Le leader du Front de libération du Macina accepte de négocier avec le pouvoir malien par l’entremise de l’ex-président de l’Assemblée nationale. Au grand dam de Bamako.
Certains y ont vu une preuve irréfutable d’une connivence avec le Front de libération du Macina (FLM), mouvement djihadiste du centre du Mali. D’autres l’ont interprété comme la confirmation de l’autorité morale d’une figure emblématique de la communauté peule malienne. Quoi qu’il en soit, lorsque le djihadiste malien Amadou Koufa, fondateur du FLM, franchit le pas d’accepter de négocier avec le pouvoir malien, il désigne Alioune Nouhoum Diallo comme principal interlocuteur.
A 80 ans, ce professeur de médecine formé au Sénégal et en France a la politique inscrite dans son ADN. Jeune étudiant venant du Soudan français (le nom du Mali avant l’indépendance), il participait aux barricades dans les rues de Dakar pour dénoncer le pouvoir colonial. « Des policiers nous ont arrêtés lors d’une de nos manifestations et nous ont conduits au commissariat. Avant de me relâcher, ils m’ont dit : “Vous les Soudanais, c’est vous qui venez semer la pagaille ici au Sénégal” », se souvient encore Alioune Nouhoum Diallo, de passage à Cergy-Pontoise, en région parisienne.
Fils « d’un berger et d’une bergère peuls analphabètes »
De ses années de militantisme à Dakar puis à la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF), Alioune Nouhoum Diallo, président de l’Assemblée nationale du Mali de 1992 à 2002, a gardé un attachement quasi dogmatique aux principes. Ainsi, il aura fallu une mobilisation presque nationale pour convaincre cet homme de partir en France soigner ses problèmes oculaires.
« Je considérais que je serai en porte-à-faux avec moi-même, si je partais à l’étranger me soigner. En tant que médecin, je soigne moi-même les Maliens au Mali. Je ne trouvais donc pas normal d’aller ailleurs me soigner. Pour que j’accepte, il a fallu que des ophtalmologues maliens me disent qu’ils leur arrivent de soigner leurs yeux à l’étranger », justifie-t-il avec le verbe haut de l’ancien leader étudiant.
Pourtant, ce n’est pas tant le brillant parcours de ce fils « d’un berger et d’une bergère peuls analphabètes » qui a convaincu Amadou Koufa de trouver en lui un interlocuteur crédible. Le djihadiste malien, ancien bras droit de Iyad Ag-Ghali, fondateur d’Ansar Dine, a surtout eu les échos de la façon dont l’ancien président du Parlement de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), de 2000 à 2006, a présidé du 2 au 3 mai à Mopti les assises de la paix dans le delta central du Mali.
« Des lieutenants de Koufa présents dans la salle ont demandé à prendre la parole. Non seulement j’ai accepté qu’ils s’expriment, mais j’ai tenu aussi à ce qu’ils disent ce qu’ils ont sur le cœur en toute franchise, en fixant une seule limite : qu’ils n’utilisent pas les assises comme une tribune de propagande djihadiste », a expliqué l’ancien militant de la FEANF.
Le pouvoir totalement agacé
Si Amadou Koufa et ses lieutenants ont apprécié la conduite des travaux par l’ancien président de l’Assemblée nationale, en revanche, le pouvoir de Bamako en fut totalement agacé. Le régime en voulait déjà à Alioune Nouhoum Diallo d’avoir refusé de serrer la main du président de la République Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) en pleine propagation de l’épidémie Ebola en Afrique de l’Ouest.
« Depuis cet épisode et les assises de Mopti, tout ce que dit Alioune Nouhoum Diallo est surveillé comme le lait sur le feu par le pouvoir », confie un proche du palais de Koulouba, siège de la présidence malienne, sur les hauteurs de Bamako. L’appréciation du professeur Diallo de la situation actuelle dans le delta central du Mali où agissent Amadou Koufa et ses hommes n’est pas près d’améliorer les relations compliquées entre IBK et son ancien camarade de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema). « Nous sommes aujourd’hui arrivés dans le delta central à un stade où les populations ont autant peur de l’armée malienne, de la gendarmerie malienne, de la police malienne que des hommes d’Amadou Koufa », a-t-il argumenté.
A la différence du gouvernement malien, il s’est dit ouvert à des discussions franches avec Amadou Koufa, à condition que le djihadiste accepte de s’affranchir de la tutelle d’Iyad Ag-Ghali et de ses autres coassociés au sein du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), une plate-forme associant notamment Ansar Dine, le FLM, Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).
« Pour moi, la seule condition pour discuter avec Amadou Koufa serait qu’il se libère de la tutelle des autres. Je sais que négocier n’est pas la position du pouvoir. Mais, à mon âge et avec le parcours que j’ai eu, la seule chose qui m’importe, c’est ce qui peut aider le Mali à sortir du désastre actuel », a réaffirmé l’ancien leader étudiant malien, qui s’était par ailleurs engagé contre le projet de révision constitutionnelle du président IBK.