second mandat. Il s’en explique dans cette interview.
Aujourd’hui : Monsieur le Président, peut-on dire aujourd’hui que le football malien se porte bien ?
Boubacar Baba Diarra : La réponse est oui, malgré tous les soubresauts que nous avons connus et en dépit de tous les obstacles qui ont jalonné ces quatre dernières années. Faites le constat vous-même ! Nous avons depuis deux ans maintenant quatre compétitions de championnat national : le classique championnat de Ligue 1 Orange, les championnats féminin, des cadets et des minimes, sans compter la traditionnelle coupe nationale.
Les compétitions de football se déroulent pratiquement tout au long de l’année. Cela a été rendu possible en réalisant et en réhabilitant de nombreux terrains de football et de stades à travers tout le pays pour les rendre aux normes exigées afin d’abriter des compétitions internationales. Nous avons de même, au cours de ces quatre ans, apporté un soutien financier sans précédent aux clubs ainsi qu’aux structures associatives du football que sont les ligues et les districts, dans le but d’alléger considérablement le poids financier qui écrasait les clubs et ligues et qui handicapait sérieusement l’épanouissement de notre sport-roi, notamment au plan local. En termes de gains sportifs, les résultats sont là qui parlent d’eux-mêmes tant sur le plan continental qu’international. Jamais auparavant et ce depuis l’indépendance, aucune fédération du Mali n’avait opéré autant pour ce genre de boom sportif. Par ailleurs, les cartons sont pleins de projets tous initiés ou sur le point de l’être pour le développement du football dans notre pays.
Sans conteste, on peut dire que le football se porte bien !
Votre mandat a été émaillé d’événements malheureux tendant à entraver votre réussite, quelles explications à cet état de fait ?
Il est vrai que la quasi-totalité de ce mandat de quatre ans a été polluée par une atmosphère délétère, faite de guerre de tranchées, voire de la violence transportée jusque y compris dans les stades. Les multiples blocages, tendant à empêcher toute saine compétition dans le football et même pour empêcher tout court la pratique du football, ont été orchestrés à la fois par des acteurs du football.
Je ne m’explique pas, tout comme la plupart des Maliens, que l’on puisse œuvrer autant contre les intérêts de la jeunesse de son pays, car jusqu’à ce jour, nul ne m’a confronté à des raisons objectives pouvant expliquer autant d’animosité et de haine. Je peux comprendre que nous ayons des différences d’approches tant pour la gestion des affaires financières que dans la conception même des projets d’avenir pour le football. Mais mes adversaires ou ceux qui se sont déclarés tels ne m’ont jamais fait la démonstration de quelque reproche que ce soit dans ce sens.
Il n’y a jamais eu la moindre démonstration de faute professionnelle ou relative à une quelconque violation de l’orthodoxie des textes régissant le football tant au Mali qu’à l’international, de même que l’orthodoxie comptable.
Tout a été mis en œuvre pour vous débarquer, mais à tous les niveaux vous êtes sortis vainqueur et requinqué à bloc. Quelles étaient vos armes ?
Mes armes ? Je n’en ai jamais eues ! Je respecte et vis suivant simplement les principes de droit, de justice, d’équité et de morale qui fondent mon éducation. Je reste convaincu qu’en suivant ces principes, on résiste à bien des avanies. Mon premier juge est ma conscience. Je suis fervent musulman et j’ai foi en la justice immanente.
Jusque-là, en termes de performances, vous avez réussi là où vos prédécesseurs ont échoué. Quel est votre secret ?
Il n’y a pas de secret dans la réussite. Les bonnes performances, engrangées ces dernières années sous notre mandat, s’expliquent tout simplement par la rigueur dans la gestion et une bonne organisation mise en place.
Quand nous arrivions aux affaires, nous avions déjà un plan d’actions de développement du football, comprenant aussi bien la gestion financière que celle des ressources humaines avec, en bonne place, l’élaboration de projets de développement du football. Nous avons développé de nouveaux outils de gestion, avec l’élaboration d’un manuel de procédures financières et administratives ; toutes ces pratiques, tendant à plus de transparence et de rigueur dans la gestion, n’existaient pas auparavant.
Cette méthode de travail nous a permis d’élargir la base de la pratique sportive si bien qu’à l’heure actuelle, le Mali dispose d’une politique de formation à la base qui permet de détecter et former les talents précoces.
Il n’y a pas d’improvisation dans le travail ; le résultat est lié à une bonne organisation et une rigueur efficiente qui sont les gages du succès.
Dans ce bilan, quel est l’élément qui a retenu votre attention ?
En termes de bilan, on est tenté de mettre immédiatement en avant les deux coupes continentales que nous avons engrangées et cela de façon consécutive. Pourtant, au milieu de beaucoup d’autres raisons de satisfaction, ce que je retiens comme fierté, c’est surtout d’avoir pu réaliser des infrastructures sportives à travers tout le territoire national. Car ces réalisations participent à rapprocher davantage la jeunesse de tout le pays, permettent aux populations de demeurer proches de leurs athlètes et surtout permet à la jeunesse des régions qui n’en avaient pas, d’intégrer le concert national, du moins au plan du football. Aujourd’hui, dans beaucoup de régions du Mali, la pratique du football est une réalité visible et non anecdotique, contrairement à un passé récent où c’est Bamako qui faisait très souvent l’actualité du football. C’est une modeste contribution à la consolidation de l’unité nationale, mais c’est déjà beaucoup et si ça n’était que cela seulement, il n’y a pas pour nous de quoi rougir.
Après la tenue de l’Assemblée générale extraordinaire, le 24 juillet dernier, on peut dire aujourd’hui que vous avez respecté le protocole d’accord de sortie de crise signé le 27 avril 2017 ?
Effectivement, à la suite d’une médiation entreprise par le gouvernement, consécutive à la dissolution du Comité exécutif prise plus tôt le 8 mars 2017 par le ministre des Sports, nous avions souscrit à plusieurs engagements dont la tenue de cette assise du 24 juillet dernier. Il s’agissait de convoquer une assemblée générale extraordinaire pour à la fois entériner la levée des sanctions infligées dans le cadre de la crise et inscrire comme second point à l’ordre du jour la mise en place d’un comité de normalisation par la Fifa. Ce second point n’était plus d’actualité puisque la Fifa avait déclaré que non seulement elle ne se sentait aucunement concernée par les conclusions du Protocole d’Accord, mais qu’au demeurant, elle ne voyait aucune raison justifiant la mise en place d’un comité de normalisation pour remplacer l’actuel Comité exécutif qui était, de plus, à seulement six mois de la fin de son mandat.
Dès lors, il ne restait plus que le seul point concernant la levée des sanctions comme ordre du jour. Nous l’avons soumis aux délégués, et dans leur magnanimité, ils ont suivi avec une quasi-unanimité notre volonté d’apaisement dans le monde du football.
A trois mois de la fin de votre mandat, peut-on alors dire que c’est un ouf de soulagement après tout ce qui s’est passé ?
Tout à fait ! Comme j’ai eu à le rappeler fort opportunément, on peut considérer qu’avec la tenue de l’Assemblée générale extraordinaire du 24 juillet dernier, la crise est définitivement derrière nous. En réalité, la signature du Protocole d’accord du 27 avril dernier avait signifié la fin de la crise du football, puisque cette signature l’avait été entre nous et les clubs et ligues contestataires, même si cela avait été fait sous l’égide du gouvernement. Nous nous étions engagés à lever toutes les sanctions prises dans le cadre de la crise à l’encontre des personnes physiques. Toutefois, il était nécessaire de convoquer les délégués des ligues et clubs pour entériner cette mesure, car l’Assemblée générale est la seule instance habilitée à le faire même si le Comité exécutif dispose de mandat pour agir.
Alors théoriquement, la crise est définitivement terminée. Mais elle aura laissé des traces durables ; il faut désormais s’atteler à réduire les fractures. Ce qui importe, c’est aller de l’avant pour réussir le processus entamé de développement du football. Je n’ai, tout au long de ces années de crise, cessé d’affirmer mon désir de voir la paix et la concorde revenir dans le football. Terminer ce mandat sur cette note d’espoir est un réel soulagement car il n’est agréable, pour aucun responsable, de voir sa famille se déchirer, d’assister à la division et perdre son énergie en d’inutiles affrontements qui, autrement, aurait été employée plus utilement. Personne ne sort gagnant de la crise.
Quels sont vos regrets par rapport aux objectifs que vous vous êtes fixés, au moment de franchir pour la première fois le portail de la Fémafoot en tant que président de cette instance ?
Il y a toujours des regrets, au moment de quitter de telles fonctions car il est naturel, avec un regard rétrospectif, qu’on se dise que telle ou telle chose aurait pu être faite autrement, en mieux ou n’aurait pas dû l’être par rapport à telle autre chose, etc. Bref, ce genre d’interrogation est normal.
En venant, j’avais beaucoup d’ambitions pour le football de mon pays. Le premier regret est la dure confrontation avec la réalité des hommes qui ne m’a pas laissé beaucoup de marge pour agir, comme on le constate avec la fin de mon mandat. Pour autant, je ne pense pas avoir beaucoup de regrets par rapport à mes objectifs. Certes, quatre ans ne suffisent pas toujours à atteindre tous les objectifs, de par même la nature de certaines de ces échéances qui s’inscrivent dans la durée et pouvant aller au-delà d’un mandat fédéral. Les obstacles réels, tant dans le milieu sportif qu’au niveau institutionnel, n’ont pas permis de conduire à temps et à bien certains projets qui nous tenaient beaucoup à cœur. Mais en dépit de tout ce que vous savez, certains autres l’ont été et je pense qu’avec le style de gouvernance que nous avons instauré dans la gestion managériale du football au Mali, aucune équipe fédérale ne peut se départir de l’esprit et de la culture d’obligation de résultat que nous avons insufflés dans le paysage footballistique. Ceci est un acquis durable.
Votre bilan est bon, et même excellent selon certains, officiellement vous avez décidé de ne pas briguer un autre mandat pour succéder à vous-même. Pourquoi cette décision ?
Cette question est assez complexe, mais à la fois facile à répondre. Bien que crédité d’un excellent bilan, tant sur le plan des résultats sportifs que sur celui des réalisations en termes d’infrastructures, j’ai pourtant décidé de ne pas briguer un second mandat.
Aussi difficile qu’ait été cette décision, je me devais de la prendre. Les raisons avancées ne sont pas d’ordre sportif, encore moins liées à la gestion que j’ai faite, ces quatre ans, des ressources financières et matérielles de la Fédération.
Je ne veux pas entrer dans des polémiques inutiles. Je pense qu’en cette période, je me dois de laisser un héritage positif en termes d’impression à l’image de mon bilan. Toutefois, je crains fort que d’autres considérations extra-sportives ne continuent encore longtemps à prévaloir dans le football malien tout comme la qualité de la direction du football des différents niveaux au Mali ne soit assez rétive au changement.
Pourtant, si beaucoup de gens ont salué votre décision de ne pas être candidat, d’autres par contre, voulaient vous voir encore à l’œuvre pour un second mandat ?
Je m’étonne que vous affirmiez que beaucoup de gens aient salué ma décision de ne pas postuler à un second mandat. Car, s’il est vrai que l’appréciation générale de mon bilan est largement positive, le public amateur de football, voire l’opinion en générale éprouve des regrets face à cette décision. Quant à moi, les nombreux messages de solidarité et de soutien que je ne cesse de recevoir depuis, de même que les réactions de l’opinion sont nettement plus affirmés et me confortent que j’étais sur la bonne voie. Tout m’indique au contraire que nous aurions pu poursuivre ensemble ce que nous avons commencé.
A quelle date exactement l’Assemblée générale élective devra-t-elle se tenir ?
Le 8 octobre prochain !
A l’heure actuelle, qui sont les probables candidats ?
Seul le Secrétariat général de la Fédération est à même de publier la liste des probables candidats. Pour l’heure, tous ceux qui sont annoncés pour briguer la présidence de la Fémafoot sont considérés comme des candidats virtuels et cela jusqu’à ce que les dossiers soient déposés auprès de la Commission électorale que nous avions mise en place. Cette commission est déjà installée et est à pied d’œuvre. Lorsqu’elle aura terminé son travail d’analyse et de sélection des dossiers, elle le fera savoir. N’oublions pas que cette commission est souveraine et est composée d’éminentes personnalités ayant fait leurs preuves tant dans la haute administration que dans divers secteurs d’activités de ce pays.
Si on vous demandait de soutenir un candidat, lequel allez- vous choisir ?
Pour un président sortant qui ne brigue pas un second mandat et qui de plus vient de faire adopter des décisions tendant à ramener la paix, la concorde et surtout la réconciliation dans la famille du football, votre question impose une réponse prudente.
Nous ne sommes plus dans la dynamique d’affrontements qui a prévalu durant ces quatre ans. Je me dois alors une certaine neutralité, même si mon souci est la poursuite et la pérennisation de ce que j’ai commencé quatre ans plus tôt. Aussi, vais-je simplement souhaiter que le meilleur, qui a à cœur le devenir du football malien, l’emporte à l’issue d’une saine compétition où ne doivent prévaloir que le souci du devenir de la jeunesse, le développement du football pour d’autres succès encore plus éclatants que ceux que nous avons engrangés ces quatre ans.
Monsieur le président, il y avait des problèmes au niveau des ligues de Ségou et de Kayes. Quelle est la situation actuelle de chacune de ces ligues ?
Je m’étonne, tout comme vous et la plupart des observateurs, qu’il y ait aujourd’hui un problème à Kayes. Si l’on se réfère au Protocole d’accord signé le 27 avril dernier, vous verrez que seules les ligues de Ségou et de Bamako étaient concernées par un processus de reprise des élections. Nulle part dans le document soumis à notre signature par le gouvernement, qui l’avait rédigé de bout en bout, la question de la ligue de Kayes n’a été posée.
Mais au fil du temps, si les élections ont pu être reprises pour la ligue de Bamako, nous assistons à des blocages systématiques au niveau de Ségou. Le comité de suivi, présidé par les ministres médiateurs, Abdoul Karim Konaté du Commerce et son homologue de la Jeunesse et de la Construction citoyenne, Amadou Koïta, continue à siéger, mais le dossier de Ségou n’évolue pas dans les meilleures conditions. De plus, ce Comité de suivi a, de son propre chef, ouvert le dossier de Kayes alors que dans le Protocole signé, il n’en est question nulle part.
Quels sont vos rapports avec la Caf et la Fifa ?
Excellents ! Et les changements opérés à la direction de ces deux instances n’ont pas du tout altéré la qualité de nos rapports, tant à titre individuel que sur le plan des relations fédérales. Nous devons beaucoup à la Fifa et à la Caf pour nos résultats engrangés. A titre indicatif, en quatre ans, la Fémafoot n’a obtenu aucun financement public de la part de l’Etat malien. Sans l’apport de la Fifa et de la Caf, nous n’aurions pu rien faire. Et ces deux instances internationales reconnaissent tous nos efforts de transparence et de rigueur dans la gestion du football, de même que la pertinence de nos projets novateurs sinon, vous pouvez en être sûr, ni la Fifa encore moins la Caf n’auraient continué à nous aider comme elles l’ont toujours fait pour le plus grand bénéfice du football malien, donc de sa jeunesse.
Selon nos informations, le président de la Fifa est attendu au Mali pour l’inauguration du stade de Tombouctou. Qu’en est-il ?
En effet, le Président Infantino doit venir à Bamako, pour se rendre au Nord, à Tombouctou et à Gao, afin d’inaugurer les deux stades de ces deux villes qui ont été réhabilités et remis à niveau grâce à des financements Fifa. Tout est une question d’agenda et nous espérons que cela pourra être possible dans les semaines à venir.
Si on vous demandait d’adresser un message particulier aux différents segments du football malien, notamment les autorités, les dirigeants, les joueurs, les supporters. Que diriez-vous ?
Si j’avais un message, ce serait celui de la paix et de la réconciliation. Comme j’ai eu à le dire, rien de solide et de durable ne sera construit dans le monde du football sans apaisement des cœurs entre dirigeants, sans prise de conscience de la primauté du football et l’avenir de la jeunesse sur toutes autres considérations. En laissant les initiatives personnelles s’exprimer, on contribue plus sûrement au développement du football. Tous, tant que nous sommes acteurs et responsables du football, nous nous devons de garder constamment à l’esprit les immenses sacrifices du public des supporters qui ne récolte aucune dividende que celle de la joie et de la peine des victoires et des défaites.
Le président fédération malienne de football Boubacar Baba Diarra exclusivité agréable responsable famille déchirer d’assister division perdre énergie inutiles affrontements
Réalisé par A.B. HAÏDARA
Source: Aujourd’hui-Mali