Deux actes importants ont été posés, la semaine dernière, dans le processus de paix au Mali. Il s’agit de la visite de Sidi Mohamed Ag Icharach, le gouverneur de la région de Kidal, à Kidal et la trêve de deux semaines signée entre la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme, deux groupes armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, qui se livrent des sanglants combats pour le contrôle de Kidal. Ces signaux positifs ne convainquent pas certains observateurs tant les acteurs du processus de paix, ont l’habitude de souffler le chaud et le froid dans l’application de l’Accord de paix issu du processus d’Alger, signé le 20 juin à Bamako.
Décrispation
Sidi Mohamed Ag Icharach, le gouverneur de la région de Kidal, a enfin foulé le sol de la ville de Kidal le mercredi 23 aout 2017. Accueilli par les responsables de la Coordination des Mouvements de l’Azawad(CMA) et les notabilités de la ville, Ag Icharach, nommé gouverneur en juin dernier, était pourtant persona non grata dans l’Adrar des Ifoghas sous contrôle de la CMA depuis la visite controversée de l’ancien Premier ministre Moussa Mara en mai 2014 au cours de laquelle l’armée malienne a été chassée de la ville. Selon Salif Traoré, le ministre de la sécurité et de la protection civile du Mali, après cette visite du gouverneur, « très rapidement le MOC va être à Kidal aussi bien que les autorités intérimaires ». Prudent, Sidi Mohamed Ag Icharach qui a été empêché plusieurs fois de mettre pied dans la « cité interdite », indiquera, à son arrivée à Kidal, « on peut effectivement dire que c’est un début de retour de l’État sur place ». D’intenses négociations ont été nécessaires afin d’aboutir à ce retour, quoique temporaire pour l’instant, dans la ville de Kidal. L’imam Mahmoud Dicko, président du Haut Conseil Islamique, a d’ailleurs séjourné à Kidal pour aplanir les différends entre la CMA et l’Etat malien. Autre fait important dans le réchauffement du processus de paix, c’est la trêve de quinze jours renouvelables signée entre la CMA et la Plateforme, le même mercredi, à Bamako. Les deux ennemis jurés ont, en effet, promis de mettre fin, temporairement, aux combats sanglants qu’ils se livrent pour le contrôle de Kidal. L’objectif de cette trêve est de « mener les réflexions en vue de parvenir à un accord de cessation d’hostilités global et définitif. » Les deux groupes s’abstiennent de toute action de provocation de nature à nuire à cette trêve, y compris la propagande et les déplacements de troupes et de combattants sans concertation préalable avec la MINUSMA. Ils s’engagent à parachever les travaux en cours avec le Gouvernement du Mali en vue de l’adoption d’un chronogramme actualisé de mise en œuvre de l’Accord pour la paix.
Nécessaire respect des engagements
C’est connu de tous. Ce qui fait le plus défaut dans l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu des pourparlers d’Alger, plus de deux ans après sa signature, c’est le non respect des engagements pris de part et d’autre. Ceux qui veillent sur la bonne application en sont bien conscients. « Je souhaite, au nom de la communauté internationale, que ce pas que nous sommes en train de franchir ouvre des opportunités pour une mise en œuvre intégrale de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger et que cette paix tant attendu puisse être une réalité. Il est plus facile de signer mais le plus difficile est de l’appliquer », a indiqué le chef de la Minusma, Mahmat Saleh Annadif, après la signature du document du cessez le feu temporaire entre les deux groupes armés. L’imam Mahmoud Dicko, l’un des artisans de la décrispation entre la CMA et la Plateforme, a aussi appelé les signataires « à respecter leur engagement. »
« Nous attendons de voir. On nous a tellement habitué à « un pas en avant, deux pas en arrière » qu’il est vraiment difficile de dire que ces actes vont être le déclic pour une bonne application de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali », explique Aboubacar Sidiky Traoré, politologue et observateur du processus de paix au Mali. Selon lui, le chemin de la paix au Mali est aujourd’hui parsemé d’embuches : « Plus de deux ans après la signature de l’Accord, on tergiverse. Les parties ne semblent pas être conscientes de l’immensité des défis auxquels ils doivent faire face. Les réfugiés ne sont pas encore de retour, l’insécurité et le terrorisme prennent des proportions inquiétantes, au Nord et au centre du pays, les populations sont laissées à elles mêmes… »
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Madiassa Kaba Diakité
Source: Le Républicain