Les échéances électorales de 2018 ne vont-elles pas se dérouler dans le même climat de mépris de légalité qui a caractérisé la quasi-totalité des scrutins organisées sous l’ère IBK ? La question se pose avec d’autant plus d’inquiétude que la révision annuelle des listes électorales, l’acte majeur préparatoire des scrutins de 2018, intervient dans un imbroglio institutionnel dont la conformité à la loi 2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale paraît fort douteuse. De quoi s’agit-il ?
Le scrutin référendaire de révision irrégulière de la Constitution attentatoire de la démocratie malienne dont le collège avait été convoqué pour le 9 juillet 2017, a vu son Décret n°2017-0448/P-RM du 7 juillet 2017 « rapporté » le 21 juin 2017, date à partir de laquelle il n’y avait plus de scrutin référendaire. Par ailleurs, les élections locales, régionales et du District de Bamako dont il n’a été question que d’un vague et très hypothétique agenda sans cesse repoussé du reste avant même d’être adopté, n’ont jamais fait l’objet de convocation formelle de collège électoral.
Du fait de ces contingences, la CENI instituée par le Décret n°2017-0214/P-RM du 13 mars 2017 a perdu toute justification et ne dispose de ce fait d’aucun mandat électoral légal. Juridiquement parlant, elle n’a plus de fondement légal au regard de la loi 2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale.
Comme nous le savons, l’article 39 de la loi électorale dispose que les listes électorales font l’objet d’une révision annuelle du 1er octobre au 31 décembre de chaque année et que durant toute l’année qui suit la clôture de la liste, les élections sont faites suivant la liste révisée et arrêtée au 31 décembre.
Ce qui signifie que les opérations de révision annuelle des listes électorale censées avoir débuté hier 1er octobre 2017, vont servir à établir le fichier électoral en vue du scrutin présidentiel et des élections législatives de 2018. C’est dire tout l’enjeu autour de ces opérations de révision des listes électorales dont la bonne gestion conditionne à bien des égards la transparence des élections de 2018.
L’on comprend donc aisément le bien fondé du dispositif mis en place par le législateur chaque fois que les opérations de révision des listes électorales précèdent l’année d’élections générales dont les dates sont normalement connues d’avance.
Ce dispositif consiste en la mise en place de la CENI avant le début des opérations de révision annuelle des listes électorales précédant l’année des élections générales. C’est ainsi que l’alinéa 1er de l’article 10 de la loi électorale est libellé : « Les membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante sont nommés par décret pris en Conseil des ministres avant le début des opérations de révision annuelle des listes électorales précédant l’année des élections générales ».
Dans le contexte actuel, cette obligation légale n’est pas satisfaite, car aucune CENI chargée du suivi et de la supervision des élections générales de 2018 devant être fonctionnelle dès les opérations de révision des listes électorale commencé hier 1eroctobre 2017, n’a été mise en place nulle part.
La CENI est une institution ad hoc mise en place pour des scrutins précis
Qu’on ne vienne surtout pas nous distraire en exhibant la CENI actuelle mise en place depuis le 13 mars 2017par le Décret n°2017-0214/P-RM.
La CENI est une structure ad hoc dont les prérogatives ne peuvent par extension couvrir tous les scrutins qui lui tomberaient comme par hasard dans les bras.
C’est ce qui ressort de l’article 10 de la loi électorale qui ne prévoit que deux hypothèses de mise place de la CENI. La première hypothèse que nous vivons actuellement concerne les élections générales normales conforme à des échéances constitutionnelles ou légales connues d’avance de tous, en vue desquelles elle est mise en place avant le début des opérations de révision annuelle des listes électorales précédant l’année desdites élections. La seconde vise les élections générales anticipées pour lesquelles elle est mise en place aussitôt après la convocation du collège électoral.
Ces deux hypothèses montrent bien que la CENI est toujours rattachée à des scrutins précis connus d’avance et programmé au moment de sa mise en place.
La CENI étant par nature une institution ad hoc et non permanente, donc mise en place pour un ou des scrutins bien précis, il est évident que le Décret susvisé n°2017-0214/P-RM du 13 mars 2017 n’a été pris que dans la perspective des échéances électorale à l’époque qui étaient constituées du référendum constitutionnel, des élections locales et des élections régionales et du District de Bamako.
La CENI en place manque de fondement juridique
Si l’on veut d’ailleurs être plus précis, on dira que la CENI instituée par le Décret n°2017-0214/P-RM du 13 mars 2017 n’a eu finalement de fondement juridique que par rapport au scrutin référendaire qui était en vue dont le collège électoral avait effectivement été convoqué pour le 9 juillet 2017 par le Décret n°2017-0448/P-RM du 7 juillet 2017, pour ensuite être reporté, comme nous l’avion dénoncé, par simple communiqué de Conseil des ministres et non un décret abrogatif au mépris de la règle du parallélisme des formes.
Quant aux deux autres scrutins dont les collèges n’ont finalement jamais été convoqués jusqu’à ce jour, on en est resté à l’étape d’annonce verbale de calendrier électoral faite le 30 mai 2017 par le ministre de l’Administration territoriale relativement à la tenue des élections locales et communales partielles le 29 octobre 2017 et des élections régionales et du District de Bamako le 26 novembre 2017. Nous savons d’ailleurs depuis le 11 septembre 2017, que ces dates ne tiennent plus et qu’il est question de la nouvelle date du 3 décembre 2017 tout aussi improbable voire impossible pour la tenue de ces scrutins. Tout comme les précédentes, la date du 3 décembre 2017 récemment annoncée n’est qu’un mirage de plus projeté aux yeux de l’opinion étant donné que les préalables juridiques font cruellement défaut à la tenue à cette date de ces scrutins.
C’est cette incapacité chronique du gouvernement à tenir les échéances électorales qu’il fixe lui-même qui contribue à mettre la CENI en porte-à-faux avec le statut d’institution ad hoc qu’elle tient de la loi électorale.
La mauvaise pratique amorcée avec la CENI dirigée par le Président DIAMOUTENI qui a de facto transformé l’institution ad hoc en structure quasi permanente au mandat illégal de sept (7) ans ne doit guère faire école.
Etant donné d’une part que le référendum constitutionnel a été reporté sine die et que d’autre part, il n’y a jamais eu d’élections locales, régionales ou du District de Bamako en vue faute de collège convoqué en bonne et due forme dans ce sens, la CENI actuelle en place manque de fondement juridique. Sur le plan légal, c’est une CENI dont l’objet même de la mise en place est inexistant et qui ne peut aucunement prétendre assurer le suivi et la supervision des scrutins de 2018 pour lesquelles elle n’a guère été instituée.
Il aurait fallu, pour ne pas tomber dans cette illégalité mal venue pour des scrutins cruciaux comme ceux de 2018, mettre en œuvre l’alinéa 1er de l’article 10 de la loi électorale qui dispose que « les membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante sont nommés par décret pris en Conseil des ministres avant le début des opérations de révision annuelle des listes électorales précédant l’année des élections générales ».
Élections générales 2018 loi électorale déjà violée
Dr Brahima FOMBA
Chargé de Cours à Université des Sciences
Juridiques et Politiques de Bamako(USJP)
Source: L’ Aube